Le Grizzli doit son surnom a sa brève carrière de boxeur (3 victoires par KO en 3 combats), la carrure dissuasive qui va avec et une pilosité abondante.
Un passé commun agité (sous les drapeaux en Indochine puis dans des activités que la loi réprouve) ont scellé une amitié à la Brassens (Les copains d’abord) entre Jo, le Grizzli et Toine.
D’ailleurs, le Grizzli l’exprime clairement (planche 5) : « un vrai copain c’est quelqu’un qu’on peut appeler à 4 heures du mat’ et qui s’amène sans poser de question, sans rechigner ».
Alors, le jour où Jo est menacé par Bébert-la-Gambille récemment sorti de prison grâce à son baveux et qui le soupçonne d’avoir un peu trop jacté à la poule avant de lui piquer le butin d’un braquage, les deux potes rappliquent illico. Même s’ils sont rangés des voitures depuis un bail, l’un dans les canassons et l’autre dans les DS, Panhard et autres voitures made in France.
« Moi je suis pour acheter français et tes ricaines, elles en jettent, je conteste pas, mais elles tombent un peu trop facilement en radeau » (planche 10).
Un drôle de chabanais met en scène une galerie de personnages typés, haut en couleurs. Il y a donc Toine comme le personnage d’Antoine dit « Toinou » dans Pigalle, 1950 (par Christin et Arroyo), ex-truand reconverti en turfiste. L’inspecteur Gourmé, dans le rôle du condé, de la ventouse (flic), attend son heure. Robert Turpin dit Bébert-la-gambille sort de prison (pardon, de taule) et s’impatiente, d’abord devant les portes de la Santé puis pour récupérer le grisby (8 lingots d’or, une brassée de bijoux et des liquidités). Guy Roussel alias le Grizzli, homme d’honneur, loyal et amateur de jolies filles -comme dans tout polar respectable-, qui tente de limiter les dégâts.
Bien que ce soit surtout une histoire d’hommes, il y a Marinette, qui gère le bar-restaurant avec Georges Lebas dit Jo. Elle l’a aidé à se ranger. Dans les seconds rôles féminins, Pauline, barmaid au bar de la pègre devrait, selon l’interview (entretien) accordé par Matz au magazine Casemate n° 167 d’avril, prendre plus d’ampleur. Viviane pour qui le Grizzli en pince fort, n’apprécie pas le lapin posé et le fait savoir.
Matz désigne selon le lexique aimablement fourni en fin d’ouvrage, un mec, un master, bref un homme un vrai (un mâle alpha dans les années 2020 ?). Antonyme : greluche ou meuf (dont prix de Diane, voleuse de santé).
Matz désigne également, dans l’univers du 9e art, un scénariste normand ayant passé son enfance en Outre-mer et son adolescence à Paris. Synonyme : Alexis Nolent. Auteur notamment des séries Le tueur et Tango, Matz nous plonge, avec cet album, dans les années 1960, dans un Paris à la Michel Audiard et au Touchez pas au grisby !. Ses dialogues, souvent truculents, sonnent justes, authentiques et renforcent la description de ce monde de truands où tous les coups sont permis. Son scénario, simple, est néanmoins efficace, avec un retournement de situation final qui parvient à surprendre le lecteur.
Fred Simon né la même année que Matz, un peu plus à l’ouest (en Bretagne), a dessiné Mermaid project et Mutations. Sur le Grizzli, ses couleurs sont lumineuses ; les teintes douces créant un contraste avec l’histoire. Son dessin exagère les traits des visages et les émotions de ses personnages et son trait s’inscrit plutôt dans une Ligne claire (net, sans bavure) matinée de gros nez.
Prépublié dans la revue de Frédéric Bosser, L’immanquable, à partir du n°145 (février 2023), avant sa sortie en album -disponible dans toutes les bonnes librairies spécialisées (et sur Internet)-, Un drôle de chabanais rend hommage aux polars des années 1950 et 1960. Quand le passé rattrape une bande d’ex-malfrats et amis, le chabanais (autrement dit le boxon, le bordel) n’est pas loin. De la lecture plaisante qui fait penser aux dialogues de Michel Audiard et au célèbre roman d’Albert Simonin.
Le deuxième tome est annoncé pour 2024.
(par Christian GRANGE)
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