Moi, Edin Björnsson... - Par Edith - Editions Oxymore

C’était l’une des informations phares de ce début d’année, le retour de Mourad Boudjellal à la tête d’une nouvelle maison d’édition, baptisée "Oxymore", et le tout en collaboration avec Gallimard. Le fondateur et ex-directeur de Soleil n’est pas reparti de zéro, car il s’est adjoint le support d’éditeurs déjà expérimentés, dont une partie avait justement décidé de quitter le Groupe Delcourt pour le rejoindre. Parmi ceux-ci, on retrouvait Barbara Canepa & Clotilde Vu qui étaient parties avec leurs collections Métamorphose et Noctambule afin de prolonger leur travail chez Oxymore.

Après une série de premiers ouvrages parus il y a quelques semaines, dont des titres Métamorphose sur lesquels nous reviendrons prochainement, vient de paraître le premier roman graphique de la collection Noctambule 2.0 et ce titre à rallonge : Moi, Edin Björnsson, pêcheur suédois au XVIIIe siècle, coureur de jupons et assassiné par un mari jaloux.

Derrière ce titre étrange, on retrouve la talentueuse Edith, Grand Boum de Blois en 2021 et également fortement remarquée pour Emma G. Wildford sélectionné au FIBD d’Angoulême 2018. Elle revient cette fois au scénario comme au dessin et à la couleur pour cette épopée nordique, lors de laquelle on suit le destin de cet infortuné Edin Björnsson.

Infortuné, car comme le titre l’indique, la vie de notre pauvre héros subira un triste épilogue en fin de récit. Une conclusion funeste que notre autrice dévoile d’ailleurs dès le début de l’album, lorsqu’elle prend connaissance d’une de ses vies antérieures chez une magnétiseuse. Qu’elle y croit ou pas, l’autrice essaie alors de retracer le parcours de ce Don Juan scandinave, dont le destin n’a pas vraiment été marqué par la chance.

On prend beaucoup de plaisir à découvrir la vie d’Edin au sein ce petit village suédois du XIXe siècle. Bien loin des vikings dont on nous a rabâché l’histoire, le quotidien des protagonistes demeure bien moins épique, bien que toujours passionnant sous le trait vif et coloré d’Edith. Il faut dire que l’autrice a le chic pour donner de l’épaisseur à son alter ego antérieur. Edin/Edith passe de plaisirs en désillusions, d’amours en déconvenues, le tout dans un rythme bien marqué et ponctué par de superbes paysages scandinaves.

La Roue de la destinée, qui accompagne chaque exemplaire du livre.

L’autrice utilise habilement le principe de la tragédie. Chaque élément de la vie d’Edin prend une connotation complémentaire en sachant (dans les grandes lignes) ce qui va suivre. Une suspense éventé qui procure donc paradoxalement plus de plaisir à la lecture, surtout que rien ne dit que l’histoire se terminera bien comme l’autrice nous l’a annoncé. De plus, tout le sel du récit passe par de savoureux personnages : cet aventurier qui dispose d’un manteau en parchemin, cette sorcière dénuée de pouvoirs, ou la présence de cet unique livre dans la famille d’Edin, un livre de cuisine ponctué d’ingrédients que ses propriétaires ne verront jamais.

Voilà donc une "saga" commune racontée avec talent, où le souffle des embruns de la mer nous entraîne avec délice bien loin de notre fauteuil. Surtout qu’une roue de la fortune est offerte dans chaque livre, histoire de vous faire rêver également à l’une de vos vies antérieures. À découvrir !