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Pascal Mériaux (directeur des Rendez-Vous de la BD d’Amiens) : "le Pôle BD Hauts-de-France emploie 19 personnes à plein temps... " [INTERVIEW]

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 mai 2023                      Lien  
Le "Pôle Nord de la BD", les Rendez-Vous de la bande dessinée d’Amiens qui ont lieu cette année sur quatre week-ends, démarrent le week-end prochain, du 3 au 25 juin 2023. Créé par l’association « On a Marché sur la bulle », animatrice de ce festival, d’un pôle créateurs d’expositions et d’un éditeur jeunesse (les Éditions de la gouttière), le Pôle bande dessinée des Hauts-de-France est devenu un incontournable de l'année où est remis notamment le Prix France Bleu dont ActuaBD est partenaire. Rencontre avec son sympathique timonier : Pascal Mériaux.

Les Rendez-vous d’Amiens ont 27 ans... comme ActuaBD ! La BD a beaucoup changé depuis. Comment cela s’est-il traduit dans les différentes phases successives de l’événement ?

Pascal Mériaux : Quels changements en effet, entre ce qu’était la bande dessinée en 1996 et le paysage actuel ! La diversification des publications s’est retrouvée très logiquement dans la programmation, et l’aspect choral de la direction artistique du festival permet d’avoir aussi chaque année une trace de cette diversité, entre mangas, comics, jeunesse, classicisme et modernité. Cette question me fait penser à un point qui a transformé la manifestation : la fragilité des revenus des autrices et des auteurs, qui nous a amenés à chercher et trouver les moyens de les rémunérer sur la manifestation, nous a poussés à diversifier les façons de rencontrer les publics, et finalement à enrichir le festival de multiples formats.

Quels ont été les grands moments et les personnes qui ont permis cette évolution ?

Il y aurait matière à un ouvrage assez épais, parce que les 1200 artistes reçus depuis la première édition, tous les bénévoles, tous les partenaires culturels et institutionnels, tous les collaborateurs actuels et passés ont transformé le projet initial en ce qu’il est aujourd’hui. Mais si j’essaie de trouver quatre moments ou personnes à ce moment précis, je dirais que l’affiche, l’exposition et la venue d’Enki Bilal en 1998, pour seulement la troisième édition de la manifestation, grâce à un coup de fil magique de Paul Gillon, représente ce moment où je me dis que tout est possible.

Ensuite, la participation en 2000 à un projet international majeur, Amiens les Couleurs du Monde, qui correspond à notre arrivée dans de nouveaux locaux, le Pôle universitaire cathédrale et nous permet de nous projeter vers la Turquie, le Mexique et le Mali est un premier moment de reconnaissance et d’évolution.

Bond dans le temps, le fait d’être choisi en 2014 par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale pour être leur partenaire privilégié dans le monde du 9e Art, qui nous permet de développer et diffuser des expositions pendant quatre ans, recevoir Joe Sacco et favoriser l’installation de sa fresque sur le 1er juillet 1916 à Thiepval, puis créer le collectif Traces de la Grande Guerre, avec Dave McKean, Charlie Adlard et bien d’autres, voilà un grand moment.

Pascal Mériaux (directeur des Rendez-Vous de la BD d'Amiens) : "le Pôle BD Hauts-de-France emploie 19 personnes à plein temps... " [INTERVIEW]

Enfin, l’arrivée à la Halle Freyssinet en 2018, l’année où Zep fait l’affiche, la proposition initiale de Marc-Antoine Mathieu pour les vagues avec lesquelles on joue chaque année désormais, c’est un moment crucial, on aurait pu crouler sous le poids, aujourd’hui ce site nous porte et nous permet de vivre chaque année des moments intenses, largement partagés avec un public nombreux. C’était trop cruel comme question, il y aurait tant à dire d’André Geerts, de Jirô Taniguchi, de Kokor et Loïc Dauvillier, de Ralph Meyer, de centaines de personnes qui ont fait la différence et nous permettent de grandir.

Aujourd’hui, la bande dessinée est devenue une chose sérieuse, avec un projet, des objectifs et des comptes à rendre. Quel est le pourcentage de l’investissement public et quelles obligations cela entraîne pour vous ?

Avec l’ampleur et l’ambition du projet, les financements publics représentent 80% du budget de l’association, et comme pour toute structure subventionnée, cela exige d’être, à chaque instant, conscients des devoirs qui nous incombent en contrepartie, et donc d’optimiser tout cela pour le public, pour tous les publics de rendre ce qui nous est confié. Cela exige aussi, et c’est très positif d’être dans un dialogue permanent avec nos partenaires institutionnels, à l’échelle des techniciens ou à celle des politiques.

Ce qui caractérise votre festival, c’est l’engagement pédagogique. Par quelles actions cela se traduit-il ? Comment les pouvoirs publics vous accompagnent-ils ?

Si j’essaie de synthétiser l’action pédagogique de la structure, c’est six personnes à plein temps, 850 demi-journées de face-à-face pédagogique coordonnées et animées en 2022 (dont plus de 300 par des auteurs, le reste par les médiateurs de l’équipe), une diversité de modes d’intervention qui va d’une simple intervention pour sensibiliser au medium jusqu’à des formats qui peuvent courir sur une année scolaire entière, un champ d’interventions qui va de la maternelle jusqu’à l’Université, des projets de jurys et de parcours de lecture qui se terminent en apothéose lors de sept journées dédiées aux scolaires, avec des remises de prix décernés par des collégiens et des lycéens chaque année, et un territoire d’intervention qui est celui des Hauts-de-France. Et tous les échelons de partenaires institutionnels nous accompagnent et croient en la bande dessinée, à la fois pour elle-même et pour sa capacité à faciliter le rapport au monde du livre et de la culture.

Votre activité personnelle est répartie sur trois structures : l’événement Les Rendez-vous, la maison d’édition La Gouttière et une structure de création et de distribution des expositions. Comment arrivez-vous à coordonner ces trois métiers ? Cela concerne combien de personnes ?

Tous ces métiers sont un seul et même métier : diriger une équipe motivée et militante, qui s’efforce de mettre des lectrices et des lecteurs en contact avec des livres, à mettre des œuvres et leurs créateurs en contact avec des publics. Je suis un passeur, nous sommes des passeurs. Le reste est question d’organisation, mais c’est surtout rendu possible par la qualité de l’équipe professionnelle, qui sait travailler de façon coordonnée et autonome à la fois. Aujourd’hui, les trois entités qui constituent le Pôle BD Hauts-de-France emploient 19 personnes à plein temps, avec des renforts en masse autour du festival !

Dans cette édition vous avez une ligne directrice, laquelle ?

Nous n’avons jamais voulu de thème, qui enfermerait une année dans telle ou telle direction. La ligne directrice, c’est l’idée de partager des œuvres et des sujets qui nous animent, nous donnent envie de poursuivre notre « combat ordinaire » à nous. Chacun vient en début de saison avec ses projets, on les coordonne, on les structure dans l’espace pour chercher un équilibre et une diversité à la fois, et à un moment on sait qu’on tient la prochaine édition.

Pascal Mériaux, directeur des RVBD d’Amiens
Photo : Clément Foucard

Comment cela se traduit-il dans votre programme ?

Il y a, cette année encore, comme un parcours du lecteur dans les expositions, entre les Tchouks pour les tout-petits, Hilda puis Frnck pour les jeunes lecteurs, et cette diversité ensuite, de la grande exposition manga consacrée aux Carnets de l’Apothicaire à celle dédiée au comics et au polar avec Nouveau Noir, Ed Brubaker et Sean Phillips, La somptueuse Bibliomule de Cordoue, bien entendu, et ensuite ce foisonnement de formats de rencontres, à chaque instant sur le festival, du matin au soir, au-delà des signatures, on peut assister à un des deux formats tous publics proposées, ou participer à un deux formats jeunesse qui ont lieu, et il y a le dessin live en continu dans l’Agora d’entrée…

Quelle est ce dont vous êtes le plus particulièrement fier dans la programmation de cette année ?

Je suis particulièrement fier du format temporel que nous avons stabilisé, quatre week-ends, un temps fort d’ouverture avec 90 artistes, deux week-ends plus ‘’muséaux’’ mais qui ont montré qu’ils pouvaient accueillir un large public, et un week-end de clôture coproduit avec des maisons d’édition et où participent encore une soixantaine d’auteurs. Et je suis particulièrement fier de la densité et de la qualité de nos partenariats, de ces Hors-les-Murs, qui ont démarré en avril et se termineront début octobre, la greffe a pris entre le 9e Art et toutes les autres esthétiques travaillées sur la ville, c’est jouissif !!!

Voir en ligne : Le site officiel des Rendez-vous de la BD d’Amiens

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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En médillon : Photo : Clément Foucard / Festival d’Amiens

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