Quelques longues tonalités précèdent systématiquement le déclenchement du même répondeur téléphonique : Éric ne décrochera plus. Comme 89 autres, dans cette salle de concert, il a été abattu par les terroristes de Daech. Pour celles et ceux qui survivent, l’événement est traumatisant. Laurent Duvoux, qui accompagnait son ami, ne raconte pas l’horreur de ce soir-là. Il centre son récit sur des fragments de vie qui entourent ce jour où tout a changé. Il ne voit plus qu’Éric dans ses rêves. Quand il est éveillé, il le cherche, il lui parle, il se rappelle les moments partagés. Les discussions ont fait place au silence, le temps s’allonge, le regard se perd dans le vide.
Ce roman graphique mérite bien son nom : très peu de dialogues, un peu de narration en voix-off mais, surtout, de superbes illustrations qui en font un récit surtout basé sur une esthétique faite de quelques couleurs, de décors dépouillés, et de visage sans expression.
Ces choix sobres donnent une grande force au récit, qui s’impose par son silence, ses temps morts, la difficulté de repartir vers l’avant. Le "Décroche" s’adresse tant à son ami qu’à l’auteur lui- car, au-delà de sa remarquable esthétique, il s’agit d’un récit sur le deuil et la reconstruction, en toute pudeur. Indéniablement, une belle réussite.
(par Damien Boone)
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Décroche - Par Laurent Duvoux - Par Ed. Robert Laffont