"Remina, la planète de l’enfer", de Junji Ito – Edition prestige – Ed. Delcourt Tonkam

Lorsque le professeur Oguro découvre une nouvelle planète, il décide de la baptiser du nom de sa fille unique, Remina. L’attention des médias et de la population se porte alors sur la jeune femme, très jolie et extrêmement timide, qui souhaite pourtant rester anonyme. Elle finit par se laisser convaincre d’être médiatisée et devient de plus en plus populaire et acclamée. Mais les choses changent lorsque le professeur réalise que la planète Remina dévore les astres qui croisent sa route et se dirige droit vers la Terre. Face à la menace, la population devient hystérique et, excitée par quelques fanatiques, décide que l’exécution du professeur et de sa fille est nécessaire pour stopper la progression de Remina.

Remina - Extrait 1 - Editions Delcourt Tonkam

© Junji Ito

Délire psychologique sur fonds de SF horrifique

Dans cette intrigue tirant sur la science-fiction que n’aurait pas reniée Stephen King, Junji Ito nous livre davantage une analyse psychologique de la folie de groupes qu’une véritable histoire d’horreur. Celle-ci se retrouve toutefois dans les comportements des différents protecteurs de Remina qui la trahissent chacun à leur manière, dans l’hystérie collective qui s’empare de la population surexcitée, abêtie et assoiffée de sang et également dans la représentation de la planète dévoreuse, toxique pour l’homme et visuellement démente.

Le statut de l’héroïne en elle-même n’a pas grande utilité dans le sens où elle subit ce qui lui arrive et se laisse porter et protéger par qui veut bien s’occuper d’elle. Un parfait contrepoint à la planète homonyme, qui provoque le chaos et la ruine autour d’elle.

Le fanatisme religieux qui sous-tend le récit et transforme les personnages en fous furieux vient faire écho à d’autres histoires de Junji Ito, notamment "Maudite Madone" parue dans le tome 1 de Zone fantôme.

Remina - Extrait 2 - Editions Delcourt Tonkam

© Junji Ito

Une histoire intemporelle, dense et haletante

Bien qu’écrit et publié il y a presque vingt ans, en 2005, le récit n’a pas pris une ride, les ressorts de l’intrigue étant universels et l’auteur prenant toujours soin de ne pas inscrire, dans ses œuvres, l’histoire à une époque précise.

Le scénario de Remina est dense, bien construit et renforcé par un dessin visuellement rythmé qui ne laisse pas l’œil se reposer. Junji Ito démontre là encore sa parfaite maîtrise des formes simples (lignes et cercles) qu’il arrive à rendre saturées, obsédantes et horrifiques. On ressort de cette lecture en haletant tellement la tension narrative et visuelle nous maintient en apnée tout au long des 295 pages du récit.

Remina - Extrait 3 - Editions Delcourt Tonkam

© Junji Ito

Une réédition prestige de qualité

L’édition prestige proposée par Delcourt Tonkam est en outre d’excellente facture, avec un dos cartonné facile à prendre en main et une couverture aux tons retravaillés par rapport à l’édition française de 2008 parue chez Tonkam.

La réduction à trois couleurs principales recentre l’attention du lectorat sur les éléments conducteurs de l’histoire : l’innocence de Remina (le bleu de la robe), le sang des morts et des exécutions (le rouge des immeubles et de la langue de la planète) et le néant qu’entraîne la planète (le noir du fond de couverture).

Remina - Couverture - Editions Delcourt Tonkam

© Junji Ito

Dans la droite ligne de la mise en valeur des œuvres de Junji Ito au festival d’Angoulême en 2023 avec l’exposition "Dans l’antre du délire", Remina constitue ainsi une pièce de choix dans l’appréciation du travail du mangaka et ravira les collectionneuses et collectionneurs de tous horizons.

Un must have pour les fans et un bon moyen de découvrir l’univers du mangaka pour celles et ceux qui ne le connaîtraient pas.