C’est un joli coup, au départ bien contrarié : tout était prêt pour avril 2020, les cartons d’invitation avaient été envoyés. Et puis paf ! La maudite pandémie obligea le Chat à retourner au panier. Pendant un an, il fit le gros dos, attendant que l’orage passe. Et là, aux premières lueurs du printemps, un certain Premier Ministre annonça qu’il « sera possible de sortir de chez soi pour se promener, s’aérer ou faire du sport, en journée… » Il le recommandait même. Le Chat comme Philippe Geluck se mirent à boire du petit lait. Les vingt statues de bronze rangées depuis un an dans un hangar en Belgique prirent le chemin de Paname.
Nous les avons vues hier, sur les Champs, face au Grand Palais, en train d’être installées, tandis que Geluck recevait les journalistes sous un soleil radieux. Nous l’avons bien évidemment interviewé pour vous (publication dans la journée).
Il rappela l’objectif de cette opération : ces statues sont en vente (16 sur 20 ont d’ores et déjà trouvé preneurs) et le produit de cette vente viendra abonder le financement d’un « Musée du Chat » qui devrait s’ouvrir à Bruxelles dans les prochaines années. Nous aurons certainement l’occasion de vous en reparler, d’autant que ces statues sont destinées à voyager dans d’autres villes de France.
Et puis nous sommes aussi allés visiter la Galerie Huberty-Breyne, avenue Matignon qui ne pensait pas profiter d’une aussi belle aubaine : Geluck a mis à profit le confinement obligé pour peindre, dessiner, concevoir. Faire œuvre. Les œuvres sont à l’image de l’artiste : drôles, parfois impertinentes, gentiment interpellantes, et surtout pleines d’esprit. Et toutes, ici, relatives à l’art, à la création et quelquefois à la bande dessinée.
Imposture ?
Évidemment, l’opération essuie des critiques. « La ville de Paris offre une pub gratuite à Casterman en installant des PLV géantes. Geluck a surtout le talent des relations publiques… » peut-on lire dans notre forum. Un autre écrit : « De l’art, tout de suite les grands mots. » Voici ce qu’en pense Ronan Lancelot, le directeur de la succursale parisienne de Huberty-Breyne Gallery : « Geluck n’a plus besoin de promo. Pour moi, le Chat a depuis longtemps dépassé le domaine de la bande dessinée. C’est devenu une icône, un personnage populaire. On le voit bien avec les gens qui passent dans la rue et qui essaient de voir ce qu’il a dans la galerie [fermée. NDLR]. Donc, de la publicité, il n’en a plus besoin. En revanche, Philippe a envie de montrer et de partager. De ce point de vue-là, mettre des statues sur les Champs-Élysées est une chose et montrer que derrière, il y a tout un travail qui part du papier en est une autre. Cela permet de montrer qu’il travaille sur papier, qu’il peint sur toile, qu’il y a des formats différents de sculptures, des multiples… Dans tous les budgets, on peut trouver quelque chose. Pour moi, c’est très cohérent. Il n’y a pas d’imposture à partir du moment où l’artiste est sincère. Il se trouve que le public répond. Il n’y a pas de « posture » chez Philippe Geluck, au contraire. Tout le monde achète Geluck : des amateurs d’art, des gens qui ont envie de rigoler, tout le monde achète du Geluck aujourd’hui. C’est surprenant. »
De l’art ?
Est-ce que nous sommes dans l’art ? Il nous semble que la BD revendique la 9e place... « C’est de l’art où dans la mesure les gens en face pensent que c’est de l’art, répond le galeriste. Le plus important, c’est de susciter de l’émotion. Et la grande force de Geluck, c’est ça. Son Chat suscite des émotions, en 2D comme en 3D, à l’acrylique comme au crayon. C’est là qu’il est plus fort que tout. Le Chat est devenu un symbole. Tintin, si ce n’est pas dessiné par Hergé, ce n’est pas Tintin. Le Chat si ce n’est pas dessiné par Geluck, ce n’est pas Le Chat mais par contre, il peut prendre plein de formes dessinées par Geluck, et ça c’est très fort. »
Et de fait, la galerie (jusqu’à ce qu’une ouverture au public soit possible, en attendant, dès vendredi, on peut la visiter en 3D sur le site de la galerie) est le véritable prolongement de la sarabande des statues sur les champs.
Laquelle a fait l’objet d’un bel album chez Casterman : Le Chat déambule. Réalisé avec la collaboration à l’écriture avec le journaliste Jean-Claude Loiseau, longtemps chroniqueur BD à Télérama, et Thomas Van Den Driessche pour les photographies, il détaille, avec les commentaires de l’artiste, l’élaboration des 20 statues, de l’intention artistique à sa concrétisation.
En prime, un chapitre sur l’humour et l’absurde dans l’art lesquels jouent un rôle central dans l’art contemporain, de Duchamp et Dada jusqu’à la banane de Maurizio Cattelan ou le « Plug » de Paul McCarthy. Avec Philippe Geluck, les cours d’Histoire de l’art s’annoncent plus drôles.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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"Le Chat déambule" - Exposition sur les Champs-Élysées du 26 mars (inauguration à 11 heures) au 9 juin 2021.
"Le Chat à Matignon" - Huberty & Breyne Gallery - 36 avenue de Matignon - 75008 Paris - Du 26 mars au 5 juin 2021 - LE SITE INTERNET DE LA GALERIE
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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