Après ses aventures indiennes [1] qui l’ont fait connaître, Simon Lamouret est de retour avec une histoire toute autre dans un univers très différent.
Nous voici projetés dans une campagne française. Où exactement ? Pas sûr que ce soit déterminant. Si la Sainte-Chapelle du livre n’existe pas, en revanche la maison achetée par Elise ressemble fortement à ces longères de la vallée de la Loire, mais sans leur habituelle couverture d’ardoises [2]. Quoi qu’il en soit, Elise découvre avec surprise que sa maison est dans l’état où son propriétaire l’a quittée, sans que rien n’ait été enlevé. On se retrouve dans un univers très Seventies, très coloré donc, que Simon Lamouret a plaisir à représenter, avec minutie.
Aidée par ses parents, la jeune propriétaire, mère d’un petit garçon et célibataire depuis peu, doit faire place nette : « Une page blanche, voilà ce qu’il lui faut ». Sauf qu’il y a beaucoup à faire et que ses parents, venus en camping-car, ne semblent pas si pressés de faire le vide.
L’intérêt de ce long roman graphique, sur lequel Simon Lamouret a travaillé trois ans, réside dans la découverte de la vie d’un homme par les traces qu’il a laissées. Il s’agissait d’un peintre, dont on découvrira plusieurs oeuvres, représentées par l’auteur. « À quel point un mort peut être encombrant, un disparu présent » se/nous dit Elise. La couverture, dont une photo ne peut rendre compte avec justice, nous le disait très bien, avec cette silhouette découpée donnant à voir l’intérieur de la maison. Mieux encore, quand on tourne la couverture, on se retrouve bien sûr dans cet intérieur avec cette silhouette assise. Superbe.
Mais, là ne s’arrêtent pas nos protagonistes, qui projettent aussi leurs rêves et leur passé sur cet absent si présent. D’où un jeu de va-et-vient entre présent et passé et entre chaque membre de la famille, qui se passe le relais de manière habile, d’autant que chacun est aisément repérable par une typographie spécifique.
Alors, n’hésitez pas à vous embarquer dans cette aventure atypique avec ces portraits en creux, à vous laisser surprendre par une narration plurielle (mais dans laquelle on ne se perd absolument pas), au scénario qui s’est construit au fil du travail de l’auteur. [3] Il n’est n’est pas nécessaire d’aller très loin pour voyager.
(par Philippe LEBAS)
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[1] Bangalore, paru chez Warum en 2017, et que Sarbacane a fait reparaître dans une version en couleurs, et L’Alacazar en 2020.
[2] La résidence d’auteur que Simon Lamouret a effectuée à Mazé-Milon(49), « connue » pour sa médiathèque La Bulle, n’y est sans doute pas étrangère, d’autant qu’on retrouve le logo exact du magazine municipal dans son ouvrage. Bon, là, faut être de ce coin pour connaître !