Jean-Marc Reiser était une des grandes signatures de Hara Kiri, de Pilote, puis de Hara Kiri Hebdo et enfin Charlie Hebdo. Sa signature était immédiatement reconnaissable et recherchée. Il avait sa chronique dans Le Nouvel Obs juste avant que Claire Bretécher y publie Les Frustrés. C’est un esprit libre, aux dessins chocs -comme on les connaît dans Charlie Hebdo.
Un trait vif, joyeux, grinçant, giclé comme du Jackson Pollock, d’une spontanéité totale. André Franquin, le créateur de Gaston Lagaffe et du Marsupilami l’idolâtrait. Lui qui avait le dessin laborieux -et quel dessin !- il lui enviait cette spontanéité, cette pertinence, cette improvisation. Franquin était de la musique classique, lui c’était du Jazz, voire du Rock, voire du Punk.
C’était un des meilleurs dessinateurs de Charlie Hebdo qui a quitté l’équipe trop tôt, en 1983, à l’âge de 42 ans, foudroyé par un cancer.
On connaît chez Reiser un propos écolo révolutionnaire, bien en avance sur son temps. On sait moins qu’il a accompagné dès les années 1960 le mouvement féministe mobilisé par Simone de Beauvoir, François Giroud, Benoîte Groult ou Gisèle Halimi.
Son premier livre s’intitule « Mon Papa », or il n’en a pas eu, de papa. Il était né en 1941 de père inconnu. Sa mère, Charlotte, était femme de ménage dans une usine de Longwy jusqu’à la fin de la guerre. Avec une maman célibataire et prolétaire, gardienne d’enfants, femme de service, logeant dans des garnis, il a vu toute son enfance une femme trimer.
Dès lors, dans Charlie, il est de toutes les causes féministes : pour la valorisation du salaire des femmes avec la grève des employées aux Nouvelles Galeries de Thionville en 1972 ; il chronique l’affaire de Marie-Claire, jeune fille violée défendue par Gisèle Halimi, accusée d’avortement ; il dessine des tracts pour le MLF ; il milite pour la Loi Veil autorisant l’avortement en 1975 ; on le voit en 1975 en couverture de Charlie Hebdo réclamer La pilule pour hommes ; il soutient le groupe des « Répondeuses », un groupe de femmes communiquant sur répondeurs, en 1977 ; enfin, il publie Vive les femmes en 1978 où l’on voit en couverture une demoiselle mettre la main aux fesses d’un homme.
Bref, ce sont tous ces dessins-là qui sont réunis par Jean-Marc Parisis dans ce beau volume paru chez Glénat. On lui doit aussi une jolie préface, éclairante et bien écrite. Un album indispensable pour mieux connaître Reiser et découvrir à quel point il était révolutionnaire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Reiser, l’homme qui aimait les femmes – Préface Jean-Marc Parisis. Éditions Glénat.