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Raffington Event Détective - Par Andreas - Coll. Signé/Le Lombard

Par Christian MISSIA DIO Charles-Louis Detournay le 20 avril 2016                      Lien  
Œuvre de jeunesse d'Andreas mais également de transition, "Raffington Event Détective" retrouve un nouveau souffle avec cette réédition dans la prestigieuse collection "Signé" des éditions du Lombard. Une initiative qui tombe à point nommé, à l'heure où Andreas est en train de mettre un point final à l'une de ses séries-phares, "Capricorne".

Dans nos précédents articles, nous vous avions expliqué comment la relation s’était tendue entre Andreas et son éditeur historique du Lombard en 2011, alors que ce dernier désirait interrompre Capricorne au tome 15, une série que l’auteur avait pourtant savamment construite en vingt tomes. Après plusieurs mois de discussions et un changement au sein de l’équipe éditoriale, Le Lombard et Andreas avaient repris ensemble l’aventure de Capricorne en 2012.

Cet incident au sein d’une collaboration longue pourtant de près de quarante ans avait cependant intensifié à cette occasion les liens entre auteur et éditeurs. Le Lombard a en effet réédité les aventures de Rork en deux intégrales accompagnées d’inédits ainsi qu’un nouveau tome de ce héros hors du commun et Styx, un one-shot co-réalisé avec Foerster pour la collection Signé. Cette mise en avant s’est suivie en 2015 de la réédition de La Caverne du Souvenir, un récit réalisé en 1983 et qui nous avait permis de revenir sur les premiers productions du dessinateur germano-breton.

Raffington Event Détective - Par Andreas - Coll. Signé/Le Lombard

Le détective du fantastique

À quelques mois de la sortie de l’ultime tome de Capricorne, Le Lombard poursuit ses efforts grâce à une autre réédition d’un album d’exception : Raffington Event Détective qui regroupe dix aventures-enquêtes d’un personnage que les lecteurs avaient déjà pu découvrir dans la précédente série d’Andreas : Rork. L’auteur multiplie dans ces dix courts récits les audaces narratives et les thématiques fantastiques.

En effet, depuis qu’il a mené une enquête qui flirtait avec les frontières du réel [1], son personnage, le détective Raffington Event, n’accepte que les affaires qui sortent de l’ordinaire : retrouver un grimoire diabolique, décrypter un rêve prémonitoire afin de sauver une vie menacée ou résoudre l’énigme d’une étrange disparition. Telles sont quelques-unes des affaires qui aiguisent la curiosité de notre ventripotent limier.

Entre transition et expérimentations

« Depuis que je suis tout gosse, je suis fasciné par tout ce qui touche au paranormal, expliquait Andreas lors de la première publication des récits de Raffington Event Détective. Je n’ai commencé à me sentir à l’aise professionnellement que lorsque je me suis mis à traiter par le texte et le dessin ce genre de sujet. Je parle du texte et du dessin parce que pour moi, une BD ne peut se concevoir l’un sans l’autre. »

Derrière ces propos apparemment consensuels se cache une vérité moins anodine qu’il n’y paraît : lorsque Andreas fait apparaître le détective Raffington Event comme personnage secondaire de Rork dans Passages, il est en train de quitter le format des récits courts pour se lancer dans des récits plus imbriqués où la forme des cases va progressivement prendre une importance capitale.

Mais quelques années plus tard, Andreas ressent le besoin de revenir à ces petits mystères fantastiques avec lesquels il a d’ailleurs débuté les aventures de Rork. Pourquoi ? Sans doute pour changer de l’ambiance au long cours installée dans Rork, mais aussi parce qu’il est en train de continuer à explorer ce format en écrivant des histoires plus courtes pour Philippe Berthet, récits publiés dans Spirou dans les années 1980 et qui seront rassemblés dans l’album Mortes Saisons.

L’autre élément important de Raffington Event réside dans l’apparente retenue qui est celle d’Andreas dans ces récits : pas de découpage éclaté en étoile ou de myriades de petites cases comme on a déjà pu en voir ici ou là, et qui sont la marque de fabrique de l’auteur. L’un des plus grands expérimentateurs de sa génération en cette matière demeure pour cette fois d’une étonnante sobriété.

Mais il ne faut pas s’y fier, car Andreas cherche néanmoins à repousser les limites du médium à chaque récit, et c’est en cela que le récit court l’intéresse précisément. Il serait lassant de lister toutes les petites mais notables expérimentations qu’il a réalisées dans ces intrigues surnaturelles : outre l’importance des aplats noirs et des mouvements de caméra, on remarquera surtout le soin qu’il a pris à souligner les effets de surprise et à construire l’ambiance de chaque récit.

Et si l’ensemble de ces courtes expériences forme non seulement un contenu homogène et unique, elles s’avèrent surtout être les prémices d’autres récits dans lesquels l’auteur va approfondir certaines de ses réussites. On pense ainsi à l’album muet de Capricorne T. 12 qui trouve quelque peu son origine dans le prologue de cet album. De même, le récit Pourquoi ici ? Pourquoi moi ? dont la plupart des pages sont constituées de plans du visage de son héros, prémisse à Vue de près, le T.16 de Capricorne. La séquence du désert de La Maison des Esprits recèle incontestablement un lien avec Mil et Aztèques. Sans oublier le jeu d’ombres de Kid qui préfigure le dernier cycle d’Arq.

Tout au long de cet album, nous avons donc l’occasion de (re-)découvrir des histoires intrigantes et bien menées par un auteur talentueux et déroutant, qui repousse sans cesse les limites de son art. Raffington Event Détective est un must have pour tous les amateurs d’Andreas, ou ceux qui chercheraient une belle entrée en matière pour mieux comprendre son univers avant de plonger dans une série au long cours comme Capricorne.

Une invitation au voyage dans les oeuvres d’Andreas

Voir en ligne : Découvrez Raffington Event Détective sur le site des éditions du Lombard

(par Christian MISSIA DIO)

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Concernant Andreas, lire nos articles précédents :

[1Justement avec Rork, au sein de l’album Passages, avant de le retrouver dans la conclusion de Rork : Retour.

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6 Messages :
  • Raffington Event Détective - Par Andreas - Coll. Signé/Le Lombard
    20 avril 2016 23:30, par La plume occulte

    En voyant ces planches, il revient à l’esprit les plaintes de ces auteurs du passé ou du présent, souvent dans la BD pour des raisons autres que la passion réelle pour le genre, qui se plaign(ai)ent ,à longueur de temps ,de la supposée étroitesse des cases, de l’insupportable contrainte créative qu’elles induisent ,qui les empêch(ai)ent de déployer leurs ailes, de géant. Un constat empreint d’ amertume qui est surtout à voir comme la preuve de l’évidence de leurs carences narratives, puisque l’art séquentiel C’EST la case !!
    Andreas l’a prouvé mille fois.

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    • Répondu par Guerlain le 21 avril 2016 à  14:01 :

      l’art séquentiel, c’est la PLANCHE !!
      la spécificité de la bande dessinée, c’est la manière dont les cases interagissent entre elles. Le fameux espace inter-iconique. Une case seule n’est pas de la bande dessinée.

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      • Répondu par La plume occulte le 22 avril 2016 à  00:47 :

        La planche est une grande case:la fameuse méta-case.

        "Une case seule n’est pas de la bande dessinée."

        Si,ça s’appelle une splash page,en gros une grande case qui porte au paroxysme les éléments,comiques ou dramatiques, mis en place dans la case précédente,elle sert parfois aussi d’entrée en matière ou, alors, de respiration avant de relancer la tension dramatique.D’ailleurs certaines splashs présentent plusieurs scènes ou actions dans un même champs, sans espaces inter-iconiques (dont l’importance est parfois surfaite)et fonctionnent très bien.Une grande case peut même occuper deux planches.

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        • Répondu par Guerlain le 22 avril 2016 à  13:23 :

          vous citez des cas particuliers et tentez d’en faire une généralité.
          et, vous le dites vous-même, ces splash pages trouvent généralement leur sens dans l’enchaînement avec les cases précédentes. Cet enchaînement, c’est ce qui se déroule dans l’espace inter-iconique. Il ne sépare pas que les cases sur une même planche, mais joue aussi son rôle entre 2 pages.
          Les effets de suspense en fin de page, dans lesquels Franquin excellaient, sont une utilisation de cette propriété.
          Certaines splash pages peuvent représenter un tout, sans relation à d’autres pages (chez Fred, je pense à une planche de Joe Matt, également), mais il s’agit d’exceptions.

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          • Répondu par La plume occulte le 22 avril 2016 à  15:55 :

            Pardon mais je ne cite aucun cas particulier ,toutes les planches sont des méta-cases.

            Vous insistez sur l’espace inter-iconique,important évidemment,mais je ne parle pas du tout de ça.

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  • Une réédition certes mais avec une nouvelle couverture.

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