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Jaouen Salaün (Elecboy) [2/2] :"L’idée de me reposer entièrement sur la machine ne m’enchante pas car je crois en l’unicité de chaque artiste. " [INTERVIEW]

Par Christian MISSIA DIO le 22 février 2024                      Lien  
La série fantastique en quatre tomes "Elecboy", créée par Jaouen Salaün, a connu sa conclusion l'été dernier. Actuellement, les originaux de cette série sont mis à l'honneur lors d'une expo-vente chez Huberty & Breyne, à Bruxelles. À cette occasion, nous vous invitons à plonger dans une riche interview de l'auteur, où nous explorons ses œuvres des dix dernières années.

Dans cette deuxième partie de l’entretien avec Jaouen, l’artiste dévoile les intentions profondes derrière sa série Elecboy et son dernier roman graphique Asphalt Blues, paru en 2021. Entre exploration de névroses personnelles, quête identitaire et réflexions sur l’évolution technologique, Jaouen nous accompagne dans un univers riche en mystères et en angoisses, où chaque œuvre révèle une part de sa patte artistique.

Quel est le message d’Elecboy ? Quelle histoire cherchez-vous à raconter à travers cette série ?

Jaouen Salaün : L’intention derrière Elecboy a connu plusieurs évolutions. Au départ, c’était probablement moins complexe. C’était surtout une volonté de parler du lien avec le père. Donc, à l’origine, j’ai décidé d’explorer celui que j’avais tissé avec mon propre père. Mais plus largement, il s’agissait d’aborder la relation père-fils, d’autant plus que je suis maintenant moi-même père. Donc, ma première intention était de concevoir cet univers à travers les yeux d’un enfant, fils d’un père, puis de réaliser cela en devenant moi-même père. Donc, cela a également pris du sens à ce niveau-là. Cela m’a permis d’avoir une double perspective.

Ensuite, pourquoi choisir un univers de science-fiction, surtout post-apocalyptique ? C’est parce que cela s’appuie aussi sur des angoisses d’enfance, des névroses liées à la paternité future, qui sont sûrement influencées par plusieurs facteurs. Comme vous l’avez compris, mon père jouait un rôle central dans ma vie, même s’il était physiquement absent puisqu’il ne vivait pas avec nous. Cette absence a pu me perturber d’une certaine manière, me privant de repères et suscitant des peurs irrationnelles que je ne pouvais pas expliquer. En grandissant, peut-être aussi à travers l’éducation scolaire, je me souviens des cours d’histoire géographie au collège où nous avons abordé les problèmes liés aux gaz à effet de serre. Ces sujets me préoccupaient déjà. Le fait que nous polluons notre planète était une source d’inquiétude. De plus, mes parents, et en particulier mon père, ont quitté Paris dans les années 1970. Ils faisaient partie de cette génération de jeunes idéalistes, qui ont quitté la ville après la publication du Rapport Meadows en 1972, qui mettait en garde contre les dangers environnementaux. Mes parents étaient sensibles à ces problématiques, bien que je ne me souvienne pas qu’ils m’en aient parlé quand j’étais enfant. Mais en réfléchissant à leur histoire, au contexte dans lequel ils ont vécu, à leur fuite loin de la ville pour s’installer dans les Cévennes, une région éloignée du tumulte urbain, j’ai réalisé que ces expériences avaient indirectement nourri le récit d’Elecboy. La peur de l’avenir, le lien avec le père, la recherche d’identité... Comme beaucoup d’adolescents, j’étais en quête de sens et d’identité pendant longtemps, sans vraiment savoir qui j’étais. À travers Elecboy, j’ai exploré ces thèmes, raconté des épisodes personnels, fantasmer certains aspects, mais aussi raconter des expériences vécues. Ce projet a mûri sur une période de 20 ans, ce qui le rend difficile à résumer en un seul événement ou moment. La genèse est complexe, étalée dans le temps, ce qui confère à ce projet sa richesse et sa diversité, mais aussi sa complexité. Le premier tome, je le reconnais, était assez dense et cryptique, ce qui a pu désorienter certains lecteurs. Cependant, c’était nécessaire pour établir un univers riche, notamment en ce qui concerne les personnages, qui sont largement inspirés par des personnes que j’ai rencontrées et qui résonnent avec ma propre vie. Cela contribue à rendre l’histoire plus personnelle pour moi. Je me suis un peu éloigné de la question initiale, mais voilà ma réponse.

Jaouen Salaün (Elecboy) [2/2] :"L'idée de me reposer entièrement sur la machine ne m'enchante pas car je crois en l'unicité de chaque artiste. " [INTERVIEW]
Elecboy T. 1/4 - Naissance
Jaouen Salaün © Dargaud

La série m’a beaucoup marqué pour deux raisons : premièrement, il y a une angoisse palpable qui traverse toute l’œuvre. Deuxièmement, il y a un côté mystique très fort, notamment avec les croyances et les rites de la communauté amérindienne, ainsi que l’aura mystérieuse qui entoure les créatures synthétiques. Je me demande si vous étiez conscient de ces deux aspects lorsque vous avez créé la série, et si oui, pourquoi les avez-vous incorporés et quel message souhaitiez-vous transmettre à travers eux ?

Je suis tout à fait conscient de cela. Après l’avoir réalisée, il est évident que le mysticisme et mes névroses ont profondément marqué la série. Au départ, cela n’était peut-être pas aussi évident. Il y a 20 ans, lorsque j’ai commencé à réfléchir à cela, j’étais sans doute anxieux, c’est certain. Je semble donner l’image de quelqu’un de posé, mais au fond, il y a une angoisse plus profonde qui est liée à des... peut-être à une forme d’hérédité. Mon grand-père, par exemple, était résistant pendant la Deuxième Guerre mondiale et champion de sport, une force de la nature en apparence. Pourtant, toute sa vie, il faisait des cauchemars lorsqu’il venait en vacances chez mon père, rêvant constamment de la guerre et de ses amis perdus. Cela m’a également marqué en tant qu’enfant, cette peur de la perte, la peur de perdre ceux qu’on aime.

En ce qui concerne le mysticisme, cela repose davantage sur mon intérêt pour les religions en général. Je ne suis pas croyant au sens où je n’ai jamais adhéré à une religion en particulier, mais je suis fasciné par ce que les religions ont fondé. Aujourd’hui, beaucoup remettent en question les religions, mais je crois que l’humanité n’aurait pas pu se développer sans elles. Les religions ont unifié les humains autour d’un projet collectif visant à s’élever vers quelque chose d’ineffable, même si cela a parfois entraîné des problèmes. Chaque religion a son identité graphique, ce qui m’intéresse particulièrement en tant qu’artiste. Les religions ont forgé nos civilisations et ont influencé l’art, notamment pendant la Renaissance, où la religion catholique était au centre de nombreuses œuvres. Mon expérience à l’École Émile-Cohl et mon intérêt pour le dessin académique m’ont également conduit à m’intéresser aux récits artistiques et religieux.

Concernant les références à Zehus et Joshua, elles sont un mélange de Zeus et Jésus. Ce n’est pas simplement un jeu de mots, mais une manière d’exprimer des idées de manière symbolique. Parfois, les noms de personnages viennent naturellement, sans que je les recherche spécifiquement.

Enfin, Elecboy est une série sombre qui me permet d’exprimer la noirceur qui m’habite depuis longtemps. C’est peut-être une façon pour moi de passer à quelque chose de plus lumineux à l’avenir.

Elecboy T. 2/4 - Révélations
Jaouen Salaün © Dargaud

Quel est votre point de vue sur l’évolution de la technologie en tant qu’artiste et auteur de BD, notamment avec la montée en puissance des intelligences artificielles, comme on le voit dans Elecboy ?

Dans un premier temps, comme beaucoup d’autres personnes, les premiers tests du logiciel pour dessiner avec l’intelligence artificielle, dont je ne me rappelle plus le nom, m’ont un peu inquiété. Depuis, avec ce que je vois, je ne m’y intéresse pas plus que ça, et je ne cherche pas spécialement d’images. Mais de ce que j’ai pu observer sur les réseaux sociaux, où certains collègues partagent leurs essais, on sent clairement la présence de la machine derrière. Elle progresse, c’est indéniable. Peut-être qu’à l’avenir, nous serons capables de réaliser des choses de plus en plus fines. C’est probable, voire certain, car la machine évolue. Mais personnellement, d’un point de vue artistique, je trouve que cela n’a pas de sens.

Je fais partie des dessinateurs qui ont toujours considéré ce métier comme un art, et non comme un simple travail d’exécution technique. Bien que j’aie utilisé l’informatique pour certaines tâches, notamment pour gagner du temps, le dessin reste pour moi un travail artistique, avec une intention visuelle forte. Même lorsque j’ai utilisé l’informatique dans mes projets, comme avec Eternum, qui est peut-être ma série la plus informatisée, ou Asphalt Blues, qui a été réalisé entièrement sur ordinateur, j’ai toujours cherché à préserver une démarche artistique authentique.

L’idée de me reposer entièrement sur la machine ne m’enchante pas. Je considère que chaque artiste a quelque chose d’unique à exprimer, et se reposer uniquement sur la machine risque de diluer cette singularité. Même si certaines personnes voient cela comme une avancée extraordinaire, je trouve que cela va à l’encontre de ma vision de l’art. Je suis dubitatif quant au fait de m’y investir davantage. De plus, je pense que toute cette dépendance à la technologie pourrait nous conduire à un épuisement des ressources énergétiques, et peut-être même à un sacrifice total de l’humanité.

Parler de ces angoisses à travers Elecboy a été pour moi une façon de les apaiser. Cette peur du lendemain est moins présente aujourd’hui, peut-être parce que j’ai des enfants et que j’ai décidé de voir le monde de manière plus optimiste. Même si je suis préoccupé par certaines choses, comme les tensions géopolitiques croissantes, artistiquement, je reste confiant. L’art repose avant tout sur l’intuition, quelque chose que la machine ne pourra jamais reproduire. La création artistique, c’est comme une impulsion divine, quelque chose de presque céleste. La machine n’est pas connectée à cette source d’inspiration, et je doute qu’elle le sera un jour.

Elecboy T. 3/4 - La Data Croix
Jaouen Salaün © Dargaud

Comment avez-vous réussi à produire Asphalt Blues, votre roman graphique de 208 pages paru durant la publication d’Elecboy, étant donné que vous avez également conclu le premier tome d’Elecboy il y a 3 ans et sorti 4 albums de 50-60 pages chacun en moins de 5 ans ? Cela représente une importante charge de travail.

Oui, j’estime avoir fait environ 400 pages à vue d’œil. J’ai également travaillé sur d’autres projets, donc je pense avoir produit environ 460 pages en 4 ans. Cela représente près de 120 pages par an, ce qui est une production assez importante.

Lorsque j’ai signé Elecboy en mai 2019, je me suis lancé dedans avec une grande énergie. J’ai terminé le premier tome en environ 6-7 mois, ce qui était plus rapide que ce que Dargaud avait anticipé. Ils m’ont demandé de retarder la sortie du tome 1 jusqu’en janvier 2021, alors que j’avais fini de le dessiner en décembre 2019. Pendant ce temps d’attente, j’ai commencé à travailler sur le tome 2. Cependant, avec l’arrivée du confinement, il est devenu difficile de maintenir le même rythme de production, surtout avec la gestion des enfants et les défis personnels liés à la période de crise sanitaire.

C’est à ce moment-là que j’ai repris un projet annexe, qui est devenu Asphalt Blues. J’ai travaillé rapidement dessus pendant les confinements, car j’avais encore beaucoup d’énergie et d’envie. Ces années, de 2019 à 2021, ont été très enrichissantes pour moi, car j’y ai découvert ce que c’était que de réaliser un album entièrement seul, en étant scénariste et dessinateur.

Cependant, à partir de 2022, j’ai ressenti un léger contrecoup, notamment parce que la série Elecboy n’a pas rencontré le succès escompté. Malgré cela, j’ai reçu des retours positifs de la part de mes pairs et de l’industrie, ce qui m’a encouragé. Avec le recul, je comprends mieux les raisons de ce manque de succès, notamment le contexte particulier dans lequel la série a été lancée, avec la pandémie et la surabondance de productions.

Malgré tout, je reste fier du travail accompli sur Asphalt Blues et Elecboy. Ces projets représentent beaucoup d’heures de travail et de passion, et même si leur succès commercial n’a pas été à la hauteur de mes attentes, je suis satisfait du résultat artistique.

Elecboy T. 4/4 - Le Mur du temps
Jaouen Salaün © Dargaud

Pouvez-vous nous donner un bref résumé de l’histoire d’Asphalt Blues ? Si je me souviens bien, il s’agit de l’histoire d’un couple qui s’est séparé et qui a mené des vies différentes, mais j’aimerais avoir un petit rappel des principaux éléments de l’intrigue.

C’est l’histoire de Nina et Mick, un couple qui se sépare dès le début de l’album. On ressent tout de suite une passion déséquilibrée, avec Nina qui semble souffrir de l’attente d’un homme incapable de faire des choix. Le récit démarre sur cette rupture, puis nous suivons leur vie treize ans plus tard. Ils habitent dans la même ville mais mènent des vies séparées, avec des relations sentimentales dysfonctionnelles. Le récit est parsemé d’ellipses, composé de scènes de vie qui mettent en lumière les questionnements propres à cet âge et à cette période de la vie.

L’intrigue se déroule dans une ville américaine, dans un futur très proche, et suit deux couples représentant différents milieux sociaux. Ils sont tous liés par une intrigue autour de l’éco-terrorisme, même si ce n’est pas l’objectif principal de l’histoire. Ce récit, qui n’est ni un polar ni une simple narration, aborde les moments de tension, de défiance et de trahison que chacun peut rencontrer dans sa vie amoureuse.

C’est un récit simple, lent et romantique, ancré dans un futur proche (2035). Il partage un lien avec Elecboy, notamment à travers le personnage de Zehus. Pour moi, ces deux univers sont connectés, et même si les histoires sont différentes, j’aime imaginer qu’elles existent au-delà des albums que je dessine. Si je devais revenir à la science-fiction, je m’appuierais probablement sur des bases déjà établies, tout en explorant de nouveaux personnages et contextes. L’idée de lier différents futurs à des époques distinctes me semble fascinante.

Pourriez-vous nous décrire votre approche artistique pour dessiner Elecboy, étant donné la grande discussion autour de l’intelligence artificielle et des techniques de dessin ? Avez-vous utilisé des méthodes traditionnelles comme le papier, le crayon et la gouache, ou avez-vous opté pour une création entièrement ou partiellement numérique sur ordinateur ?

Oui, le processus est plutôt classique. Je commence par dessiner sur papier avec du Canson 224, un papier un peu épais mais pas trop. Je travaille généralement en grand format, en format raisin (50 x 65), utilisant de l’encre acrylique que je dilue selon mes besoins. Bien sûr, j’utilise également du noir pur, mais j’applique beaucoup de lavis pour créer des nuances de couleur et de volume, un peu comme le style de Dominique Bertail et d’autres auteurs qui privilégient le travail sur le papier. Ensuite, je scanne mes dessins et je les colorise sur Photoshop, en ajustant parfois l’intensité des couleurs pour couvrir la plupart des blancs du papier. Cependant, tous les aspects liés aux volumes, aux textures et aux effets sont réalisés entièrement sur papier. Je ne modifie pas la couleur sur l’ordinateur.

Quant aux outils que j’utilise, il y en a plusieurs : pinceaux, plumes, feutres, aérographes, brosses à dents, chiffons, selon les effets que je souhaite obtenir. Par exemple, pour représenter de la fumée, j’ai recours à une variété d’outils. Il peut y avoir quelques touches de gouache blanche, mais elles sont très rares.

Asphalt blues
Jaouen Salaün © Les Humanoïdes associés

Il y a deux communautés en jeu dans Elecboy : une dominante d’Amérindiens et une autre majoritairement blanche, avec une exception notable, Cult, un homme afro-américain. Les Amérindiens dominent et imposent des contraintes à la communauté blanche, ce qui rappelle une autre série, Mermaid Project, où un renversement similaire se produit avec un racisme inversé après une catastrophe écologique. Les auteurs de Mermaid Project explorent comment les populations du Sud deviennent dominantes dans un monde bouleversé. Ce renversement est également présent dans Elecboy. Ma question est donc la suivante : était-ce délibéré de votre part de mettre en lumière cette inversion de situation, et quel message souhaitiez-vous transmettre à travers cela ?

L’histoire se déroule sur le territoire nord-américain. Initialement, je n’avais pas prévu de situer l’histoire là-bas. Au départ, je pensais plutôt à la France, peut-être sur les côtes ou dans un environnement un peu désertique. Mais au fil du temps, j’ai réalisé que le territoire américain offrait visuellement une toile de fond intéressante, surtout compte tenu du thème de l’intelligence artificielle, qui est fortement lié à cette région, notamment avec la Silicon Valley.

En parallèle, comme beaucoup, j’ai été influencé par les westerns. J’ai beaucoup regardé ces films étant enfant et lu Blueberry en bande dessinée. Bien sûr, je me réfère aux films lorsque je parle de westerns, car c’est surtout à travers eux que j’ai été marqué. Cependant, je n’ai jamais eu l’intention de raconter une histoire de western traditionnel avec des cowboys et des chevaux. Peut-être que d’autres l’ont fait bien avant moi et que je ne me sentais pas prêt à relever ce défi. Au lieu de cela, je voulais créer quelque chose de nouveau.

Asphalt blues
Jaouen Salaün © Les Humanoïdes associés

Les Amérindiens ont toujours été présents dans mon imaginaire d’enfant, comme pour beaucoup d’autres. Leur histoire et leur trajectoire m’ont toujours fasciné, surtout leur capacité à pardonner malgré les injustices subies. En tant que personne blanche, je me sens interpellé par ces questions de justice et d’oppression, même si je ne prétends pas être un expert sur le sujet. Je pense qu’il est important de parler de ces sujets qui nous touchent, même si nous ne les maîtrisons pas forcément totalement.

Je suis conscient que certaines personnes estiment que seuls ceux qui ont directement vécu une expérience peuvent légitimement en parler. Cependant, en tant que créatif, j’ai décidé de traiter des sujets qui me touchent, tout en reconnaissant mes limites dans la compréhension profonde de ces enjeux. Je ne prétends pas donner de leçons, mais simplement partager des réflexions et des idées à travers mes œuvres.

Je trouvais intéressant de renverser les rôles dans cette histoire, en montrant des Amérindiens qui dominent une tribu de Blancs, tout en rappelant que ces derniers, tout comme les Amérindiens il y a des siècles, sont avant tout des personnes qui cherchent à vivre en paix. C’est une sorte d’ironie qui met en lumière les questions de pouvoir et d’oppression qui persistent dans notre société.

Dans cette période de remise en question de nombreuses certitudes, je pense qu’il est important de continuer à réfléchir et à discuter de ces sujets, même si cela peut parfois être difficile et inconfortable. L’humanité progresse grâce à ces débats et remises en question, et c’est quelque chose de positif.

Asphalt blues
Jaouen Salaün © Les Humanoïdes associés

Maintenant que vous avez terminé Elecboy et publié le one shot Asphalt Blues, avez-vous d’autres projets BD prévus pour les deux ou trois prochaines années, ou envisagez-vous une pause pour vous consacrer à d’autres activités, comme la publicité, que vous avez pratiquée pendant de nombreuses années ?

J’ai mis fin à ma carrière dans la publicité pendant quatre ans pour me consacrer entièrement à mes projets de bande dessinée. J’étais rempli de rêves et d’ambitions. Je pensais que la BD pourrait être suffisante pour subvenir à mes besoins. Cependant, après ces quatre années de production intensive, je réalise maintenant la précarité de ce métier. Travailler avec Dargaud a été une expérience agréable, mais il demeure précaire dans le sens où une fois que la production s’arrête, il n’y a plus rien.

Il faut constamment fournir une énergie de production, anticiper les périodes creuses et s’assurer de maintenir une régularité. Malheureusement, je constate que de nombreux auteurs se voient contraints de produire des albums dont ils ne sont pas nécessairement fiers, par nécessité financière. Cela se traduit parfois par une baisse de qualité artistique et une perte d’intérêt pour le sujet traité.

Personnellement, je considère la bande dessinée comme une forme d’expression artistique et j’aspire à créer des œuvres qui me tiennent réellement à cœur et que je pourrais être fier pendant longtemps. Pour cela, il est nécessaire de prendre le temps de réfléchir à des projets solides, de les développer et de les perfectionner.

Quelques originaux de la séries "Elecboy" exposés dans la galerie Huberty & Breyne - Bruxelles
Jaouen Salaün © Dargaud

Actuellement, j’ai pris du recul par rapport à la bande dessinée pour réévaluer mes projets et faire le point sur ma carrière. J’ai éprouvé une certaine frustration face au manque de succès commercial de mes albums, ce qui peut parfois toucher mon ego. Cependant, je comprends que vendre des livres dans un marché saturé est un défi, surtout lorsque l’on crée des œuvres un peu de niche.

Je me considère davantage comme un artiste plutôt qu’un professionnel de la bande dessinée. Je crée des livres pour moi-même, des histoires qui m’intéressent et me passionnent, sans nécessairement suivre les tendances du marché. Je suis conscient que cela peut être perçu comme égoïste, mais je préfère rester fidèle à ma vision artistique.

Ces derniers temps, j’ai repris un peu de travail dans la publicité, mais je réfléchis également à d’autres possibilités professionnelles, peut-être même en dehors du domaine de la BD. Je reste ouvert à de nouvelles opportunités, tout en continuant à nourrir mes aspirations artistiques.

Quelques originaux de la séries "Elecboy" exposés dans la galerie Huberty & Breyne - Bruxelles
Jaouen Salaün © Dargaud

Voir en ligne : Découvrez la série "Elecboy" sur le site des éditions Dargaud

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782505083474

Exposition Jaouen SALAÜN - Elecboy
Du 10 février au 2 mars 2024

Galerie Huberty & Breyne
BRUXELLES | Châtelain
33, place du Châtelain
Mercredi > Samedi 11h - 18h
Entrée libre

Quadrilogie Elecboy - Par Jaouen Salaün - Ed. Dargaud. Format 241 x 318 mm. 64 pages couleur. 15,95€/l’album. Albums parus entre le 15 janvier 2021 et le 15 septembre 2023.

Asphalt blues - Par Jaouen Salaün - Ed. Humanoïdes associés. Format 22.0 x 29.0 cm. 208 pages couleur. 24,00 €. Album paru le 15 septembre 2021.

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