La Brute et le Divin - Par Léonard Chemineau - Ed. Rue de (...)

La Brute et le Divin - Par Léonard Chemineau - Ed. Rue de Sèvres

Par Louise Ageorges le 20 janvier 2024

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La Brute et le Divin - Par Léonard Chemineau - Ed. Rue de Sèvres

Avant de se consacrer pleinement à la bande dessinée, Léonard Chemineau était ingénieur et spécialiste de l'environnement et du développement durable. Son dernier ouvrage est une référence directe à cette formation initiale. Après plusieurs projets collaboratifs et solos chez Rue de Sèvres, Léonard Chemineau signe de nouveau chez cet éditeur avec "La Brute et le Divin". Avec cette BD, le dessinateur du plébiscité "La Bibliomule de Cordoue” s’attaque au lourd sujet de la transition écologique nous offrant un récit coloré, mais peu nuancé.

La Brute et le Divin nous raconte l’histoire d’Eva, ingénieure dans une grande entreprise, qui cherche un sens à sa vie. Lorsqu’une association se tourne vers elle pour mener un projet d’étude scientifique sur une île isolée du Pacifique sud, c’est le déclic : la jeune femme embarque dans l’aventure et prend avec elle Puce, sa chienne, dont elle ne peut se séparer.

La Brute et le Divin - Par Léonard Chemineau - Ed. Rue de Sèvres

Une fois sur l’île, Eva pêche, jardine et rationne, adoptant un nouveau mode de vie plus essentiel en contact avec la nature. Il n’est certes pas de tout repos, mais elle trouve rapidement son rythme et ses repères, même si la robinsonnade ne dure qu’un temps : un bateau vient de jeter l’ancre aux abords de l’île ; il appartient à Alphamet un groupe dédié aux technologies de transition écologique.

Chargés d’exploitation minière, les nouveaux voisins d’Eva se font de plus en plus envahissants, grignotant progressivement les fonds marins. La jeune femme est bien décidée à dénoncer ce scandale écologique, mais face au lobbyisme, difficile de trouver une oreille attentive lorsqu’on est perdu au milieu de l’océan.

S’il y a une chose que l’on ne peut pas enlever à cette bande dessinée, c’est la cohérence de sa production. Le papier et la couverture, ainsi que la totalité des goodies qui ont accompagné la sortie de l’ouvrage, sont entièrement constitués de papiers recyclés. Les encres utilisées sont végétales, les exemplaires abîmés sont réparés puis revendus, l’éditeur allant jusqu’à nous préciser le régime végétarien de l’auteur. Sur la forme, la visée écologique de La Brute et le Divin ne laisse pas de place au doute, mais qu’en est il du fond ?

Comme nous laissait envisager son passé d’ingénieur, Léonard Chemineau maîtrise son sujet et nous livre une bande dessinée particulièrement référencée. Écran basse consommation, LED, moteur de voiture électrique, les énergies vertes ont un prix qui se paye directement dans les mines terrestres et sous-marines riches en métaux rares et précieux. L’ouvrage est une bonne manière d’aborder la transition écologique dans toutes ses contradictions. Le récit reste factuel et pédagogique offrant une première grille de lecture pour les plus jeunes et publics moins avertis.

Après sa magnifique collaboration avec Lupano sur La Bibliomule de Cordoue, nous n’en attendions pas moins du dessin de l’auteur pour ce nouvel ouvrage. Les couleurs vives subliment la nature sauvage qui entoure Eva nous faisant presque oublier son hostilité. Les fonds marins sont époustouflants à l’image de la cathédrale de corail rouge qui orne la couverture de l’album. Léonard Chemineau nous offre un voyage immersif et coloré qui donnerait presque envie d’embarquer pour la grande aventure.

La Brute et le Divin est également un récit survivaliste, une forme contemporaine de robinsonnade grisante et captivante. Notre héroïne se retrouve vite en difficulté sur l’île, mais parvient toujours à rebondir dans des phases de tension assez prenantes à la lecture.

Malheureusement, nous n’avons que peu d’informations sur Eva. On ne sait rien de son passé, de ses proches ; difficile dès lors de s’attacher à elle ou même de s’y identifier. Son personnage existe par opposition aux grands méchants de l’histoire, tous campés sur Alphamet. Une binarité qui dessert la profondeur des protagonistes et du récit.

Ouvrage exemplaire dans la forme, riche des magnifiques illustrations de Léonard Chemineau, ce roman graphique écoresponsable est porteur d’un message politique fort. Malheureusement, face à un sujet des plus complexes, la BD n’aborde qu’en surface une problématique pourtant très bien référencée par l’auteur. Le récit laisse à peine entrevoir la violence, la corruption et les injonctions du milieu livrant un propos peu nuancé qu’on aurait souhaité emmener plus loin.