Le Ministère des Armées n’hésite pas à le mettre en avant : il est, avec ses musées, ses centres de documentation et ses différents lieux culturels, le deuxième acteur culturel public. Discret, comparé au Ministère de la Culture... Nos ministres y insistent : le lien entre la Nation et le fait militaire est d’autant plus important qu’il semble fragile. On oublie que les missions de ces ministères va bien au-delà des théâtres de guerre : cela va de l’assistance aux civils (pendant la crise du Covid-19 par exemple) à l’entretien de la mémoire des héros qui se sont battus pour notre liberté. C’est pourquoi l’objectif de ces Ministères est aujourd’hui de faire connaitre ses actions d’une façon plus diversifiée que dans nos esprits et de les promouvoir auprès du public. Avec ce vecteur qui a le vent en poupe en 2020 : la bande dessinée.
D’après la Ministre des Armées Florence Parly : « Nous sommes dans une opération de promotion d’un art qui irrigue la culture contemporaine et qui touche tout le monde, tous les âges, les femmes comme les hommes, les enfants, les jeunes. Et pour nous qui représentons aussi très largement la société française, parce qu’il n’y a pas d’institution plus intégratrice et plus diverse que les armées, eh bien, c’est un art qui, je pense, peut parler à beaucoup. Ce qu’on a voulu faire à travers ce prix, c’est montrer que nous sommes ouverts aux créateurs, ouvert aux éditeurs. Nous sommes convaincus pour l’avoir testé avec d’autres arts, qu’au fond, les guerres, la défense, l’état militaire, tout ça est très inspirant pour les artistes. La BD est comme le cinéma un art visuel et donc nous avons pensé que de la même façon, nous pouvions contribuer à inspirer des créateurs et donner à voir aussi un univers qui parfois peut paraitre très replié sur lui-même, ce qu’il n’est pas du tout. Nous pensons que la BD sera un bon moyen de mieux le faire connaitre et entretenir le lien entre armée-nation et faire vivre la mémoire. » [1]
Le ministère a tenu à ce que le jury soit composé de professionnels du secteur et représentants du gouvernement à condition qu’ils soient tous passionnés de bande dessinée. C’est pourquoi Gilles Ciment, historien et théoricien de la bande dessinée, ancien directeur général de la Cité de la Bande Dessinée d’Angoulême, aujourd’hui directeur adjoint de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) a été choisi pour être le président du Jury.
Il faut dire que le thème des guerres ne manque pas en BD, dans le livre et dans l’art en général. C’est une façon plus légère d’aborder un sujet grave, on citera La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert ou encore Le Photographe qui offrent par ailleurs une double distanciation rendant plus supportable la violence de la guerre.
Les arts visuels, on pense aux films d’animation Persepolis tirée de la BD éponyme de Marjane Satrapi ou encore Valse avec Bachir réalisé en 2008 par Ari Folman, sont des moyens exceptionnels pour aborder la narration des conflits armées et entretenir la mémoire collective, comme le fait remarquer madame la ministre Geneviève Darrieussecq : « Je ne crois pas qu’il y ait un déficit [de mémoire]. Au contraire, on voit que les sujets mémoriels sont des sujets qui remontent. La population a besoin de ces sujets mémoriels. Ce qui peut paraitre plus difficile, c’est justement la diversification des supports pour transmettre cette mémoire et la bande dessinée peut être un support formidable supplémentaire. D’ailleurs il y a un nombre incalculable de livres d’Histoire et de livres mémoriels également. Je crois qu’il est important pour nous d’aller aussi dans ce chemin là et de pouvoir récompenser quelqu’un qui aura fait un bon travail et l’aider à le diffuser, parce que, pour nous, c’est un outil supplémentaire assez formidable qui touche une grande partie de la société. »
Le ministère, aux côtés de l’ECPAD et des autres services de l’État, compte bien soutenir le Neuvième Art et accompagner la création artistique avec des aides à l’écriture, à la documentation ou à la coédition d’œuvres historiques.
Les deux Prix seront dotés : le premier récompensera à hauteur de 6 000€ une œuvre liée aux armées, au fait militaire et à la défense, tandis que le second prix "Histoire" récompensera de 3 000€ un ouvrage traitant d’un conflit où l’armée française a été impliquée.
Le jury promet de ne pas se mettre des œillères. Au point de récompenser des auteurs qui critiquent la chose militaire, comme Cabu, auteur de "À bas toutes les armées ?" Pour le savoir, rendez-vous le 14 janvier 2021, date de l’annonce des six BD sélectionnées pour chacun des prix.
Une chevalerie moderne ?
Dans l’imagine collectif, l’armée n’est plus synonyme de gloire, de grandes batailles et d’héroïsme. Avec la mutation de la société, les guerres futures seront sûrement des guerres technologiques, quasiment des jeux vidéo, loin de l’image des généraux parcourant le front comme Foch ou De Gaulle. Dans ce contexte, quelle est la place de nos soldats aujourd’hui ? Peut-on encore parler d’héroïsme ?
Florence Parly est catégorique : « Nos soldats étaient engagés dans la crise sanitaire dans le cadre d’une opération, qui était une opération militaire, pour venir au secours de leurs concitoyens. Depuis samedi matin, il sont au secours de ceux qui ont tout perdu dans les Alpes Maritimes, et donc on peut dire que c’est une forme de chevalerie moderne que d’être sans cesse au service des Français, de leur protection et de le faire dans un esprit d’abnégation et de générosité.. »
Du 15 octobre au 30 novembre 2020, les candidatures seront ouvertes et on connaîtra les lauréats au plus tard le 7 mars 2021. Alors, garde-à-vous !
(par Klara LESSARD)
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[1] Propos recueillis par Didier Pasamonik.
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