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Jusqu’à Raqqa - Un combattant français avec les Kurdes contre Daech – Par André Hébert et Nicolas Otero – Ed. Delcourt

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 16 février 2023                      Lien  
En 2014, les salafistes de Daech profitent de l’effondrement de l’Irak et de la guerre civile syrienne pour proclamer un état indépendant à cheval sur les deux états, le long de la frontière turque, englobant une zone majoritairement habitées par les Kurdes. Le conflit se fixe notamment sur l’enclave de Kobané, au cœur du Kurdistan syrien ou Rojava, où les combattants kurdes défendent ardemment leur territoire face à la menace de Daech. Un conflit où sont engagés les Occidentaux (les USA, la France…), tandis que les jeux politiques régionaux compliquent les rapports de force. C’est dans ce contexte qu’un jeune Français, lassé par un militantisme politique qu’il juge un peu vain, décide de s’engager aux côtés des combattants kurdes. Cet album est un peu son « Journal de guerre ».

Nous sommes d’emblée sur le terrain, sous le feu des tirs ennemis. Puis dans un petit retour en arrière, l’album nous explique comment ce jeune Français, partagé entre un militantisme « révolutionnaire » un peu stérile et des jobs où il se trouve à la merci de petits chefs méprisants, se met à s’engager pour la cause kurde, au point de décider de quitter sa famille et d’aller se battre en Syrie contre Daech, l’hydre islamiste qui prospère à ce moment-là en Syrie et en Irak.

Venu d’un pays où le service militaire est aboli, il n’a aucune expérience de la guerre. Qu’importe, on va le former en quelques mois dans des sortes de « brigades internationales » et le confronter à la dure réalité des combats. C’est ce quotidien qui est raconté dans ce journal, jusqu’à la chute de Raqqa, capitale du califat proclamé de Daech.

Jusqu'à Raqqa - Un combattant français avec les Kurdes contre Daech – Par André Hébert et Nicolas Otero – Ed. Delcourt

Le dessin d’Otero, que l’on a vu à l’œuvre notamment dans La Cellule – Enquête sur les attentats du 13 novembre 2015 (Les Arènes), un album qui n’est pas sans connexion avec cet ouvrage, est parfaitement clinique, appuyé sur une abondante documentation photographique. Le récit se lit avec fluidité, la guerre est très bien racontée, distillant une multitude d’informations sur un conflit complexe dont nous n’avons que quelques échos dans nos médias. En cela, l’ouvrage est précieux.

Reste que la partie personnelle du récit, et notamment la question de comprendre quels sont les ressorts idéologiques, voire le romantisme, qui poussent un jeune Français sans lien avec le Kurdistan ou la Syrie à laisser famille et amis pour aller risquer sa vie à l’autre bout du monde, cette dimension-là nous semblent manquer singulièrement ici.

C’est la force et le défaut de la bande dessinée : excellente pour synthétiser des concepts complexes, trop sommaire pour aller au fond des explications. Ne nous en plaignons pas : la pédagogie consiste avant tout à éveiller la curiosité. Et sur ce point, l’exercice est réussi.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413039143

© Delcourt

Delcourt ✍ André Hébert ✏️ Nicolas Otero à partir de 17 ans BD de reportage Biopic Bande dessinée du réel France
 
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1 Message :
  • Voici un texte bien gentil pour ce qui n’est qu’un long monologue illustré certes avec brio.
    S’il suffit d’avoir porté un tee shirt du Che pour accepter de risquer sa vie et de prendre celle des autres, c’est un peu court. On regrette un manque pesant de contextualisation historique, l’affaire remontant tout de même à l’effondrement de l’Empire Ottoman, et d’analyse des forces en présence. Quid du rôle incroyablement néfaste de l’état turc pendant le siège de Kobané et par la suite au Rojava ? Il est à peine effleuré en pointant du doigt l’OTAN. Quelle diversion !
    Au final l’engagement de ce jeune homme est rabaissé au niveau de l’autre face de la pièce du Djihadisme : les uns combattraient pour le Coran avec Daesh, les autres -drapeau Antifa au poing- pour Le Capital avec les Peshmergas. Exactement le genre de discours dont se repaissent les relativistes de tous poils et qui alimente les populistes d’extrême droite.
    On croise les doigts pour que ce livre n’entraîne pas de dommages collatéraux.

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