« Il faudrait ici étudier ces gravures et montrer ce que cet art si clair et si fin de l’Extrême-Orient nous a appris de choses, à nous, Occidentaux, dont l’antique civilisation artistique se pique de tout savoir… » Ces mots, Émile Zola les écrivait en 1880 pour commenter l’influence des estampes japonaises sur les artistes de son époque. [1] La leçon a bien été retenue par la bande dessinée qui a su tirer parti, dès Christophe et sa Famille Fenouillard, contemporain du Japonisme français, de ce serti à la fois simple et documenté qui allait nourrir la manière franco-belge notamment quelques années plus tard la Ligne claire d’Hergé. Le Japon va célébrer ses 160 ans de relations avec la France à Angoulême avec trois expositions marquantes.
Trois Japonais
Avec une exposition Fairy Tail d’abord, en présence de son auteur, Hiro Mashima, dans le quartier jeunesse des Chais Magelis. L’événement est de taille. Publiée par Kodansha au Japon et par Pika en France, la série a été créée au Japon en 2006 et s’est achevée en 2017 comptabilisant plus de plus de 60 millions d’exemplaires vendus à ce jour.
C’est une série caractéristique du genre nekketsu (littéralement « sang bouillant ») avec ses personnages sexy vivant une aventure initiatique trempée de magie. Les fans découvriront le monde de Fiore, ses nombreuses guildes de magiciens et les différents thèmes qui parcourent la saga.
Avec l’exposition Osamu Tezuka, Manga No Kamisama, au Musée d’Angoulême, nous avons affaire ni plus ni moins au « Dieu des mangas » japonais, celui qui a en quelque sorte lancé l’industrie, un créateur à situer quelque part entre Hergé et Walt Disney. C’est la première grande rétrospective Osamu Tezuka en France avec plus de 200 originaux exposés.
Une jolie revanche pour celui qui s’était rendu en 1982 au festival d’Angoulême, reçu à l’époque par les organisateurs Pierre Pascal et Claude Moliterni dans l’indifférence quasi générale. Un auteur qui prit soin d’inviter Moebius à Tôkyô et qui a été un véritable ambassadeur de la bande dessinée franco-belge en France, préfaçant notamment les éditions japonaises d’Astérix pour en louer les qualités.
On saluera en particulier l’exposition L’Art de Naoki Urasawa à l’Espace Franquin. L’auteur de 20th Century Boys, Monster, Pluto, Master Keaton ou plus récemment Billy Bat, Naoki Urasawa (né en 1960) sera présent lui aussi à Angoulême dans deux rencontres très attendues.
Très influencé, comme Tezuka, par la culture européenne, primé deux fois à Angoulême (Prix de la Meilleure série en 2004 pour 20th Century Boys, Prix Intergénérations en 2011 pour Pluto), Naoki Urasawa est sans conteste un des meilleurs storytellers de sa génération.
Singapour, aussi
En dépit de cette forte et prestigieuse présence japonaise, le reste de l’Asie n’est pas oublié, et c’est une des grandes figures de la bande dessinée singapourienne contemporaine : Sonny Liew, dans les caves du Théâtre d’Angoulême. Né en 1974, le jeune auteur a du répondant : études de philosophie à l’université de Cambridge poursuivies par un diplôme de la Rhode Island School of Design. Publié chez Vertigo/DC Comics aux USA, ayant déjà sorti deux titres en français : Malinky Robot (Paquet) et The Shadow Hero (Urban China),il vient de publier chez Urban Comics Charlie Chan Hock Chye, Une vie dessinée, une version très personnelle de l’histoire récente de Singapour dont nous vous avons parlé dans nos pages, qui lui valut trois récompenses aux prestigieux Eisner Awards de San Diego.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] Émile Zola. Salons, recueillis, annotés et présentés par F. W. J. Hemmings et Robert Niess, Droz, Paris 1959.