Le Mythe de l’ossuaire (The Bone Orchard Mythos) - Le Grandiose retour de Lemire et Sorrentino

Une maison perdue dans la forêt, un phare esseulé sur une île rocheuse, une petite ville des États-Unis… et entre ces lieux, un seul lien ténu : l’ossuaire. Une dimension parallèle qui tient plus du fantasme que de la réalité, et qui pourtant nous entoure bel et bien. Cet ossuaire est le nouveau terrain de jeu de Jeff Lemire et Andrea Sorrentino. Le duo à l’origine de l’aussi génial que terrifiant Gideon falls remet le couvert avec une nouvelle formule. Ici, point de série à proprement parler, les récits du Mythe de l’ossuaire seront tous des one-shots indépendants et auto-conclusifs qui auront pour seul point commun cet univers horrifique que Lemire nous invite à découvrir album après album.

©Urban Comics

Pour entamer cette collection, Urban Comics publie conjointement deux volumes intitulés Le Passage et Un Millier de plumes noires. Dans le premier, on retrouve en guise d’introduction un court récit mettant en scène un auteur en quête d’inspiration dans une demeure inquiétante, puis le récit éponyme. Le Passage est l’histoire d’un géologue appelé sur une petite île pour examiner un trou d’une profondeur insondable et qui semble être apparu du jour au lendemain. « Si tu regardes longtemps l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi » disait le philosophe, à ce géologue d’en faire la douloureuse expérience dans ce huis clos à ciel ouvert.

©Urban Comics

Un Millier de plumes noires se déroule dans la ville d’Hamilton. Trish, écrivaine de Fantasy, revient dans cette petite ville qui marqua son adolescence dans l’espoir d’y trouver la paix. Mais pour Trish, point de repos : une voix de son passé l’appelle à l’aide...

Andrea Sorrentino (Batman Imposter, Primordial) régale le lecteur avec ses planches déstructurées. Chez ce dessinateur, on remet le gaufrier sur l’étagère au profit de découpages complexes et puissants ! Ses tons sombres épousent avec merveille la narration anxiogène de Lemire (Sweet Tooth, Essex County). Notons dans Un Millier de plumes noires de passionnants passages d’Heroic Fantasy aux designs soignés qui tranchent avec les atmosphères d’horreur urbaine auxquels les auteurs s’adonnent habituellement. Urban Comics publie ces œuvres dans leur nouveau grand format "Urban", honorant ainsi les magnifiques doubles-pages de Sorrentino.

l’hypnotique dessin d’Andrea Sorrentino

©Urban Comics

Un univers macabre, horrifique, puisant dans la Fantasy et le folkore, Lemire et Sorrentino nous ouvrent les portes d’une dimension fantastique fascinante. L’Ossuaire est encore en expansion aux États-Unis avec deux récits : The Tenement déjà publié et Starseed pour l’horizon 2024. Autant de récits complets qui peuvent faire office de portes d’entrée. Mais alors par quel bout prendre ce que le duo qualifie de « leur œuvre la plus ambitieuse » ? À l’instar du Mythe de Cthulhu de H.P. Lovecraft, cet univers partagé est censé pouvoir se commencer dans n’importe quel sens, et avec seulement deux ouvrages sortis, les auteurs ont déjà réussi le tour de force de créer chez les lecteurs des impressions et une appréhension de leur univers très différente selon l’ouvrage lu en premier ! Pour ceux souhaitant respecter l’ordre chronologique de création, nous vous invitons à commencer par Le Passage. Pour ceux qui ont envie d’un grand thriller bien articulé, Des milliers de plumes noires semble plus indiqué.

Nous soulignons quand même pour les valeureux souhaitant pénétrer dans les méandres de l’Ossuaire d’être prêt à perdre pied : ici pas de bestiaire bien mis en ordre, d’introduction aux panthéons de dieux tordus et ensanglantés qui règnent sur l’Ossuaire ; au lecteur de relier les points et d’essayer, si c’est seulement possible, de comprendre l’envergure de l’horreur qui gît sous nos pieds…

La couverture du second récit

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