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Xavier Cucuel : "À vous Cognacq-Jay !" parodie les grandes émissions de la télévision"

Par Charles-Louis Detournay le 10 mai 2010                      Lien  
L'éditeur de la collection Humour de Rire chez Delcourt a dirigé cette évocation des grandes heures de la télévision. Il en a aussi scénarisé quelques passages, mais on y retrouve également Davodeau, Al'Covial, Barral, Rocco, Pierre Veys, Philippe Larbier, etc.

Expliquez-nous le principe de ce collectif ?

Un jour, en déjeunant avec Guy Delcourt, nous évoquions quelques émissions cultes de notre jeunesse. On échangeait donc nos meilleurs souvenirs, et en fin de repas, nous nous sommes dit que nous pouvions en faire un album pour passer en revue les émissions les plus cultes. Bien sûr, nous ne pouvions passer outre les parodies que Gotlib avaient déjà réalisées dans divers albums et revues, comme Mission impossible ou Chapeau melon et bottes de cuir, mais personne n’avait jamais vraiment dédié un album complet ou une série à la parodie télévisuelle.

On a effectivement pu retrouver des parodies d’émissions dans “Pilote” ou d’autres revues, mais avec un regard contemporain. Est-ce que ce recul teinté de nostalgie caractérise votre angle de vue ?

D’abord, beaucoup d’émissions n’avaient pas été abordées précédemment. Puis, avec le temps, la nostalgie nous donne une vision assez tendre de ces moments télévisuels. Si nous devions porter un même regard si les émissions de 2010, on approcherait plus la caricature grinçante, voire sarcastique. Tandis qu’avec vos souvenirs d’enfants, c’est plutôt la tendresse qui prime. Bien sûr, nous avons demandé aux auteurs d’ajouter une pointe d’humour à ce regard sur le passé.

Xavier Cucuel : "À vous Cognacq-Jay !" parodie les grandes émissions de la télévision"
Créer des rencontres improbables pour rire de situations nostalgiques et décalées.

Ce collectif aborde des thématiques très diverses.

Nous n’avions pas donné de cahier des charges, sauf d’éviter la vulgarité. Nous voulions surtout nous enrichir de la personnalité des auteurs : difficile ainsi de demander à Étienne Davodeau d’être super-comique ou extrêmement trash. Dans ce cas-ci, on profite de sa sensibilité pour savoir ce qu’apportait La Séquence du téléspectateur. Avec Internet, cette émission qui présentait des extraits de films serait d’ailleurs inprogrammable à notre époque.

Vous vous adressez donc à un public qui a vu ses émissions dans les années soixante ?

Nous allons brosser progressivement les grandes émissions télés. Les années cinquante ne nous parlaient pas réellement, c’est pour cela que nous nous sommes concentrés sur des sujets qui nous étaient plus proches. D’ailleurs, la succession des tomes de la série nous permettra d’avancer dans le temps. Certains auteurs que nous avons contactés ont préféré attendre que les années soixante-dix et quatre-vingt soient mis à l’honneur, car cela leur correspondait mieux. Concernant le public, certaines séries comme les Incorruptibles ou Les Mystères de l’Ouest ont traversé les décennies. Des figures comme Maître Capello, Alain Decaux ou Léon Zitrone également. Donc, même si cela parlera plus aux quadras et autres, les lecteurs plus jeunes devraient s’y retrouver avec plaisir.

Dans le Francophonissime, on fait la découverte de Maître Capello et ses divergences avec Léon Zitrone.

Cet album fleure bon la France pré-mai 68 …

C’est la France du Général de Gaulle ! Il faut se rappeler qu’à l’époque, la censure est présente autant chez les journalistes que dans les magazines. Chaque numéro de Spirou ou Tintin était contrôlé par un comité, et Pif Gadget est encore considéré comme un journal communiste par la moitié de la France. On fait apparaître ce choc des cultures en plaçant Johnny Hallyday et Claude François au Petit conservatoire de Mireille. C’est la rencontre totalement imaginaire entre la musique des Yé-yés qui faisaient bouger les jeunes, et celle du regard de Mireille qui faisait l’apologie d’un genre très pépère.

Cet aspect jubilatoire apparaît aussi fort bien dans votre parodie de Thierry La Fronde ?

Cela a été un exercice difficile, car il faut s’adresser aux souvenirs du lecteur-téléspectateur. Or tout le monde se souvient du générique, mais personne n’a vraiment en tête ce que racontaient les histoires. En général, nous avons effectivement demandé aux auteurs de travailler sur leurs souvenirs plutôt que sur la documentation. Dans le cœur de l’émission, on perd l’essentiel car on n’évoque pas vraiment ce qui nous a marqué. Le souvenir de l’auteur permet donc de remémorer plus facilement le souvenir commun, et donc de donner du sens à son récit. En interrogeant dix personnes sur les Dossiers de l’écran, ils vous parleront tous de l’angoissante musique du générique. C’est donc cela qu’il faut traiter, sous peine de passer à côté de son sujet.

Même idée pour Alain Decaux : c’est la montée en pression qui a marqué les téléspectateurs !

Effectivement, il commençait doucement, puis finissait l’émission au sprint : impressionnant ! Pour revenir à Thierry La Fronde, les éléments marquants étaient ses collants ridicules, sa voix grave, sa super(grosse médaille que tous les enfants rêvaient d’obtenir, et sa fiancée Isabelle qui nous rappelle nos amours de jeunesse.

Vous avez également repris les caricatures d’époque !

Comme nous avions aussi été bercés par l’humour de Pilote, nous ne voulions pas en faire abstraction et nous désirions rendre hommage à Gotlib en publiant une de ses planches de l’époque, mais le projet ne l’a pas emballé. Les Hrandes gueules de Pilote qui ornaient les quatrièmes de couverture évoquent également cette époque ! Nous avons donc eu la chance que les trois grands caricaturistes que sont Mulatier, Ricor et Morchoine ont accepté d’être publiés. On retrouve donc dans ce premier album leurs très belles évocations de Pierre Tchernia, Guy Lux et Catherine Langeais, avant d’en découvrir d’autres dans le second tome à paraitre en novembre.

Il a fallu composer avec ces différents regards et ces différentes époques pour donner une cohérence à l’ensemble. Comment avez-vous travaillé ?

Même si les styles de dessin sont fort différents, on reste dans une certaine homogénéité graphique. J’ai aussi voulu que ce soit en noir et blanc lorsqu’on évoque l’émission de télévision, mais qu’on passe en couleur pour la vie réelle, comme l’évocation du quotidien de Jacques Legras, célèbre animateur de La Caméra invisible ! Nous avons donc validé les diverses étapes de chaque réalisation afin de maintenir cette homogénéité.

Que va-t-on pouvoir découvrir dans le tome 2, à paraître au mois de novembre ?

D’autres grandes émissions, comme Bonne nuit les petits. Nous voulons aussi mélanger les genres en provoquant des rencontres inattendues, comme Chapeau melon et bottes de cuir qui ‘participent’ à l’Eurovision ! Belphégor, le fantôme du Louvre, a aussi été une image marquante pour les téléspectateurs. Nous avons donc convié les commissaires Maigret et Bourrel (des Cinq dernières minutes) à enquêter sur ses traces. Puis, on reviendra sur les grandes séries animalières de l’époque : Skippy le Kangourou, Daktari et Flipper le Dauphin. Nous évoquerons également d’autres séries avec sept pages mettant en scène Le Prisonnier et scénarisés par Corbeyran.

Toujours une couverture de Sylvain Vallée ?

Il nous fait le plaisir de signer les couvertures de la série, sachant que le concept l’intéressait mais qu’il n’avait pas le temps de dessiner une séquence entière. Pour les thèmes de couvertures, nous faisons un croisement : Intervilles sera évoquée dans le second tome, alors la couverture de celui-ci reviendra sur une émission du premier album. Nous l’avons déjà reçue : elle est superbe, mais je vous en laisse la surprise !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Toutes les images sont © Delcourt.
Photo : © CL Detournay

 
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