Et l’île s’embrasa - Par John Vasquez Mejías - Éd. Ici-bas

En 1898, l’histoire de Puerto Rico et Cuba semblait toute tracée : l’indépendance était enfin au bout des doigts après une longue guerre d’extermination menée par l’armée espagnole, et les républiques sœurs de la Caraïbe hispanique allaient finalement voir le jour. Mais c’était compter sans le consentement de la toute nouvelle puissance impériale de la région... En moins de trois mois, la USA Navy envahit les deux îles et les plaça sous son contrôle. Cuba échappa de justesse à l’annexion (suite à un vote au Congrès), mais Puerto Rico fut depuis placée sous administration militaire d’abord, puis sous le statut paradoxal, ”d’état librement associé”.

Depuis, la culture, la langue et l’indépendance de Puerto Rico ont été au cœur de la vie sociale et politique de cette nation caribéenne. À l’automne de l’année 1950, les tensions atteignirent leur paroxysme.

Et l’ile s’embrasa. John Vasquez Mejías. Ed Ici bas.

En 1947, après onze années passées dans les geôles Américaines, Pedro Albizu Campos, Le professeur, comme l’appellent affectueusement toujours les Portoricains, était de retour dans sa patrie avec un seule idée en tête, celle-là même qui l’avait fait passer une décennie sous les barreaux : détrôner le gouvernement d’occupation et proclamer l’indépendance. Pendant plusieurs années, il s’attela à la tache en créant un vaste réseau de résistance, le Parti Nationaliste Portoricain.

Une insurrection armée qui tentait de renverser le joug colonial chercha même à toucher au cœur de l’empire étasunien en commanditant l’assassinat du président Harry Truman….

Et l’ile s’embrasa. John Vasquez Mejías. Ed Ici bas.

Cette histoire, largement méconnue en Europe et presque niée par l’administration américaine, nous parvient aujourd’hui, après de nombreuses années de travail, entièrement gravée sur bois, dans de beaux livres d’une confection artisanale en sérigraphie, conçue par les éditions Ici bas. Son auteur John Vasquez Mejías s’inscrit dans la lignée esthétique des grands graveurs mexicains tels Gahona ou Posada.

La gravure semble pour cetains être devenue un vrai médium pour aborder des récits politiquement engagés pour les causes populaires. La technique, complexe, demande une grande expertise. Elle offre, en contrepartie, un éventail considérable de solutions pour le pathos et drame psychologique.

Dans Et l’île s’embrasa, Vasquez Mejías propose une narration précise des événements de la révolte de 1950. Elle permet de découvrir un épisode largement méconnu, tout en abordant une "grammaire" (graphique et verbale) spécifique aux récits épiques et au tragédies, d’où émergent des personnages héroïques, destinés après leur mort, à intégrer les panthéons nationaux.

Et l’ile s’embrasa. John Vasquez Mejías. Ed Ici bas.

Court et poignant, ce premier album du jeune auteur boricua ne nous laisse pas de doutes quant à son aptitude pour le 9e art : tempo bien réglé, compositions alambiquées mais fluides, phylactères aussi artisanaux que le travail des planches. A la lecture, on est imprégné du souffle de son récit et déjà dans l’attente de son prochain roman graphique.