Mikki est une jeune fille de dix-douze ans et son grand souci dans la vie est qu’elle souffre d’une timidité plus que maladive. Alors ses parents l’emmènent chez (soi-disant) la spécialiste de ce genre d’affection qui vient de lancer un programme révolutionnaire. Mikki n’en sait pas plus et comme elle ne parle plus depuis deux mois, difficile pour elle de poser des questions. Alors elle accepte le bonbon que lui tend la doctoresse et pénètre dans un monde aussi sauvage qu’étrange...
Dans cet univers, chaque porte est un passage éventuel vers un autre lieu et un autre monde. Aussi faut-il bien faire attention avant de la franchir. Mais cela, Mikki n’en a pas encore conscience car elle se réveille au milieu de la nature. Là, elle fait rapidement connaissance avec "Super-héros des cavernes", un jeune garçon de son âge qui porte un gros rongeur sur sa tête [1]. Ce dernier est en effet son animal-totem, qui reprend sa forme animale lorsque c’est nécessaire, histoire d’aider son hôte à affronter les dangers de cet étrange monde.
Quant à Mikki, si l’absence de repères la pousse à retrouver la parole, il lui reste encore à dénicher son propre animal-totem et à échapper à l’horrible hyène qui lui court derrière. L’objectif est évidemment de retrouver le chemin vers son monde et ses parents, tout en aidant les autres enfants qu’elle rencontre en chemin, si sa timidité ne l’handicape pas trop. Mais si le programme spécial de la doctoresse aux bonbons cachait un autre objectif ?...
Stéphane Betbeder et Paul Frichet ne sont pas des inconnus l’un pour l’autre. Ils ont déjà réalisé trois albums ensemble avec la série Islandis, animant les contes et légendes du Pôle Nord. Cette nouvelle série qui comptera quatre volumes au total.
Mikki et la traversée des mondes a de quoi surprendre par rapport à leur précédente série. Le graphisme de Paul Frichet a gagné en expressivité et en dynamisme, ce qui convient particulièrement à ce récit mené tambour battant pendant près de soixante-dix planches. N’oublions ces magnifiques couleurs, extrêmement narratives, qui renforcent le peps et l’impression de voyage mental de la jeune héroïne. Un magnifique découpage laisse le temps d’installer le récit dans l’introduction avant d’aller dans tous les sens par la suite. Et comme chaque case est importante, pas question de relâcher son attention si l’on veut profiter des indices dessinés par Paul Frichet.
Nous sommes face à un véritable récit jeunesse de la part de Stéphane Betbeder qui nous avait pourtant habitué à des thématiques plus adultes (Dogma, Sanctuaire, Liaisons dangereuses - Préliminaires, etc.) Le scénariste se réinvente sur un sujet sensible et pas évident à traiter : les traumas vécus par les enfants, et les blocages qu’ils engendrent. Il évite habilement le pathos pour concentrer l’action sur l’aventure et le mystère.
La conjonction des deux délivrent un magnifique récit. Non seulement on se prend rapidement d’empathie avec les personnages principaux, mais surtout, on s’amuse tenter de comprendre les règles qui régissent cette sorte d’Escape Game où chaque porte nous mène autre part, un peu à la manière de Monstres & Cie. Les enfants doivent trouver ou fabriquer les bonnes clés, échapper à ceux qui nous poursuivent, utiliser les bons mots de passe aux endroits judicieux et gagner des objets utiles pour trouver la sortie. On s’associe pleinement à cette aventure où l’on va de découverte en découverte sans aucun temps mort au cors de l’imposante pagination de 72 pages + 1 planche bonus.
Vous l’aurez compris, Mikki et la traversée des mondes est un véritable coup de cœur au premier tome dense et ultra-prenant. À ne pas rater !
(par Charles-Louis Detournay)
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Mikki et la traversée des mondes - Par Stéphane Betbeder & Paul Frichet - Ed. Glénat
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[1] Il s’agit d’un capybara.