Copra est une équipe de méta-humains au service du gouvernement américain vouée à accomplir dans le plus grand secret les missions honteuses dont personne ne veut entendre parler à la Maison Blanche. Super-soldat mégalo, cyborg sentimental, acrobate de génie : chaque membre de l’équipe est aussi exceptionnel qu’asocial. Et s’ils sont bien obligés de travailler ensemble, personne n’aurait l’audace de les qualifier d’amis.
Un jour, à l’issue d’une mission de routine visant à récupérer et escorter une mystérieuse tête tranchée (personne ne pose de question car moins on en sait, mieux on se porte), le groupe est attaqué par une autre équipe de méta-humains redoutables qui déciment en quelques seconde la quasi-totalité de Copra, avant de s’emparer de la tête.
Faisant usage de son prodigieux pouvoir, le chef des vilains fait alors exploser la ville la plus proche, et les survivants du groupe sont obligés de fuir, à la fois pour éviter les conséquences de leur échec mais aussi pour enquêter sur leurs adversaires et venger leurs compagnons. S’engage alors une enquête aux confins de la folie qui confrontera chaque héros à ses propres démons, et à des pouvoirs inimaginables.
Après la lecture de son Panorama, on ne pouvait s’y tromper : Michel Fiffe est un auteur à part. Trop peu connu en France malgré son talent écrasant, il a su se bâtir une place dans l’industrie au croisement des codes de l’indé’ et du mainstream, puisant dans ces deux mondes pour en tirer le meilleur et nous offrir de véritables et singuliers chefs-d’œuvre. Son affiliation à l’indépendant s’identifie par son esthétique personnelle et radicale, et son rapport au mainstream se voit dans les thèmes qu’il aborde, tout particulièrement ici avec le super-héros.
On est cependant plus proche d’un Doom Patrol que d’un Avengers, d’un Next Men que des X-Men. L’équipe que nous présente Fiffe est un assemblage hétéroclite de personnalités dysfonctionnelles, inévitablement vouées à mourir au combat. Le ton est donné. On croise pêle-mêle tous les archétypes qui composent l’essentiel du super-héros classique, avec des tares et des défauts XXL. Car il ne s’agit pas pour Fiffe de simplement rendre hommage au genre, mais bien d’en faire éclater les limites.
Il use de son esthétique aux confins du minimalisme pour figurer le chaos omniprésent de son récit, la folie de ses personnages et la démesure des forces déchaînées. À l’instar de Panorama, on retrouve des influences expérimentales et psychédéliques dans la manière de représenter l’action : les traits se brouillent sous la vitesse, la chaleur déforme les bordures même des cases, les onomatopées écrasent des éléments du décors... Son séquençage alterne frénésie et calme olympien, avant de repartir de plus belle en éprouvant le lecteur page après page.
Copra est un album exigeant mais qui par ses qualités innombrables s’impose comme un vrai chef-d’œuvre. Des maîtres du comics comme Brian Michael Bendis ne s’y trompent pas. Cité en exergue du bouquin, on découvre en quelques phrases élogieuses tout le bien qu’il pense de Michel Fiffe, et les fans du genre seraient bien inspirés de lui laisser un chance malgré son âpreté apparente.
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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Copra T. 1 - Par Michel Fiffe (scénario et dessin) - Delirium - Sortie le 10/09/2021 - 18 x 28 cm - 160 pages couleur - 24 €
Lire notre chronique trois-en-un des sorties Delirium de la rentrée.
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