Puisque Angoulême 2012 nous donne l’occasion de mieux découvrir la bande dessinée suédoise, intéressons-nous à quelques-uns de ses illustres pairs, dans le but d’inciter à la visite d’une exposition autour de l’écrivain, dramaturge et peintre August Strindberg.
La bande dessinée scandinave, suédoise en particulier, reste plutôt méconnue dans le monde francophone. Si les histoires de Vikings semblent connaître un regain d’intérêt de la part des dessinateurs franco-belges à juger la recrudescence de titres actuels s’y intéressant, la production en Suède, quant à elle, diversifie ses thèmes.
Elle s’est d’abord distinguée dans la veine satirique, avec Oskar Andersson, alias OA, ou Oscar Jacobsson (Adamson, 1920), évoqués par Patrick Gaumer dans son Dictionnaire mondial de la BD (Larousse, 2010).
Celle-ci s’est aussi tournée tôt vers le monde anglo-saxon ou a accompagné le développement de la bande dessinée de genre sur son territoire. Ainsi, Alex Akerbladh, après des études d’architecture à la Glasgow School of Art, s’était-il taillé une certaine renommée au sein des revues britanniques de la première moitié du XXe siècle (Lupino Lane, 1927). Comme, par exemple, le Danois Teddy Kristiansen a pu se faire sa place aujourd’hui aux États-Unis.
Hans Lindahl dessine pour le marché local de nouvelles aventures du Phantom, super-héros masqué de Lee Falk et Ray Moore. Tandis que Rolf Gohs en produit d’excellentes couvertures, avant de participer au renouveau de la bande dessinée suédoise (Mystika 2:an, 1969).
Charlie Christensen, alias Alexander Barks, puis Alexander X, creusa toujours plus loin le sillon de la satire suédoise, ici à l’égard du Donald Duck de Disney, remodelé d’après l’un de ses inspirateurs, Carl Barks.
Grâce à ce dernier, le célèbre palmipède s’était attiré la bienveillance de tous en Suède sous le nom de Kalle Anka. La firme américaine voulut intenter un procès à Charlie Christiansen, auteur de son double cynique, Arne Anka, qui en écornait l’image ! On lui doit également une adaptation de Röde Orm, saga viking tirée du best seller en deux parties (1941-1945) du romancier suédois Frans G. Bengtsson.
De son côté, Jan Lööf a connu une certaine notoriété en dehors des frontières de la Suède avec sa série Felix (1967), le « Tintin suédois », même si une telle assimilation se révèle facile. Il est acteur et musicien de jazz à ses heures. De plus, il se distingue, entre autres, avec ses livres pour enfants, récent lauréat (2010) du prestigieux Prix Selma Lagerlöf, nommé d’après l’auteure du Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (1906-07).
En outre, la Suède a connu une production de bandes dessinées alternatives, autour de magazines comme Galago ou la version autochtone de Mad, avec des artistes comme Joakim Pirinen, David Nessle ou Johan Wanloo, etc.
Plus récemment, Joanna Hellgren s’est faite remarquer en France avec Mon Frère nocturne ou la série Frances (Cambourakis, 2008), et a été distinguée par une sélection à Angoulême. Elle a été publiée dans son pays d’origine dans Galago et participe à l’exposition.
Quelques éléments de l’exposition sur la bande dessinée suédoise
Celle-ci est organisée sous l’égide de la Swedish Comics Association. Cette Association œuvre depuis 1968 en faveur de la légitimation de la bande dessinée comme forme d’art. Elle a présenté l’exposition récente de ses dessinateurs autour du Maus de Spiegelman au Mémorial de la Shoah à Paris.
Fredrik Strömberg, son président, critique et auteur, est déjà connu pour ses ouvrages traduits en français comme La Propagande dans la BD (Eyrolles, 2010) et Images noires, la représentation des Noirs dans la bande dessinée mondiale (P.L.G., 2010).
Comme thème d’exposition, ses participants ont planché sur August Strindberg (1849-1912), trait d’union idéal entre la Suède et la France.
Cet illustre représentant de la culture suédoise n’a cependant d’abord pas fait l’unanimité chez lui et y « a choqué le bourgeois ». Par bien des aspects, il peut faire songer à un autre grand artiste scandinave : le Norvégien Edvard Munch, peintre du fameux Cri (1893). De sensibilité expressionniste proche, une caractéristique éminemment nordique, il a choisi pour s’exprimer de s’exiler comme lui un temps à Paris, alors centre mondial des arts et de l’avant-garde à la fin du XIXe siècle.
Le naturaliste des débuts évolue vers toujours plus de liberté créative et se laisse gagner par un penchant à la névrose et une tendance à la folie, difficile à contenir. Son Plaidoyer d’un fou (1887-88) et Inferno (1897) sont rédigés directement en français.
Figure symboliste, il mariait l’écriture et la peinture, le texte et l’image. August Strindberg s’impose donc comme un ambassadeur probant de cette initiation au neuvième art façon scandinave. Ce qui suscite décidément l’envie d’aller y voir ce que la nouvelle génération de dessinateurs suédois peut en faire !...
(par Florian Rubis)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : couverture de « Swedish Comics History »
© 2010 Fredrik Strömberg & The Swedish Comics Association
Exposition : La vie n’est pas pour les amateurs – August Strindberg et la bande dessinée suédoise
Commissaire : Josefin Svenske / Scénographe : Jakob Hallin
Bâtiment Castro, mezzanine Calvo - 121, rue de Bordeaux, Angoulême – Du jeudi 26 au dimanche 29 janvier 2012 – 10 h / 19 h
L’exposition sera ensuite présentée à l’Institut suédois, à Paris, du 8 février au 15 avril 2012
À noter : le lancement lors du Festival de « Rayon Frais (une anthologie de la bande dessinée suédoise) » due aux Requins Marteaux, Nouveau monde, stand N50, samedi 28 janvier à 19 h.
Participez à la discussion