Le Horla - Par Frédéric Bertocchini et Eric Puech (d’après Maupassant) - Tartamudo

Après le succès de Bel-ami, Maupassant prend du repos en Normandie, dans sa grande propriété, entouré de ses domestiques. En attendant que lui vienne l’inspiration de son prochain roman, il se balade sur les bords verdoyants de la Seine, observe les bateaux qui remontent le fleuve, et échange quelques mots avec celles et ceux qu’il croise.

Mais derrière cette apparente tranquillité se profile l’ombre du Horla, nom que Maupassant donne à cette présence invisible qui, depuis plusieurs nuits, perturbe son sommeil, et semble même se manifester matériellement, puisque cette "ombre" boit l’eau qu’il laisse la nuit sur sa table de chevet. Les nuits sont de plus en plus agitées, et pas un médecin, ni même une agréable virée à Paris, ne semblent en mesure de d’anéantir ce mal, insaisissable. De plus, les domestiques semblent également témoins d’étranges phénomènes. Et s’il s’agissait du retour d’un "démon", celui qu’un pêcheur a évoqué à Maupassant ?...

La tension présente dans le roman, et le doute qu’instille le Horla - est-elle une créature réellement présente ou n’est-elle que la projection de la folie grandissante du narrateur ? - sont restitués par l’auteur, Frédéric Bertocchini. Les principales scènes de l’oeuvre originelle sont également évoquées.

Il ne faut toutefois pas s’attendre à une simple illustration de l’œuvre de Maupassant : un pari risqué, mais c’est probablement la principale force de cet ouvrage. En effet, Bertocchini fait de Maupassant le narrateur du récit, et se démarque également du roman en y introduisant Gustave Flaubert, ami du romancier. Le récit paranoïaque du narrateur prend ici davantage de consistance à travers la valorisation des personnages secondaires, bien plus présents et qui, en miroir, renvoient Maupassant à sa folie : les actions des domestiques, de la cousine, ou encore du médecin ne font que renforcer le sentiment persécutoire du romancier. Dans un cahier documentaire, Bertocchini revient sur ses choix et présente le roman et son contexte de production et de réception.

Les illustrations d’Eric Puech, réalisées en couleur directe, proposent notamment des « gros plans » qui reflètent bien les changements d’état d’esprit des personnages, et l’inquiétude grandissante de Maupassant. On note également un beau jeu de contrastes entre un environnement paisible en apparence, et la noirceur dans la chambre de l’auteur, seul face à ses démons.

Cet ouvrage a connu une précédente (et courte) vie, fin 2012, aux éditions du Albiana/Quinquet (l’album avait même eu droit à une exposition à la galerie du Marais, place des Vosges), mais une malheureuse affaire de fâcherie entre l’éditeur et le diffuseur parisien avait sommé les auteurs de renoncer à cet album, déjà édité, ainsi qu’à d’autres projets… que Tartamudo reprend bien volontiers, comme ce biopic consacré à Janis Joplin qui sortira au printemps prochain.