Le commissaire de l’exposition, Laurent Le bon, ne cachait pas son enthousiasme : « Renzo Piano [l’architecte du centre Georges Pompidou] en avait rêvé : offrir la façade de Beaubourg à l’œuvre d’un grand artiste ». Et de fait, voir la fusée à damier rouge et blanc d’Hergé décoller en plein milieu du monument parisien qui n’est pas sans évoquer les échafaudages de Cap Canaveral, cela constitue incontestablement un formidable hommage à un homme dont le commissaire de Beaubourg ne manque pas de souligner l’apport fondamental à l’histoire de l’art.
L’exposition, symboliquement, occupe deux niveaux. Sur la mezzanine, un parcours chronologique, de 1907 à 1983, avec des documents époustouflants répartis en cinq vitrines. La scénographie est simple et limpide, une vraie ligne claire : Totor, le Petit Vingtième, la rencontre avec Tchang, les affres de la guerre et la refondation, notamment grâce au journal Tintin et à la rencontre capitale avec Edgar-Pierre Jacobs, enfin la création du studio et la naissance du « phénomène Tintin ».
Deux étages plus bas, la suite de l’expo. Littéralement, une visite en profondeur. Là encore, le commissaire s’enthousiasme : « Nous n’avons pas voulu mettre de barrière entre le public et l’œuvre. Il n’y a pas de fac-simile : rien que des originaux ! ».
Sept thématiques déclinent l’homme et ses créations : des manuscrits et des sources sonores qui permettent d’incarner le père de Tintin, un mélange d’élégance, de séduction, de timidité et d’innocente rouerie ; un choix de correspondance mis en rapport avec les imprimés qui permettent d’apprécier le processus créatif, lequel est prolongé par un « making of » qui montre précisément l’usage du document dans le cheminement productif ; un portrait de famille de ses personnages et une vision des aventures de Tintin au travers de sa fonction de reporter, thème mis en parallèle avec l’exposition BD Reporters du rez de chaussée (dont nous reparlerons).
Enfin, clou du spectacle, un album entier, les 124 pages de l’édition originale du Lotus bleu, est présenté intégralement. Un choc vital qui vaut mille explications sur l’œuvre du maître bruxellois, notamment l’influence majeure de Tchang et le tournant créatif que représente cet album, non seulement pour Hergé, mais aussi pour l’histoire de la bande dessinée franco-belge.
On comprend, en voyant ces pages, le caractère magique de son dessin, une touche gracieuse qui a profondément influencé les générations qui lui ont succédé. « J’ai plus ou moins incidemment emprunté à Hergé son usage prudent et naturaliste de la couleur dialoguant avec une ligne noire platonique, explique Chris Ware, le wonder-boy de la nouvelle bande dessinée américaine, à Paul Gravett, le célèbre historien anglais de la bande dessinée. La qualité de ses pages, luxuriantes comme de véritables joyaux, est une sorte d’emballage-cadeau qui dissimule des morceaux d’expérience mémorielle. » [1] C’est cette expérience qui nous attend au Centre Georges Pompidou.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Deux ouvrages ponctuent cette manifestation :
>Un magnifique catalogue de 1024 pages comportant 800 illustrations, accompagnées de 20 citations d’Hergé ;
>"Les Mystères du Lotus bleu" de Pierre Fresnault Deruelle, avec la collaboration de Jean-Michel Coblence.
Centre Georges Pompidou
Du 20 décembre 2006 au 19 février 2007, de 11h00 à 21h00
Entrée Gratuite
Acheter le catalogue de l’expo en ligne
Acheter « Les Mystères du Lotus bleu » en ligne
[1] in Paul Gravett, Hip Hip, Hergé, The Sunday Review, 10 dec. 2006.
Participez à la discussion