Nous pouvons d’ailleurs nous demander qui est la vedette de cette intégrale : Animal Man ou Grant Morrison ? Le premier bénéficie aujourd’hui d’une certaine réputation grâce au travail du second, et aussi plus récemment de Jeff Lemire, mais avant cette époque, c’est une toute autre histoire. En effet, créé en 1965 par Dave Wood et Carmine Infantino, Animal Man apparaît comme l’archétype du super-héros mineur : durant ses vingt premières années d’existence, il ne fait qu’une douzaine d’apparitions dans quelques titres ici et là.
Le destin du personnage bascule à la fin des années 1980. Suite au succès d’Alan Moore sur Swamp Thing, DC Comics se met en chasse d’auteurs britanniques et l’éditeur recrute, entre autres, Morrison afin qu’il dépoussière lui-aussi d’autres super-héros. Le scénariste écossais jette son dévolu sur Animal Man et signe une mini-série de quatre épisodes où il radicalise le personnage, dans l’esprit de l’époque.
Cette reprise rencontre un vif succès, donnant naissance à une série de 89 épisodes dont Morrison signe les 26 premiers, avec la moitié publiée dans ce premier tome [1]. Nous retrouvons dans ce titre tout ce qui caractérise l’univers de Morrison, mais la violence et la crudité du récit pourront par moment surprendre, surtout ceux qui ne connaissent pas l’auteur.
Buddy Baker est un père aimant, coincé dans une vie banale, sans emploi et sans charisme. Cependant il s’avère également doté du pouvoir d’acquérir les capacités des animaux qu’il approche. Un don qui lui vient suite à une improbable rencontre avec des extraterrestres. Finalement, un jour, il décide de reprendre les collants et l’entrainement, devenant alors le défenseur des animaux.
Avec Animal Man Morrison développe un récit sophistiqué, accordant une grande place à la vie familiale de Buddy, défendant le végétarisme et les droits des animaux dans une approche radicale. Ainsi son héros soutient l’écoterroriste avec en toile de fond un propos un anti-chasse très virulent, brossant un portrait abject des chasseurs. Le propos politique dans l’œuvre de Morrison n’est pas nouveau, mais le traitement d’un sujet très concret et pratique donne un relief particulier à son jusqu’au boutisme habituel.
Avec son sens du mystère, ses intrigues à tiroirs et ses audaces narratives (la fameuse Évangile du Coyote), Grant Morrison signe une œuvre-culte à découvrir si ce n’est pas déjà fait. Et même si certains références du récit ne sont plus forcément d’actualité (le titre a plus de 30 ans), il n’en reste pas moins un comics étonnant qui complète à merveille la lecture de Doom Patrol et des Invisibles.
(par Guillaume Boutet)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Animal Man T1. Scénario : Grant Morrison. Dessin : Chas Truog & Tom Grummett. Traduction Jérémy Manesse. Urban Comics, collection "Urban Cult". Sortie le 20 mai 2022. 376 pages. 35,00 euros.
Animal Man sur ActuaBD :
Lire la présentation de Jeff Lemire, accompagnée de la chronique du tome 3,
Lire la chronique du tome 4.
[1] Les épisodes contenus dans Animal Man T1 sont :
Animal Man #1-13, Secret Origins #39 (mai 1988 à mai 1989).
Participez à la discussion