Nous avons fait cette vidéo juste au lendemain de l’attentat antisémite de Pittsburgh où 11 personnes, dont une rescapée de la Shoah de 95 ans, furent lâchement assassinées par un citoyen américain. Le dessinateur, connu pour son franc-parler, ne mâche pas ses mots.
Qui est Neal Adams ? Une légende de la bande dessinée américaine. Il était resté sur le pas de la porte de chez DC Comics lorsqu’il était venu présenter ses dessins. On ne l’avait pas même fait entrer. Plus tard, il se vengera de cette humiliation. En attendant, il travaille pour Archie Comics, des petits boulots, accède au cercle fermé des dessinateurs de comic strips pour les quotidiens en dessinant la série Ben Casey ou des adaptations de séries TV tout en réalisant des illustrations pour la presse et pour la publicité. Il lui arrive même de travailler comme « nègre » pour d’autres dessinateurs. Ce parcours ingrat mais rémunérateur ne comble pas ses attentes créatives mais a l’avantage, outre de le nourrir, de lui donner l’occasion d’acquérir des techniques graphiques issues de la publicité et de conférer à ses pages des références plus contemporaines à la mode et à la culture populaire.
Après un détour chez Warren Publishing, Neal Adams entre enfin chez DC Comics en illustrant des séries comme l’adaptation d’aventures de personnalités de la télévision comme Dean Martin, Jerry Lewis ou Bob Hope. Mais son graphisme dynamique va faire qu’on lui confie très vite les couvertures d’un personnage aussi iconique pour la maison que… Superman. La suite est ascensionnelle. On lui confie Le Spectre, puis Deadman, une série alors balbutiante qu’il porte aux premières places.
Il révolutionne Batman
Dans toute cette production, le premier tournant s’opère quand on lui confie la série The Brave and The Bold où Batman intervient dans chaque livraison en binôme avec un autre héros de DC Comics. L’intervention de Neal Adams sur le Chevalier Noir remporte un tel succès qu’on va lui confier le titre-phare de la maison : Detective Comics. Il devient titulaire ensuite de la plupart des grands héros de cet éditeur : le Creeper, Flash, Aquaman, les Teen Titans, Sgt. Rock ou encore Green Arrow dont il rafraîchit le look.
Dans la décennie suivante, grâce au scénariste Dennis O’ Neil, il redonne une consistance à l’Homme chauve-souris en lui donnant un aspect hard-boiled que le Comics Code avait édulcoré au fil des années. Au détour, sur un scénario de Frank Robbins, il dessine Man-Bat, personnage tragique à souhait, que l’on retrouve dans une histoire magnifique du premier volume de l’anthologie Batman, la légende consacré à Neal Adams, publiée par Urban Comics en juin dernier. Nous vous en reparlerons.
Le duo Adams-O’ Neil revit aussi profondément les personnages de [Green Arrow et Green Lantern, eux-aussi rassemblés dans une anthologie chez Urban Comics.
Ce qui fait particulièrement briller le travail d’Adams dans toute cette période est sa prestation surle combat historique entre Superman et Mohamed Ali. qui a marqué l’époque.
Comme tous les dessinateurs à succès de son temps, Adams travailla aussi pour la Marvel, animant l’un des runs les plus appréciés des X-Men, et l’une des histoires phares des Avengers qu’est la guerre Kree/Skrulls, mais aussi les personnages de Thor, Inhumans, Conan et même Dracula. Il tenta aussi l’aventure de l’édition indépendante et on lui doit une incursion dans l’univers de… SuperDupont dont il s’acquitta d’un épisode dans Fluide Glacial. « Si l’on n’aime pas SuperDupont, on n’est pas Français ! » déclare-t-il à nos reporters.
Mais ce qui inscrit définitivement Neal Adams dans l’histoire du comic book, c’est sa défense des droits des auteurs. Il fut de ceux qui aidèrent Jack Kirby à récupérer ses originaux dont les éditeurs s’arrogeaient la propriété jusque-là. Il milita aussi pour que Siegel & Shuster reçoivent une pension décente pour avoir créé le personnage de Superman. Pas étonnant qu’il entre dans le Hall of Fame des Eisner Awards et des Jack Kirby’s Awards respectivement en 1998 et 1999.
Comme ses collègues Will Eisner ou Joe Kubert, mais moins ostentatoirement cependant, il mentionna quelquefois ses origines juives. On lui doit notamment la couverture d’un essai récemment publié par IDW sur la bande dessinée et la shoah : We Spoke Out – Comic Book and the Holocaust.
Il est donc bien placé pour réagir à l’attentat dans une synagogue de Pittsburgh au cours duquel 11 fidèles juifs furent assassinés voici quelques jours. Le président Trump avait daigné se déplacer, avant de venir à Paris, non sans avoir, dans un premier temps, reproché au lieu de culte de ne pas avoir embauché un garde armé… Sa visite se fit sous les huées, auxquelles se joint la désapprobation de cette conscience du comic book qui n’a pas sa langue dans la poche. Comme vous pourrez le constater au cours de notre interview avec l’artiste que nous avons réalisée un peu à l’arrache grâce à Dynamo et à l’équipe du comic shop Central Comics. On sent bien que Marilyn, l’épouse de l’artiste, avait hâte à ce que cela se termine. Il n’y a pas que les interviews dans la vie, il y a le business aussi !...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
(par Vincent SAVI)
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