D’emblée le titre annonce la couleur, en mettant en avant le conflit qui opposa, à distance, l’artiste et le puissant patron du FBI, John Edgar Hoover !
Ce parti pris éditorial illustre la volonté des auteurs de donner, à travers une biographie romancée, une image inédite de l’artiste.
Si les œuvres sont mondialement connues, la vie d’un homme comme l’acteur qu’était Chaplin ne fut pas linéaire. À partir des années 1930, le comédien connaît des succès mais aussi des échecs, il est traversé par des doutes et choisit de s’engager face à la misère sociale.
Déclinée en trois volumes, cette biographie s’articule autour de trois périodes précises de sa vie, à commencer par l’immigration et l’arrivée aux États-Unis ; puis les années de gloire, pour finir avec la remise en question et l’engagement humanitaire, l’objet de ce dernier opus.
Dans ce contexte de fin de Seconde Guerre mondiale et de début de guerre froide, une pression de plus en plus forte se fait ressentir sur les intellectuels à travers le phénomène du MacCarthysme. [1]
Dans cet ultime tome, nous assistons à la prise de conscience politique de l’artiste. Bien que déjà présente dans ses précédents films comme la Ruée vers l’or ou le Kid. Cet engagement s’affirme en éloignant progressivement ses films du ton de la comédie.
Cette manière de donner un nouveau souffle à sa carrière ne sera pas du goût de tout le monde et surtout pas du grand patron du FBI qui traque tout ce qui n’est pas politiquement correct. Si l’album couvre la dernière période artistique du maître, il s’intéresse au contexte politique singulier qui frappa alors l’Amérique.
Les auteurs se concentrent plus particulièrement sur cet aspect de la carrière de l’acteur victime, comme beaucoup d’autres, d’une chasse aux sorcières, puisqu’étant suspecté de sympathie communiste. Chassé des États-Unis en 1952, il lui faudra attendre vingt ans pour y remettre les pieds et recevoir un Oscar.
Déjà auteur d’un documentaire consacré à Chaplin, Laurent Seksik s’attache à dresser le portrait d’un artiste fait de nuances, de génie, de parti pris mais aussi de parts d’ombre. La souplesse du graphisme de David François donne à la biographie d’une des légendes du cinéma une belle dynamique et beaucoup d’énergie.
(par Patrice Gentilhomme)
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Charlie Chaplin à la poursuite de Charlot
Chaplin, prince d’Hollywood - Par Seksik et François - Éditions Rue de Sèvres
[1] Le maccarthysme est une période qui, dans le contexte de la guerre froide, fut à l’origine d’une véritable chasse aux sorcières, principalement motivée par la peur du rouge, un anticommuniste virulent qui justifia, entre autre, la traque et la surveillance d’éventuels agents, militants ou sympathisants communistes aux États-Unis, parmi lesquels, de nombreux artistes et intellectuels. Le sénateur Joseph McCarthy fut le principal artisan de cette action jusqu’au milieu des années 1950.