Ulysse Nobody : itinéraire d’un fasciste ordinaire

Par Philippe LEBAS le 26 février 2022

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Ulysse Nobody : itinéraire d'un fasciste ordinaire

On vous en parlait à propos de "Aux portes du palais" : la proximité des élections est propice à la floraison d'albums à teneur politique. Dans "Ulysse Nobody", Gérard Mordillat et Sébastien Gnaedig livrent le leur, autour d'un acteur raté qui veut devenir quelqu'un. Comment ? En devenant une figure de proue d'un parti fasciste, quand bien même rien ne l'y préparait.

Subissant un air vicié par la montée de l’extrême droite depuis plusieurs décennies, on ne s’étonne plus de rien. C’est le parti pris par Gérard Mordillat pour dresser le portrait d’un acteur qui vient de perdre son travail (il faut dire qu’il avait fait ce qu’il fallait pour cela) et qui, pour ne pas se noyer, trouve sa voie... dans le fascisme. Ulysse Nobody, son nom le dit, est en quête, voulant à tout prix être quelqu’un.

Ulysse Nobody : itinéraire d'un fasciste ordinaire

Si l’intrigue est au final assez mince, elle a le mérite de conter habilement un itinéraire, qui pour étonnant qu’il soit, existe bel et bien. La bascule peut en effet se faire assez vite comme en témoignent certains exemples. Gérard Mordillat a d’ailleurs repris le nom (et un peu l’itinéraire) de l’acteur et animateur Franck de Lapersonne, qui s’est lui-même engagé auprès de Marine Le Pen, puis de Florian Philippot, avant de fonder son propre mouvement, La Gauche patriote [sic !]. Néanmoins, si cette bascule peut être rapide, elle ne s’opère pas tout à fait au hasard, ni sur un simple coup de tête. C’est une lente infusion qui a rendu la tentation fasciste acceptable pour certains. On aurait aimé que cela soit plus creusé dans cet album.

Pour illustrer ce personnage, Sébastien Gnaedig a imaginé un personnage assez bonhomme, un peu rond et tout à fait quelconque. Les belles couleurs de Francesca et Christian Durieux le rendent quasi transparent dans certaines cases et confèrent une certaine douceur à un album dont l’histoire est pourtant tragique, comme l’annonce dès le début la très belle couverture.

De fait, comme le dit le pitch de l’ouvrage, toute ressemblance avec la réalité ne saurait être fortuite. C’est d’autant plus troublant qu’au moment où cet album a été pensé, la candidature qui semble avoir le vent en poupe actuellement ne devait pas encore être d’actualité.

Nos deux auteurs ont donc bien su capter cet air du temps, mais leur personnage pour possible qu’il soit, reste sans doute assez atypique et ne nous permet pas pleinement de comprendre pourquoi le fascisme fait vendre et est un produit d’appel, comme le dit justement Gérard Mordillat [1].

(par Philippe LEBAS)

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