En pleine saison des pluies, le protagoniste parcourt les rues de la capitale du Vietnam en pleine expansion et nous décrit ses impressions, ses ressentis et les différences qu’il découvre, parfois modestes, parfois colossales, vis-à-vis de la France, dans un registre simple, dénudé de présomptions, mais efficace.
Il dépeint ses flâneries culinaires avec de belles aquarelles aux tons chauds, laissant la priorité aux couleurs pures afin de créer des compositions simples et des scènes pleines de calme, sans phylactère traduisant le chaos engendré par les motards, les klaxons ou les habitants. Bien que les détails soient retranchés des images, l’auteur parvient à traduire les contrastes d’une ville moderne, tumultueuse, parfois pauvre, avec une végétation luxuriante qui, occasionnellement, donne lieu à des “jungles vertes” au cœur même de la jungle de béton.
Chaque jour, vers la fin de l’après-midi, un orage éclate sur la cité asiatique et notre voyageur tente de mettre à profit ces instants pour trouver refuge dans l’un des innombrables bistrots de la capitale. C’est à ce moment qu’a lieu le deuxième orage du jour : celui de la cuisine vietnamienne douce et parfumée, qui surprend le narrateur en lui offrant à chaque plat des combinaisons insoupçonnées chaperonnées par les ingrédients inconnus de la région…
Voyageur curieux et sensible, il commence toutes ses rencontres en nous expliquant les éléments qui composent son repas, la préparation qu’ils ont subi, les odeurs et les saveurs qui en découlent. Avec son vocabulaire sans fard et précis, il parvient à donner une deuxième vie chez le lecteur aux mets populaires qu’il déguste. Des simples soupes à base de riz aux huîtres, en passant par les multitudes de viandes poivrées, il parvient à reconstruire les goûts familiers et les redorer d’un certain mystère, très alléchant.
La lecture se fait sur un rythme calme, avec de nombreuses planches souvent sans dialogues, afin d’employer avec adresse les codes de la BD pour transcrire la vie urbaine de Hô Chí Minh. Ce carnet de voyage est fait pour une lecture savoureuse du dimanche et fera saliver d’envie de connaître les secrets culinaires du Vietnam, même aux lecteurs farouchement végétariens comme celui-ci.
Le tout est parachevé avec une dizaine de recettes vietnamiennes conçues et imaginées par Linh Nguyen, sous-chef du restaurant double étoilé La Réserve de Paris, à la fin du roman.
(par Jorge Sanchez)
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Un orage par jour - Par André Derainne. Éditions Keribus. 200 pages - 24€ 90.