"Les vies de Charlie" ou l’innocence perdue – Ed. Dupuis

Employé modèle de l’entreprise Recycle & Ternel, Charlie se pose quelques questions sur le monde qui l’entoure et la nature de son travail, lequel consiste à proposer à des familles endeuillées des solutions de recyclage pour les corps de leurs défunts. Son univers est étriqué, entre collègues figés dans leur routine et monotonie quotidienne jusqu’au jour où un jeune garçon venant de perdre sa mère lui demande ce que devient l’âme après la mort. Intrigué face à cette énigme et à l’insistance du garçon, Charlie lui promet de la résoudre et part enquêter dans les tréfonds de sa société pour y trouver des réponses.

Les vies de Charlie - Extrait, p°11

© Kid Toussaint - © Aurélie Guarino

Les vies de Charlie - Extrait, p°12

© Kid Toussaint - © Aurélie Guarino

Autant l’annoncer tout de suite : il existe un décalage certain entre le résumé, la couverture et le contenu concret de cette nouvelle bande dessinée signée Kid Toussaint et Aurélie Guarino.

Le scénario prend en effet très vite une tournure fantastique avec des questionnements profonds sur la vie après la mort, la violence, la frontière entre le bien et le mal, la réincarnation et l’amour à travers le temps. Il faut donc garder l’esprit ouvert sur ces notions pour pouvoir pleinement apprécier la lecture de cet album beaucoup moins innocent qu’il n’y paraît de prime abord.

Par ailleurs, plusieurs scènes représentent crûment la nudité des corps et la violence physique et psychologique envers autrui, ce qui peut heurter la sensibilité du public visé, adultes comme enfants. On peut aussi regretter que la relation entre Charlie et le jeune garçon ne soit pas davantage exploitée et relève presque du prétexte pour amorcer la réflexion sur l’amour à travers le temps qui s’ensuit.

Les vies de Charlie - Couverture

© Kid Toussaint - © Aurélie Guarino

Côté dessin, le décalage est également marqué. Si la couverture propose une explosion de teintes vives et chaudes sur un fonds sépia et bleuté, la couleur est absente de la quasi totalité de l’album. Charlie évolue dans un univers tout en nuances de gris bleu qui se colore peu à peu, par très petites touches. Plus sa quête de l’âme de la mère du jeune garçon avance, plus son monde gagne en couleurs mais sans jamais atteindre le degré présent en couverture.

Les vies de Charlie - Extrait, p°7

© Kid Toussaint - © Aurélie Guarino

Cependant, une fois ces éléments connus, il est ensuite facile de se laisser entraîner dans cette histoire puissante et universelle. Kid Toussaint fait encore une fois montre de l’étendue de son talent de scénariste en abordant un sujet qu’il n’avait encore jamais traité dans ses précédents albums. A mi-chemin entre la noirceur de Holly Ann et la complexité dynamique d’Elles, Les vies de Charlie surprend, intrigue et finalement apaise grâce au crayonné souple et doux d’Aurélie Guarino qui sait jouer comme personne avec les nuances d’une seule et même couleur.

Une jolie pépite à lire en gardant l’esprit ouvert !