Romans Graphiques

Faites sauter les chemises et les caleçons, Zelba signe la nouvelle collaboration Louvre-Futuropolis.

Par Louise Ageorges le 30 septembre 2023                      Lien  
Le Grand Incident paraît aux éditions Futuropolis, alimentant une fois encore sa coédition avec le musée du Louvres. C’est à la bédéiste allemande Zelba que cette carte blanche est confiée donnant naissance à un drôle de conte tout à fait contemporain. Si les dessins de nus peuplent déjà largement le compte Instagram et le blog de notre autrice, c'est avec humour et militantisme que cette dernière s’empare une nouvelle fois de ce sujet de prédilection.

Mais que font tous ces messieurs nus dans le plus grand musée parisien ? « - Une écharpe : oui, un slip : non merci ! » explique calmement une salariée armée d’un tract bien référencé. Tous les hommes de plus de 18 ans sont concernés, ce qui semble déplaire aux nuées de manifestants qui encerclent l’iconique pyramide de verre.

Le préambule attise tout juste notre curiosité, mais nous voilà déjà ramené six mois en arrière. Nos visiteurs ont retrouvé leurs habits mais tous et toutes ne peuvent pas en dire autant. Pour les statues dénudées et portraits de femmes malmenées, il ne reste que l’oreille attentive de Teresa, une femme de ménage sensible aux complaintes de ses acolytes faites de pierre et de peinture. Blagues lourdes et mains baladeuses les modèles ne sont pas épargnés par une pression du regard qui ne nous est pas inconnue. C’en est trop ! Si le drôle de duo occupant la présidence du musée reste sourd aux revendications de ses œuvres, il devra se débrouiller sans elles. Le Grand Incident a débuté.

Faites sauter les chemises et les caleçons, Zelba signe la nouvelle collaboration Louvre-Futuropolis.

L’intrigue met du temps à s’installer et pique notre curiosité dès les premières pages, rappelant par de nombreux aspects le roman graphique Musée de Christophe Chabouté. Paru chez Vent d’ouest, au printemps 2023, l’œuvre reposait cette fois sur une collaboration avec le Musée d’Orsay, l’auteur animant lui aussi portraits et bustes centenaires.

Si la question du nu en sculpture avait été abordée, elle se généralisait aux deux genres occultant ses enjeux plus militants. Zelba, en revanche, opte pour un dessin plus burlesque, comique rappelant les illustrations de son blog. Des personnages aux traits caricaturaux contrebalancent avec les reproductions fidèles des œuvres tout comme ces tracés de couleurs vives, toile de fond de protagonistes en noir et blanc.

L’histoire est un parallèle évident avec la sortie progressive de la crise COVID, au cours duquel Zelba rédige son ouvrage. En comparant ces deux “incidents”, l’autrice questionne les transformations sociétales, nos perceptions de l’autre, et notre capacité, ou non, à nous adapter au monde de demain.

Comme chez Chabouté on retrouve dans Le Grand Incident ce besoin de transmettre l’art, de le rendre accessible, lui redonner un rôle central tout en questionnant ses enjeux et sa place dans le futur. L’autrice donne notamment la parole à une conservatrice nous éclairant sur certaines thématiques problématiques récurrentes qui méritent qu’on s’y attarde. Zelba prend ici pour cheval de bataille la lutte contre les inégalités et l’hypersexualisation du corps féminin poussée en exergue dans les collections d’un musée centenaire. Des sujets pourtant lourds amenés avec légèreté, finesse et une bonne dose de pédagogie.

En revanche comme s’en excuse notre autrice dans la postface de l’ouvrage, « pour que l’histoire puisse fonctionner, je n’ai pu mettre en scène que des personnages cisgenre qui s’inscrivent dans la plus plate binarité », invisibilisant, par là-même, occasion une grande partie de la communauté queer. S’il est important d’insister sur ce point c’est parce qu’il soulève l’une des grandes limites de l’album, cette quête de simplification du récit. Si des sujets politiques forts sont avancés dans la BD, ils sont assez vite balayés par ce passage à l’absurde qui prête à sourire mais coupe court à la recherche de potentielles solutions plus crédibles.

En bref, s’il fallait décrire au mieux la démarche de notre autrice et le dessein de son ouvrage, la devise de cette dernière citée en postface semble particulièrement à propos « se confronter, réfléchir, transformer et partager. »

Si n’est pas encore venu le temps d’une nudité affirmée et décomplexée pour tous et toutes, l’autrice a le mérite d’éveiller/d’égayer les consciences avec une histoire loufoque et bien pensée.

(par Louise Ageorges)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782754834438

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Louise Ageorges  
A LIRE AUSSI  
Romans Graphiques  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD