Whisky San - Par Rodhain, Alcante et Grande - Ed. Grand Angle/Bamboo

Début du vingtième siècle, Masataka, jeune japonais tout juste âgé d’une dizaine d’années, entend parler d’un mystérieux alcool apporté par les Américains, principaux promoteurs des valeurs occidentales de modernité, du commerce et de nouveaux produits. Alors qu’il est issu d’une lignée de brasseurs de Saké, le jeune garçon se met en tête de produire le premier whisky japonais. Créer ce breuvage relevait du sacrilège dans un pays où le poids des traditions était alors très puissant et où le saké faisait figure de boisson nationale intouchable et indétrônable.

Mais rien ne l’en empêchera : ni le rejet de sa famille très attachée aux traditions, ni l’hostilité de son principal rival Shinjiro Toni. Bien des difficultés vont pourtant entraver le projet du jeune homme qui ira jusqu’en Ecosse pour percer les secrets de « l’eau de vie ». C’est là qu’il rencontrera Rita, sa future femme, qui l’accompagnera jusqu’au bout de cette incroyable épopée à l’origine du Nikka et du Suntory, deux whiskies japonais, aujourd’hui mondialement réputés.

Itinéraire d’un surdoué du goût.

Fabien Rodhain et Didier Alcante rejoignent le label Grand Angle avec ce biopic ambitieux décrivant la création du premier whisky japonais, une histoire pleine de rebondissements et de déconvenues pour Masataka Taketsuru. Un récit qui traverse aussi le destin du pays du soleil levant au cours du vingtième siècle.

Au premier, on doit les Seigneurs de la Terre chez Glénat, ou les Damnés de l’or brun, qui est consacré à la production du cacao. De son côté, Alcante, de son vrai nom Didier Swyssen, est l’auteur de nombreux scénarios dont le fameux roman graphique La Bombe, qui fut un succès critique et public. Tous les deux se sont appropriés l’histoire de Masataka pour en faire une chronique dense, très documentée, et où l’obstination et la volonté du héros sont au cœur d’une narration qui souligne l’impact des préjugés, le poids des traditions et des idées reçues sur les rêves de chacun.

Alicia Grande, l’illustratrice, opte pour un style qui oscille entre le manga et le franco-belge. Un choix en parfaite harmonie avec l’argument de ce roman graphique, mais surtout, avec la mise en couleur, proche de l’aquarelle, de Tanja Wenisch.

Bien que cette histoire soit revendiquée comme une fiction basée sur des faits réels, elle n’en demeure pas moins très agréable à la lecture ; non seulement elle se révèle très érudite, mais elle développe une épopée grisante, à consommer sans modération !