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Ryuhei Tamura (Beelzebub) : "La plupart des mangakas du "Jump" orientent leur histoire en fonction du retour des lecteurs".

Par Aurélien Pigeat le 1er septembre 2014                      Lien  
Lors de Japan Expo 2014, nous avons pu rencontrer Ryuhei Tamura, auteur de {Beelzebub} (publié chez Kazé). Un événement rare que la venue d'un auteur du {Weekly Shonen Jump} en France, et l'occasion unique d'évoquer certains aspects du métier de mangaka au Japon alors que la rentrée manga s'annonce fournie cet automne.

Ruyhei Tamura est l’un des jeunes auteurs à succès du Weekly Shonen Jump de Shueisha. Avec Beelzebub, un étonnant manga mêlant comédie, aventure, humour et combat, il a fait les beaux jours de l’hebdomadaire pendant cinq ans.

Sa série achevée au Japon, il a pu venir lors de Japan Expo 2014 pour rencontrer le public français. M. Tamura était accompagné par M. Monji, son tantô, c’est-à-dire son responsable éditorial.

Comment est né votre intérêt pour le manga ?

J’ai commencé à m’intéresser aux mangas assez jeune, quand j’avais 10-11 ans. Avec un de mes copains de classe, on avait décidé de faire un petit magazine de mangas, pour nous amuser. On est resté très bons amis pendant longtemps. Nous avons été dans le même collège. Au lycée, nous étions dans deux établissements différents mais on continuait à se voir fréquemment et à échanger nos mangas respectifs. Même si, au final, cet ami n’est pas devenu mangaka : il travaille à la Poste !, de mon côté, j’ai voulu aller au bout des choses et je suis parvenu à devenir mangaka. Ce qui ne nous a pas empêchés de rester amis !

Ryuhei Tamura (Beelzebub) : "La plupart des mangakas du "Jump" orientent leur histoire en fonction du retour des lecteurs".
Grosse bataille en perspective contre le "lycée démoniaque"
BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Comment avez-vous procédé pour débuter dans le milieu ? Comment vos premiers travaux ont-ils été accueillis ?

Quand j’étais au lycée, aux alentours de 16-17 ans, il y avait une sorte de concours organisé par le Shonen Gangan, dans lequel il était proposé aux lecteurs d’envoyer des yonkoma, ces comics strips de quatre cases, sur le thème de Dragon Quest. J’en ai envoyé à plusieurs reprises et j’ai été publié deux ou trois fois dans cette rubrique.

Quelques temps plus tard, j’ai participé à un concours organisé par les éditions Shueisha, le « Story King », qui, comme son nom l’indique, s’adresse à ceux qui veulent raconter des histoires. Au sein de ce concours il y a une catégorie pour les « nemus », les croquis préparatoires détaillés et, comme ils acceptaient les nemus crayonnés, assez abrupts, je me suis dit que je pouvais tenter ma chance. Et j’ai eu des retours plutôt bons. Ça a été un déclic, je me suis dit que je pouvais vraiment m’engager dans cette voie et envoyer des planches pour le Jump.

Quel âge aviez-vous à ce moment-là ?

Dix-neuf ans.

Vous étiez donc étudiant : dans quelle filière vous étiez-vous inscrit ?

J’étais dans une école d’animation, qui forme aux différents métiers de ce secteur.

Changement d’ambiance : une romance familiale ?
BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Quelles ont été les étapes suivantes avant de devenir vous-même mangaka ?

La norme pour les jeunes auteurs est de commencer à s’initier à la carrière de mangaka en passant par la case « histoires complètes » sous forme de one-shots, que l’on soumet à la rédaction du Jump, qui décide de les publier ou non, soit dans des hors-séries du Jump, soit dans des suppléments, soit dans des magazines parallèles, mais pas dans le Jump principal. Dans mon cas, à partir de la troisième histoire publiée, je me suis vu proposer de travailler comme assistant d’un mangaka. Il s’agissait de Toshiyoki Iwashiro, l’auteur de Psyren.

En France, il y a une sorte de fantasme du mangaka enchaîné à sa table de dessin, esclave de son responsable éditorial, qui se nourrit à peine et qui ne dort que quatre heures par nuit. Comment décririez-vous votre propre première expérience de publication d’une série longue dans le Jump ?

(Rires). Dans mon cas personnel, cela n’est quand même pas allé jusque-là ! Ces images sont certainement liées à la période d’Osamu Tezuka, qui nous montrait la présence du responsable éditorial, à côté du mangaka, faisant directement pression pour obtenir les planches à temps. Dans mon cas, je n’ai pas beaucoup dormi, je vous le concède, mais je n’avais pas mon éditeur continuellement sur le dos. Mais c’est vrai que, dans le métier, on entend fréquemment parler de dessinateurs qui ont du mal à rendre leurs planches à temps et qui, de ce fait, ont leur responsable éditorial presque en permanence chez eux.

Les bambins à l’honneur à présent ?
BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Vous n’avez d’ailleurs pas beaucoup pris de congés durant ces années de publication ?

Des longues vacances, non, en effet. Mais dans le système de publication du Jump, au Japon, il a des numéros doubles plusieurs fois dans l’année. Notamment deux de suite, au moment du Nouvel An, ce qui permet d’avoir quelques jours de vraies vacances, un vrai temps de repos [1].

Pouvez-vous décrire pour le public français comment s’organise une semaine de travail d’un mangaka publié dans le Weekly Shonen Jump ?

La semaine, pour nous, compte sept jours de travail. Le premier jour est surtout axé autour d’une réunion avec M. Monji, mon responsable éditorial, avec qui je discute du contenu du chapitre sur lequel nous allons travailler les six jours suivants. Ensuite, si on est tombé d’accord sur le thème qu’on allait aborder dans le chapitre, sur son contenu global, sur la manière dont j’allais construire l’histoire ensuite, mon éditeur s’en va et je passe les deux jours suivants à travailler sur mes nemus, les croquis préparatoires, l’équivalent de story-boards.

Oga et le TKKH, le quatuor de caïds régnant sur le lycée Ishiyama
BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Une fois que c’est fait, j’appelle M. Monji pour les lui soumettre, ou je les lui envoie par fax. Il me donne son avis, m’indique s’il y a des corrections à apporter, des alternatives à explorer. Si M. Monji me donne son feu vert pour attaquer les planches elles-mêmes, j’appelle mes assistants qui viennent travailler dans l’atelier.

Là, les journées commencent à 9h et se terminent en général à 3h du matin. Pendant quatre jours, tout le monde travaille à un rythme assez soutenu sur les planches, à l’issue de quoi M. Monji vient pour récupérer les planches et on enchaîne immédiatement par la réunion de préparation du chapitre suivant. La boucle est bouclée.

Combien aviez-vous d’assistants, pour Beelzebub, sur la fin du manga ?

Il y avait huit assistants, qui effectuaient une rotation pour qu’il y ait toujours à peu près six assistants qui travaillent ensemble chaque jour.

Cela fonctionne en somme comme un mini-studio. Quand Beelzebub s’est achevé, cela n’a-t-il pas été difficile de se séparer de vos assistants ?

Non ! Ce ne fut vraiment pas trop dur de me séparer de mes assistants. Le fait de passer autant de temps, tous les jours, avec les mêmes personnes, pendant aussi longtemps, du matin jusqu’au soir, quand cela s’arrête, cela produit plutôt un sentiment de libération, je dois bien l’avouer !

Oga le délinquant, Hilda la servante démoniaque et Baby Beel le fils du roi des Enfers : le trio de base du manga
T13 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Pour en venir à présent à Beelzebub, votre manga apparaît comme particulièrement hybride : manga de furyo [2], manga comique, manga de combat fantastique : comment est née l’idée de mélanger tout cela ?

Je crois en fait que cela vient de mon caractère : j’ai tendance à me lasser assez vite de certaines choses. Donc, je savais dès le départ que si je m’enfermais dans le gag manga, très rapidement j’aurais envie de mettre en scène des combats ; et qu’à l’inverse, si je faisais trop de baston, je serais tenté d’insérer de la comédie romantique ou carrément du gag. Donc j’avais besoin, par rapport à mon caractère, de créer un manga où on retrouve un peu tout ça, qui me permette en tout cas de brasser tout cela.

Cela a-t-il été facile à mettre en œuvre, à faire passer au niveau éditorial, dans la mesure où il s’agit de quelque chose de relativement original, qui n’est pas vraiment inscrit dans des codes ou des catégories stables ?

À vrai dire, lorsque je me suis lancé dans Beelzebub, personne ne savait que ce manga allait devenir cela ! Il a pris cette forme-là avec le temps mais ce n’était pas anticipé ou prémédité. Il n’y a pas eu matière à opposition au niveau éditorial car le manga n’a pas vraiment été présenté sous la forme qu’il a finalement adoptée.

Oga et Baby Beel vont jusqu’à fusionner !
T13 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

On éprouve d’ailleurs parfois un sentiment de rupture, dans le sujet ou le ton, au fil de la lecture du manga : s’agissait-il d’une volonté de votre part de ne pas vous appesantir dans un registre ou bien ces changements de direction ont-ils été dus à d’autres circonstances, comme le retour du public ?

C’est vraiment lié à mon caractère : à un moment donné, j’éprouvais vraiment le besoin de passer à autre chose, de changer complètement de registre et d’objet.

Et M. Monji, votre responsable éditorial, ne résistait-il pas trop lorsque l’action était interrompue brutalement pour passer complètement à autre chose ?

Avec M. Monji, il n’y avait pas de problème à ce niveau-là, au contraire. Le fait de changer complètement d’ambiance d’un chapitre à l’autre, de passer de scènes de bataille à des scènes de gag, ça vient non seulement de mon caractère mais aussi de ma volonté de ne pas lasser mon lectorat. J’avais vraiment envie que mon lectorat continue à aimer mon manga et continue à le suivre. Du coup je voulais lui apporter de la fraîcheur dans ma manière de construire l’histoire. M. Monji était plutôt d’accord avec moi quant à cette volonté, cette perspective de travail.

Avez-vous éprouvé des difficultés dans tel ou tel aspect de votre manga en allant dans des directions si diverses ?

Les scènes qui m’ont le plus posé de problèmes sont celles des batailles, celles où je faisais apparaître un nouveau personnage, encore plus fort. Là, j’étais toujours très anxieux quant à la manière dont j’allais représenter cela et dessiner ces nouveaux personnages, plus puissants que les précédents.

Par moments un "vrai" manga de baston avec super-pouvoirs
T13 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Étiez-vous attentif au retour des lecteurs sur vos chapitres ? Je pense là au questionnaire soumis aux lecteurs de Weekly Shonen Jump. Leurs résultats ont-ils influé sur l’orientation du manga ?

Oui : j’y étais très attentif. Ces résultats constituaient pour moi un souci constant, une préoccupation permanente. Je pense que la plupart des mangakas publiés dans le Jump, si ce n’est pas tous, sont très attentifs aux résultats des enquêtes faites auprès des lecteurs, et modifient l’orientation de leur histoire en fonction.

Vous pouviez donc précisément vous dire « telle situation a plu ou n’a pas plu » et travailler en fonction de cela ?

Bien sûr ! C’est quelque chose que nous faisions précisément.

Mais n’était-ce pas difficile avec un manga aussi protéiforme, allant ainsi dans tous les sens ? Comment pouviez-vous déterminer ce qui plaisait ou ne plaisait pas ?

C’est sûr que ça peut paraître difficile de savoir précisément ce qui a plu ou déplu au lecteur, mais lorsqu’on a les résultats d’un chapitre, le classement qu’on a obtenu, on peut en faire l’analyse du fait de ce qu’on sait du contenu-même du chapitre, des personnages qui y apparaissent, des situations, le tout par rapport aux précédents résultats, à ce qu’on sait qui a déjà plu ou déplu dans les précédents chapitres.

Je vous donne un exemple : il y a un chapitre dans lequel Baby Beel reçoit une petite voiture d’enfant et s’enfuit avec elle pour explorer la ville. J’avais dans l’idée que je ferais plusieurs histoires de ce type-là, avec des fuites de Baby Beel. Mais les réactions des lecteurs ont été tellement mauvaises que j’y ai tout bonnement renoncé.

La fameuse histoire du "Baby Driver" qui ne rencontra pas l’engouement des fans
T18 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Le monde des démons n’est finalement que peu développé dans Beelzebub. Vouliez-vous seulement ouvrir une fenêtre vers le monde d’origine de Beelzebub ou bien avez-vous des regrets de ne pas avoir davantage déployé l’intrigue de ce côté ? Cela aussi est-il lié au retour des lecteurs ?

Ça rejoint effectivement cette question des développements abandonnés du fait de l’avis du public. J’avais débuté une intrigue avec un voyage d’Oga et ses amis dans ce monde, mais les retours d’enquête, au fur et à mesure, étaient tellement mauvais que le Monde des enfers lui-même est devenu un véritable tabou dans le manga !

C’est dommage !

Oui, moi aussi j’aimais beaucoup ce passage-là, la perspective d’explorer cette partie de l’univers de Beelzebub. Mais ça ne correspondait clairement pas à l’attente des lecteurs.

Comment est née l’idée de mettre un bébé sur le dos d’un lycéen ?

Je ne saurais pas dire exactement comment est née l’idée, mais en tout cas j’avais envie de dessiner un personnage de voyou, une sorte de petite racaille, un de nos « furyo » ; et je réfléchissais à un moyen de le rendre attractif, intéressant et c’est là que je me suis dit que lui associer un petit bébé, ça pourrait donner une histoire rigolote.

C’est vrai que vous déployez, tout au long du manga, un talent burlesque évident qui semble à la base de votre travail. Pensez-vous poursuivre dans cette veine dans vos prochains projets ?

C’est en tout cas quelque chose que j’ai envie de lire dans un manga et, du coup, j’ai l’impression de devoir faire des choses allant dans ce sens. Si j’arrive à continuer dans cette veine, à explorer les concepts que j’ai mis au point avec Beelzebub, sur lesquels j’ai travaillé jusqu’à présent, en améliorant encore ce sens du burlesque, je serais vraiment ravi.

Affrontement au sommet entre Baby Beel et Koma pour déterminer qui des deux est le plus mignon !
T15 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Avez-vous des idées précises pour de futurs projets de publication ?

J’ai quelques idées en effet. Mais avant de les mettre en pratique je travaille d’abord sur des épisodes hors-série de Beelzebub, qui sont publiés de manière bimestrielle. Je m’y attèlerai de manière concrète une fois que j’aurai terminé ces hors-séries.

Il y a des personnages absolument géniaux dans Beelzebub : outre Oga et son bébé, il y en a un qui s’impose, à tous les sens du terme, au fil de la lecture : Furuichi, le meilleur ami du héros. C’est un personnage dont on l’impression qu’il prend le pouvoir dans le manga, par ses côtés absurdes et décalés. Inventer un tel personnage est-il une chance pour un auteur ou ne court-on pas le risque d’être comme débordé par sa puissance comique ?

Dans le cas de Furuichi, je n’ai jamais eu l’impression qu’il prenait trop de place ou qu’il tirait trop la couverture à lui. C’est un personnage particulier, certes, mais pas non plus envahissant. Dans le manga, Oga suit une progression au cours de laquelle il acquiert une force de plus en plus importante, surhumaine et inimaginable. C’était difficile de penser que Furuichi allait rester le simple copain tel qu’il était au début. Du coup, lui aussi évolue. Pas forcément dans la même direction qu’Oga, pas nécessairement de la même manière : dans une voie un petit peu « barrée », pour le dire vulgairement, mais il avait aussi besoin d’une progression.

Furuichi, l’absolu loser, dans tous les mauvais coups
T13 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Avez-vous pu finir le manga comme vous le souhaitiez ? Avec la fin originellement prévue ? Et avez-vous pu développer tous les aspects du manga que vous vouliez développer ?

Sur la fin en elle-même, j’ai fait exactement la fin que je pensais faire et j’ai arrêté le manga au moment où je voulais qu’il s’arrête. Cette décision a strictement relevé de ma propre volonté. Elle n’a pas découlé d’une pression ou d’un impératif émanant de la rédaction du Jump, si c’est le sens de votre question.

Cela dit je reconnais qu’à partir du moment où l’on a précisément décidé de la date à laquelle la série allait s’arrêter, il a fallu boucler l’histoire de la meilleure des manières possibles par rapport à ce que je voulais mettre encore à l’intérieur ; et peut-être n’y suis-je pas bien parvenu. Certains lecteurs ont peut-être eu l’impression que ma série avait été arrêtée en dehors de ma responsabilité, mais ce n’est pas le cas, je vous l’assure. S’ils ont pensé cela, c’est sans doute que je manque de technique ou de savoir-faire pour finir un tel projet.

Quelles sont les raisons de cet arrêt alors ? Une forme de lassitude ? Vous aviez l’impression d’avoir fait le tour de l’univers ?

Il y a bien sûr beaucoup d’autres choses que j’aurais aimé raconter concernant l’univers de Beelzebub, des choses dont j’aimerais encore parler. Mais concernant la relation entre Oga et Baby Beel, qui est un peu le point de départ de la série, et son cœur en fin de compte, il n’y avait plus vraiment d’évolution possible. Il fallait que ça se termine et c’est cela que j’ai essayé de boucler.

J’avais encore des choses à raconter, mais plus de nécessité d’utiliser Oga et Baby Beel pour les raconter, c’est là qu’était le souci. J’avais fait le tour. Mais peut-être que, pour le reste de l’univers, ça viendra dans un autre manga, mais ça ne pouvait plus être celui-là.

Malgré les apparences et la tonalité globale, la relation entre Oga et Baby Beel constitue le coeur du propos
T13 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Du coup, vous n’êtes pas dans la logique des séries-fleuve qui dominent pourtant le marché au Japon actuellement, notamment chez Shueisha.

Personnellement je n’ai pas la sensation que ce fut une période courte. J’ai même l’impression que ce fut particulièrement long ! Mais par rapport à M. Masashi Kishimoto ou à M. Eiichiro Oda par exemple qui font eux des séries très longues et qui ont, eux, des raisons pour continuer leurs séries, cela semble, il est vrai, plus court.

Mais déjà, j’estime que j’ai eu une véritable chance de pouvoir faire une série en 27-28 tomes. Qu’on m’ait donné tout ce temps, c’est déjà formidable. Je suis content d’avoir pu disposer comme je le voulais de ce temps, d’avoir pu m’arrêter quand je le voulais et de pouvoir à présent passer à autre chose.

Quels sont les mangakas, passés ou présents, que vous admirez, dont vous avez pu vous inspirer ou dont vous vous inspirez encore ?

Il y en a beaucoup. Mais je citerai notamment M. Akira Toriyama d’abord, M. Toshihiro Togashi ensuite. Ce sont des auteurs que j’ai lus lorsque j’étais jeune et ils occupent donc une place particulière pour moi. Et parmi les références de cette période de ma vie, il y a aussi le manga Emblem of Roto de M. Kamui Fujiwara (également invité de Japan Expo 2014, NDLR).

Les Yonkoma sur Dragon Quest, dont vous parliez plus tôt, étaient-ils liés à cet intérêt ?

J’ai beaucoup joué à Dragon Quest, le jeu vidéo. Ma passion est d’abord liée au jeu ! Mais il faut aussi savoir que le Shonen Gangan est un magazine qui, à l’origine, s’appuie sur la notoriété de Dragon Quest et des mangas qui en sont tirés. Donc pour moi, à l’époque, lisant le Shonen Gangan et aimant Dragon Quest, c’était naturel d’essayer de faire des yonkoma avec des personnages de Dragon Quest.

Une référence à Dragon Quest !
T17 BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

Quels sont les auteurs actuels du Shonen Jump que vous admirez particulièrement ?

J’ai beaucoup d’admiration pour M. Eiichiro Oda (auteur de One Piece, NDLR), M. Masashi Kishimoto (auteur de Naruto) et M. Mitsutoshi Shimabukuro (auteur de Toriko). M. Yoshihiro Togashi aussi bien sûr puisqu’il vient de reprendre Hunter x Hunter. Enfin M. Osamu Akimoto, l’auteur de Kochikame [3].

De notre côté, nous avons l’impression d’observer une parenté entre votre travail et celui de M. Kento Shinohara sur Sket Dance, dans la recherche de l’absurde et la caractérisation de personnages au potentiel à la fois comique et émouvant.

M. Kento Shinohara et moi, avons débuté ensemble dans le Jump et effectivement, étant de la même génération en plus, on a très certainement subi les mêmes influences. Et développé un même goût pour ces situations et personnages absurdes.

Connaissez-vous un peu la bande dessinée occidentale ?

Je suis un peu triste de devoir avouer être assez ignare en la matière. Mais il se trouve qu’avec cette venue en France, et suite à différentes rencontres et diverses discussions, je repars avec une très forte envie de m’y intéresser et de me plonger dans cette autre culture de la bande dessinée.

Une dernière question à M. Monji : M. Tamura était-il un auteur facile à gérer ?

M. Monji:En tant que responsable éditorial, on ne peut pas dire que M. Tamura soit un auteur difficile à gérer, bien au contraire ! En 5-6 ans de publication hebdomadaire, il n’a jamais été en retard. Par ailleurs c’est quelqu’un qui n’est absolument pas caractériel. Ce n’est pas quelqu’un chez qui j’allais en me demandant ce qui m’y attendait, comment j’allais bien pouvoir être accueilli. Enfin, quand on faisait les discussions éditoriales, cela se passait toujours de manière franche et cordiale. Il me soumettait ses idées et s’il arrivait à me convaincre on allait dans son sens sans qu’il y ait le moindre problème.

Merci à Thibaud Desbief pour la traduction lors de cet entretien.

Page couleur célébrant les trois ans de publication
BEELZEBUB © 2008 by Ryuhei Tamura / SHUEISHA Inc.

(par Aurélien Pigeat)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

[1Pour comprendre le système de publication du Weekly Shonen Jump, voici quelques repères. L’hebdomadaire est numéroté de 01 à 52 chaque année, de novembre à novembre. Pourtant, il n’y aura que 48 parutions, 4 numéros ayant une double numérotation. Il s’agit des numéros précédant une semaine de vacances durant laquelle il n’y aura pas de publication. Ces quatre semaines de pause sont pour Noël et le Nouvel An, pour la Golden Week en mai et enfin pour O-Bon en août.

[2Manga mettant en scène des jeunes délinquants.

[3De son vrai titre Kochira Katsushika-ku Kameari kōen-mae hashutsujo, abrégé en "Kochikame", le manga d’Osamu Akimoto est une série culte au Japon. Débutée en 1976 dans Le Jump, elle est toujours en cours, dans le même magazine, presque 40 ans plus tard. Un record de longévité.

 
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3 Messages :
  • pourquoi ce manga ce fini t’il ?
    c’est le meilleur mangas pour moi , serait t’il possible qu’il y ai une suite ( je l’espère..)

    Répondre à ce message

    • Répondu par Aurélien Pigeat le 16 décembre 2016 à  19:07 :

      Bonjour,

      M. Tamura répond à vos questions dans l’entretien : il dit que l’arrêt de la série résulte d’un choix personnel et non d’une contrainte de son éditeur. Il explique cela par le sentiment d’avoir fait le tour de la relation entre Oga et Baby Beel, qui était pour lui le cœur du manga.

      On peut cependant s’interroger sur cette fin. Comme souvent dans les séries du Jump qui s’inscrivent sur la durée, il y a un sentiment de frustration car de nombreux développements possibles semblaient avoir leur place dans le manga. Mais il y avait certainement aussi un phénomène d’usure, chez le mangaka, dans le manga et auprès des lecteurs, sinon l’éditeur aurait davantage poussé pour que le manga se poursuive.

      Pour ce qui est des suites, M. Tamura a réalisé quelques histoires courtes autour du manga (il en parle dans l’entretien) et a tenté complètement autre chose l’an dernier, sous la forme d’une one-shot qui n’a pas dû convaincre, car nous n’en avons pas eu de nouvelles depuis.

      Reste l’univers de Beelzebub, que M. Tamura n’exclut pas de reprendre plus tard, mais pas suivant la perspective de la relation entre Oga et Baby Beel. Si M. Tamura ne parvient pas à lancer une nouvelle série, on peut imaginer qu’il reviendra vers Beelzebub...

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