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Rencontre avec Thomas Cadène, Joseph Safieddine, et Pierre Thyss autour de leur nouvel album « À Pleines Mains » [INTERVIEW]

Par Marlene AGIUS le 25 février 2022                      Lien  
Une pinte et trois Ricards partagés avec le duo scénaristique Cadène-Safieddine et l’illustrateur Pierre Thyss autour de leur nouvel album « À Pleines Mains ». Sorti chez Dargaud le 13 février, c'est une bande dessinée érotico-nostalgique avec gags, romance et licorne bicéphale dans une ambiance pop délirante.

Ensemble, ils ont créé À Pleines Mains, dont la couverture rose bonbon peut nous faire croire qu’il s’agit d’un album jeunesse, mais dont le personnage central, en plein plaisir solitaire, nous dissuade de cette même opinion. Joseph Safieddine et Thomas Cadène sont désormais connus pour leurs collaborations à travers plusieurs médiums : Été sur Instagram, Fluide en BD et en série sur Arte, BFF sur Webtoons. Pierre Thyss, illustrateur ayant collaboré à plusieurs médias, illustre ici sa deuxième bande dessinée.

Pablo, puceau trentenaire, est propriétaire d’un sex-shop qui coule sous les dettes. Forcé de mettre la clé sous la porte, il revient chez ses parents et redécouvre sa vieille chambre d’ado. Pablo redonne alors vie à ses fantasmes adolescents, dont Gudrun, guerrière virtuelle. C’est alors qu’une idée le saisit : créer un espace qui, selon chaque client, deviendrait un déclencheur de souvenirs sexuels, un combustible de fantasmes perdus. Mais quel sera l’effet de cette start-up sur la vie de Pablo ?

 Rencontre avec Thomas Cadène, Joseph Safieddine, et Pierre Thyss autour de leur nouvel album « À Pleines Mains » [INTERVIEW]
À Pleines Mains - Joseph Safieddine, Thomas Cadène, Pierre Thyss © Dargaud

Quel était l’élément déclencheur pour écrire cette histoire ?

Safieddine : En général, nos processus d’écriture partent de conversations réelles entre nous, ici sur le fait d’avoir un espace d’intimité.

Cadène : C’est une question éventuellement problématique dans le couple, puisque c’est une sexualité universelle qui reste encore assez taboue. On a trouvé que c’était un bon chemin pour évoquer ce que l’on a de cellules privées sans jugement et sans regard des autres. Au-delà de la question sexuelle, il s’agit de savoir ce qui se passe dans nos têtes, où chercher dans l’imaginaire.

C’est une BD difficile à catégoriser. Elle est souvent imbibée de nostalgie, mais elle est aussi érotique, comique, pathétique. Dans quel genre la classeriez-vous ?

Thyss : Je ne pense pas qu’il y ait de genre spécifique, je pense qu’on a créé une BD assez originale.

Cadène  : C’est ce qu’on a essayé de faire. Le seul genre serait "comédie romantique", dans la construction du récit. C’est un système narratif assez connu, mais aussi rassurant, grâce auquel on peut mieux ouvrir les veines de l’imaginaire. En réalité, on parle assez peu de sexe. On le montre car c’est là que tous les sujets vont s’exprimer, mais on parle d’une autre réalité derrière les fantasmes, celle d’un amour disparu, d’une jeunesse vécue…

Safieddine : C’est proustien ! J’espère seulement que les gens ne vont pas directement ranger l’album dans un rayon X. Il y a des moments peu ‘trash’, mais ça reste sensuel.

Y a-t-il eu des choses que vous vous êtes interdites par pudeur ?

Cadène : Pas du tout. Le propos, ce n’est pas d’être ultra trash, au risque de perdre le fil de l’histoire. Ça relève aussi du réel, pas d’une recherche de performance ultra-explicite. Il faut que chacun soit bienvenu, sans forcément qu’il s’y retrouve, et sans distinction de génération : il peut y avoir des gens très coincés à 30 ans et libérés à 80.

Thyss : Ce n’était pas tant le fait de se censurer plutôt que de rendre le récit appréciable par tout le monde, peu importe le genre ou l’orientation, puis par ceux qui ne sont pas de grands consommateurs de BD française.

On a du mal à imaginer ce récit avec un trait autre que celui de Pierre Thyss, genre de pop ultra colorée et arrondie. Avez-vous construit l’histoire aussi selon le trait de Pierre, ou avec un style spécifique en tête ?

Safieddine  : L’histoire était signée et a commencé avec un autre dessinateur qui a quitté le navire, il a donc fallu faire le deuil de l’ancien projet. On a passé beaucoup de temps à trouver un nouveau dessinateur.

Thyss : En effet, l’autre dessinateur avait entamé une version plus légère, sur une autre ambiance. Il nous a laissé son storyboard, sur lequel je me suis appuyé au début de l’histoire, et duquel je me suis détaché quand j’ai commencé à prendre confiance. Ce qui a aussi convaincu dans mon travail, c’était le côté indépendant américain, qui est quelque chose que je n’ai pas souvent l’occasion de faire.

Cadène : Le style de Pierre est devenu une évidence. Le ton a changé sous son trait et nous a imposé une forme de réécriture, notamment les scènes de sexe.

À Pleines Mains - Joseph Safieddine, Thomas Cadène, Pierre Thyss © Dargaud

Joseph et Thomas, y a-t-il une continuité dans tout ce que vous avez écrit ensemble, notamment à propos de sexualité ?

Safieddine : Ce sont des projets qui évoluent sur la durée, alors on ne peut pas penser à cette continuité sur des années.

Cadène : Nous n’avons pas eu l’intention de créer un fil conducteur, mais ce sont des projets qui se montent dans la même période. C’est comme ce qui ressort d’une longue conversation. Les thèmes récurrents entraînent des idées, jusqu’à ce qu’on garde un thème qu’on veuille creuser, parfois de manière inattendue. Parmi des conversations drôles, on peut en découvrir une plus riche que ce qu’on attendait ; et au contraire, de temps en temps, tenir des conversations sérieuses qui deviennent des histoires lourdes comme le plomb.

C’est une BD très musicale, on y entend beaucoup de titres particulièrement durant les scènes de fantasme. Était-ce un élément important pour vous de donner une BO à l’album ?

Thyss : À la base, Pablo était décrit comme un métalleux, mais en termes de droits d’image des groupes, impossible. J’ai gardé l’esprit, inventé des faux groupes et des faux t-shirts. Il y a évidemment beaucoup de souvenirs adolescents liés à la musique, ça sert aussi à placer l’époque. J’ai placé, par exemple, Jacno dans une séquence, et il fallait faire attention que les paroles collent bien avec la scène.

Cadène : C’était un hasard, mais c’est vrai que notre processus d’écriture se fait toujours sur fond musical.

Y a-t-il eu des passages difficiles à dessiner ?

Thyss : C’était globalement un défi. J’ai grandi dans la BD et j’en avais fait plus jeune, mais je ne me voyais pas dessinateur de BD professionnel. Je suis illustrateur indépendant depuis 2012, et j’ai appris la construction d’une bande dessinée en travaillant en 2020 sur ma première BD, Traducteurs Afghans (Scénario de Quentin Müller et Brice Andlauer chez Boite à Bulles). Pour À Pleines Mains, j’étais plus à l’aise. Pourtant, ça restait un gros challenge chez un grand éditeur, avec beaucoup de pression - mais qui poussait à la créativité. À part la chambre, que je suis habitué à dessiner, il y avait beaucoup de décors inhabituels et des objets très spécifiques. C’était intéressant de travailler avec un trait qui évolue de manière empirique.

À Pleines Mains - Joseph Safieddine, Thomas Cadène, Pierre Thyss © Dargaud

(par Marlene AGIUS)

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Code EAN : 9782205084788

Dargaud ✍ Thomas Cadène ✍ Joseph Safieddine ✏️ Pierre Thyss érotique Humour Romance France
 
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6 Messages :
  • Dargaud est capable du meilleur comme du pire. Là, on a le pire.

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    • Répondu par largorespighi le 1er mars 2022 à  15:40 :

      Haha. Non, ce n’est pas si terrible. C’est une lecture facile. Il faut lire les livres avant de les commenter !!

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      • Répondu le 1er mars 2022 à  18:25 :

        Si les intervenants lisaient les livres avant de les commenter, il y aurait moins de commentaires

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        • Répondu le 2 mars 2022 à  06:49 :

          Pour acheter des livres et les lire, il faut un coup de cœur au premier regard. Cet album ne provoque pas ce coup de cœur. Les éditeurs devraient mieux choisir leurs produits plutôt que de tout publier en espérant qu’une pépite sortira du lot.

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        • Répondu par Milles Sabords le 2 mars 2022 à  08:30 :

          Si c’est juste pour commenter "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", un forum de débat n’a pas d’intérêt car il ne sert pas à faire exclusivement de la promo. Les sites des éditeurs s’en chargent très bien.

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      • Répondu le 1er mars 2022 à  18:27 :

        Cet album n’a rien pour lui, c’est du Simpson, mais en moins bien. Et la couverture, aaargh ! Horrible ! Il y a des albums bien plus intéressants à acheter.

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