Amabilia, la fin d’une belle aventure

Avouons-le tout de go, nous sommes très en retard dans la chronique de cet album paru en début d’année. C’est bien tout le souci de faire partager bénévolement sa passion : l’impact s’en fait ressentir en cas de souci personnel ou familial. Un fait que comprennent certainement les Raven, le couple d’auteurs qui signe Amabilia sous ce pseudo commun. Ils ont réalisé cette série de manière très professionnelle, mais en autodidactes, à côté de leurs "vrais métiers" comme le précise leur éditeur Nicolas Cartelet dans son introduction à cet ouvrage.

Si vous n’avez pas encore découvert ce qui reste à nos yeux comme la plus intéressante saga érotique et de société de ces dix dernières années, nous vous invitons à un petit retour en arrière en lisant la chronique des deux premiers tomes->art24020], puis du troisième opus. Attention, nous parlons ici des ouvrages cartonnés, parfois repris sous l’appellation d’intégrales des chapitres numériques.

Le premier tome papier regroupe les trois premiers épisodes numériques, tandis que le deuxième rassemble les épisodes numériques 4 et 5 tout en profitant de l’arrivée de Candice Solère, autrice érotique venue leur donner un petit coup de pouce. Publié dans le troisième livre papier, le sixième chapitre numérique était le plus dense (une centaine de pages), complété par une vingtaine de pages bonus. Ce septième chapitre (et donc le quatrième tirage physique) se compose presque de la même manière, sauf que les Raven terminent seuls leur saga au scénario et au dessin, comme ils l’avaient entamé sept ans plus tôt.

Scénaristiquement parlant, cette conclusion répond à toutes nos attentes. On continue à suivre les évolutions du couple des débuts, Simon et Iris qui s’étaient rencontrés à une soirée masquée, sans oublier tous les autres personnages qui ont construit au final cette saga chorale, évoquant les questions qui taraudent les générations actuelles, dans la recherche de l’équilibre entre le sexe et l’amour.

Comme cela a été le cas tout au long de ces sept années, les auteurs continuent à faire évoluer leur travail. Ici, l’objectif est de pouvoir comprendre les ressorts psychologiques des différents protagonistes. Pourquoi ont-ils agi ainsi dans les épisodes précédents ? Assument-ils leurs choix ou pas ? Trouveront-ils un point d’ancrage stable après leurs turpitudes vécues ? Sans tomber dans le pathos ni les prises de tête, ces questions que se posent les personnages, continuent à leur apporter de l’épaisseur, tout en nous renvoyant des réflexions plus qu’intéressantes, liées à nos choix de vie, fracturés entre notre raison et nos pulsions.

Concernant le dessin, les auteurs continuent d’expérimenter. Ils reviennent aux origines, à savoir leur hypnotique graphisme noir et blanc, ponctué ça et là d’une aguichante note de rouge. Puis ils vont venir progressivement la couleur, un apport narratif dont chaque lecteur trouvera le sens. S’agit-il de la passion amoureuse qui prend le pas sur l’amour charnel ? Ou du monde de la nuit qui cède sa place au grand jour ? Quoiqu’il en soit, le résultat séduit et continue de captiver.

La couleur s’invite progressivement...

En osant la carte des questions psychologiques et oniriques, les Raven prouvent avec ce dernier opus qu’on peut traiter d’érotisme sans accumuler les clichés pornographiques. Sans jamais tomber dans la facilité ni la vulgarité, ils achèvent une magnifique saga, qui restera longtemps comme un modèle du genre. La preuve : Les Grands Classiques de la bande dessinée érotique l’ont déjà intégré dans leur collection.

À lire et à relire, surtout à deux, car la bande dessinée érotique, cela se partage aussi.