Dans le taxi – Par Barrack Rima - éditions Alifbata

Dans le taxi s’ouvre sur une longue séquence introductive dans laquelle Barrack Rima nous expose tous azimuts l’histoire de Tripoli : des croisés aux mamelouks, en passant par le XXe siècle, la guerre civile et jusqu’au récent soulèvement populaire d’octobre 2019. Il y dépeint avec grâce et poésie une ville en mouvement constant que rien ni personne ne peut arrêter.

L’artiste libanais déploie une narration saccadée, faite d’allées et venues dans le temps, de phrases courtes et inspirées, qui plongent le lecteur dans une atmosphère toute particulière, intemporelle et insaisissable. Le cadre posé, l’auteur nous ouvre la portière de son intimité, de son lieu de naissance même : les taxis collectifs libanais !

© éditions Alifbata

Les habitants de la ville, connus ou non de l’auteur, se succèdent sur la banquette arrière de la voiture. Ces inconnus discourent ensemble de sujets et d’autres, le temps d’un trajet. Le chauffeur lui-même se révèle être un amateur de poésie et de littérature. Ce lieu de socialisation unique en son genre, seul moyen de transport en commun, par ailleurs privé, avec les minibus au Liban témoigne à lui seul de l’échec des pouvoirs publics libanais.

© éditions Alifbata

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Les conversations mises en scène sont l’occasion pour le membre du collectif Samandal d’aborder des sujets qui lui tiennent à cœur parmi lesquels le statut d’expatrié (l’auteur vit en Belgique, où il a réalisé ses études) et la libération des mœurs sexuelles. Une impression généralisée d’étouffement semble faire office de leitmotiv, sentiment partagé par plusieurs passagers. L’auteur nous parle ici du poids de la situation politique et sociale, mais également de la pression exercée par la tradition sur la volonté d’émancipation des jeunes générations.

© éditions Alifbata

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Barrack Rima brouille les pistes. Il interroge son intimité tout en abattant les frontières des genres. Il mêle avec talent chronique familiale, fresque sociale tripolitaine et, (potentiellement) fiction, ayant régulièrement recours à l’allégorie. Les frontières graphiques sont également repoussées par l’harmonie créée entre dessin, collage et photographie.

Et que dire du rythme ? Notion maîtrisée d’un bout à l’autre de l’album. Aux séquences d’emballements émotionnels succèdent des scènes de dialogues évocatrices, elles-mêmes contrebalancées par de nouvelles envolées vers d’inexplorés horizons. Des allées-venues stimulants, frisant l’érotisme. Bluffant.