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En attendant la Rentrée..."Les Enfants de la Résistance" à l’assaut de la Fête de la BD

Par Christian MISSIA DIO le 20 août 2019                      Lien  
En prélude à la dixième édition de la Fête de la BD qui aura lieu à Bruxelles le mois prochain, une nouvelle expo consacrée à la série "Les Enfants de la Résistance" est à découvrir au musée BELvue. Visite guidée.

Comme nous vous l’avions annoncé dans notre article consacré aux événements BD de l’été en Belgique, l’expo “Les Enfants de la Résistance” a ouvert ses portes au musée BELvue le 7 août dernier. Cette manifestation constitue l’un des temps forts de la dixième édition de la Fête de la BD, qui aura lieu au Parc de Bruxelles du 13 au 15 septembre, comme nous informe Manon Aknin, Project supervisor chez Visit Brussels, l’organisateur des festivités :

« Le 2 septembre prochain, nous commémorerons la libération de Bruxelles. Programmer une exposition sur le thème de la Seconde Guerre mondiale, nous semblait donc plus que cohérent. C’est pour cela également que nous proposons aussi l’exposition “Spirou et Bruxelles sous l’Occupation”, qui ouvrira pour la Fête de la BD... L’exposition des “Enfants de la Résistance” a été construite pour le jeune public... C’est dans cette optique que cette année, la Fête de la BD ouvrira dès le vendredi matin, pour le grand public, mais aussi pour permettre aux écoles de se rendre à la Fête de la BD. Nous avons mis en place pour cela toute une programmation pédagogique et ludique à destination des enfants. »

En attendant la Rentrée..."Les Enfants de la Résistance" à l'assaut de la Fête de la BD
L’affiche de l’édition 2019 de la Fête de la BD de Bruxelles met à l’honneur le "Blake & Mortimer" de François Schuiten

Ce n’est pas la première fois qu’une expo consacrée aux Enfants de la Résistance est organisée pour la Fête de la BD. Toutefois, Manon Aknin nous explique les nouveautés proposées ainsi que le déroulement de cette nouvelle exhibition dédiée à la série créée par Benoît Ers et Vincent Dugomier :

« Nous avons voulu enrichir l’exposition qu’avait construite les Éditions du Lombard sous plusieurs aspects. Tout d’abord, l’exposition est en trois langues : en français, en néerlandais et en anglais. Ensuite, nous avons trouvé important d’y ajouter tout un volet “belge”. Bien que l’intrigue de la BD se déroule en France, nous souhaitions aussi parler de ce qu’il se passait en Belgique. Enfin, notre volonté était d’y ajouter une dimension pédagogique en plus. À travers un jeu, les enfants en apprennent plus sur la résistance. Ils y découvriront, par exemple, comment les résistants aidaient les pilotes alliés à rejoindre l’Angleterre, l’utilisation de ticket de rationnement ou encore la création de faux papiers. »

Afin de plonger les visiteurs dans l’univers de la série, les organisateurs ont imaginé une scénographie sur trois salles. Dans la première salle, le contexte de la guerre nous est présenté : les enfants peuvent marcher sur la carte de l’Europe, à l’instar des personnages de la BD dans la première de couverture. Les valises disposées sous le panneau parlant de l’exode des populations, sont en lien avec ce dernier mais servent également au jeu.

1ère salle de l’expo

La seconde salle est construite comme un repère de résistants, présentant les outils qu’ils utilisaient souvent : une machine à écrire, de la peinture pour écrire des slogans, des tracts, le faux journal du Soir, la réalisation de faux papiers, etc.

Seconde salle de l’expo

La dernière salle nous plonge dans le salon d’un habitant de l’époque, avec la radio comme pièce finale du jeu. Les enfants peuvent ainsi prévenir l’Angleterre de l’arrivée du pilote allié et voir s’ils ont réussi toutes les étapes du jeu. Enfin, un panneau parle également de la libération de Bruxelles en lien avec la date d’anniversaire du 2 septembre.

Troisième salle de l’expo

Lorsque la BD se fait outil pédagogique

Dès la parution du premier en album des Enfants de la Résistance en mai 2015, les auteurs et leur éditeur (éditions du Lombard) ont proposé un cahier didactique creusant un peu plus la thématique abordée dans l’épisode. L’idée sera reprise pour les tomes suivants, permettant ainsi aux lecteurs d’en savoir plus sur cette période troublée qu’était la Seconde Guerre mondiale. Ce potentiel pédagogique sera ensuite exploité en 2016 lors de la première expo consacrée à la série durant la Fête de la BD. Puis l’année suivante, au cours d’une expo au Musée de la Résistance à Bruxelles.

« L’expo est un prolongement des albums. Ceux-ci sont déjà enrichis d’un dossier didactique... Vu son succès, celle-ci a été dupliqué en quatre ou cinq exemplaires et elle circule un peu partout en France et en Belgique. Le but est vraiment que les enfants s’intéressent à la Seconde Guerre mondiale de façon ludique. Ils ne comprennent pas tout mais on sent chez eux un vif intérêt pour cette période de l’Histoire. Surtout, ils se rendent compte que c’est un passé pas si lointain car les mêmes problèmes existent encore de nos jours et ceux-ci sont toujours -hélas- accompagnés des mêmes prétextes et solutions simplistes pour résoudre des enjeux très complexes. D’où l’importance d’avoir une BD telle que Les Enfants de la Résistance car elle les informe sur ce qu’il s’est passé en Europe il y a plus de 70 ans », nous explique Vincent Dugomier.

Vincent Dugomier & Benoît Ers
Photo © Christian Missia Dio

Benoît Ers poursuit ensuite : « Nous avons eu de la chance qu’au moment où notre 1er album est sorti, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse à remis l’étude de la Seconde Guerre mondiale au programme des trois cycles primaires, secondaire et secondaire supérieur en France. À l’époque, ils s’étaient retrouvé limités par un matériel pédagogique insuffisant. Notre album est paru à ce moment-là. Du coup, la revue éducative “La Classe”, qui propose de nombreux dossiers pédagogiques, a sauté sur la BD ! Elle a réalisé un dossier de 27 pages très précis. L’enseignement français s’est à son tour rué sur la série. Suite à cela, nous avons souvent été invités à intervenir dans des écoles. »

La question des “Tirailleurs sénégalais”, ces soldats africains issus des colonies, est également abordée dans la série, constituant même l’une des intrigues principales du second tome. Bien que celle-ci soit traité par les auteurs avec une pointe d’angélisme (l’actualité récente nous rappelle comment ceux-ci furent oubliés par les autorités française avant une reconnaissance tardive, NDLR), l’initiative de parler de ces soldats mérite toutefois d’être saluée.

« Ce qui nous intéressait, c’était de montrer le travail de l’humain en tant que résistant, qui lutte contre un système raciste, autoritaire tel que le régime nazi, le pire que l’on puisse inventer », précise Vincent Dugomier. « C’est une manière pour nous de montrer que la résistance, ce n’est pas juste libérer son territoire, c’est aussi combattre pour la démocratie. Je rappelle que les premiers crimes racistes en France étaient commis contre les Noirs, pendant la Campagne de France. Ce fut le premier acte de résistance de Jean Moulin : refuser de couvrir ce massacre ! C’est primordiale de rappeler qu’avant la persécution des Juifs, des Tziganes ou des homosexuels, il y a eu la persécution des Noirs. C’est cet épisode tristement célèbre de “La honte noire” qui s’est déroulé en Rhénanie, comme nous l’expliquons dans le dossier qui suit cet album. Il y a eu des mariages mixtes et cela a été très mal vécu par les Allemands et fut récupéré ensuite par les nazis. C’est important de parler de tout cela de nos jours, surtout que nous vivons dans des sociétés multiculturelles. »

Les Enfants de la Résistance
Benoît Ers & Vincent Dugomier © Le Lombard

Le capitalisme, le communisme et la question de l’héritage dans le monde rural

L’un des autres points forts des Enfants de la Résistance est que la série aborde les paradigmes qui s’affronteront rapidement dès l’issue de la guerre : le capitalisme mené par les États-Unis d’une part, face au communisme prôné par l’Union soviétique d’autre part. Vincent Dugomier revient également pour nous sur cet aspect du récit :

« Nous préfigurons la Guerre froide très rapidement. Nos personnages sont des enfants d’environ 14 ans. Ils vivent durant la période de la guerre et décident de prendre part au conflit. Ils ont aussi vécu des drames personnels, ce qui les poussent à mûrir très vite. C’est un phénomène que l’on rencontre souvent, malheureusement, comme c’est le cas actuellement avec les enfants des réfugiés. Ceux-ci ont une maturité exacerbée malgré leur jeune âge, vu ce qu’ils vivent. Ils s’aperçoivent donc que les USA et l’URSS se mettent ensemble car ils ont un ennemi commun, le nazisme. Mais ils n’ont pas pour autant le même but idéologique. Nos personnages ont conscience de cela, même s’ils ne comprennent pas tous les enjeux qui en découlent. Nous essayons d’être neutres, nous ne cherchons pas à influencer l’avis des lecteurs mais au contraire, les pousser à la réflexion dans l’analyse de ces deux idéologies. »

Cet affrontement idéologique aboutira, par ailleurs, sur une réflexion autour de l’héritage en milieu rural. Tout comme son oncle et parrain André avant lui, François (un des trois héros de la série, NDLR) est le fils cadet de la famille Guillet. Il est donc destiné à faire des études, tandis que son frère aîné héritera de la ferme familiale. Cette situation fait plutôt les affaires de notre héros mais la capture et l’exécution de son père, Marcel, changera la donne. Il sera contraint d’abandonner l’école afin d’aider son frère et sa mère dans les travaux du quotidien.

« Cette analyse s’illustre notamment dans le chapitre consacré à la succession d’une ferme », nous explique le scénariste. « Certains sont des nantis tandis que d’autres non. On se demande alors comment devrait être réparti cet héritage selon les besoins et les choix de vie des héritiers potentiels. À l’époque, le fils aîné héritait de la ferme, tandis que le frère cadet faisait des études. Et avoir des terres était un véritable avantage ! On était presque nantis, même si nous savons que la paysannerie souffrira beaucoup par la suite et jusqu’à aujourd’hui. Dans la série, nous avons simplifier le problème en opposant deux frères, Marcel et André Guillet. Mais dans la réalité, ce problème concernait souvent des fratries de plusieurs enfants. Nous mettons aussi l’accent sur la volonté des héritiers. Par exemple, nous nous apercevons qu’André aurait préféré hériter de la ferme au lieu de faire des études. Cette rancune est l’un des ferments de l’opposition politique entre Marcel et André. Le père de François est propriétaire de la ferme et rejoint la résistance, tandis que son frère est commerçant et voit d’un bon œil l’arrivée des nazis. Nous avons fait de André un sympathisant au nazisme car il est déçu, il vit le fait de ne pas avoir hérité de la ferme comme une humiliation, ce qui explique en partie ses choix politiques. J’ai lu une étude consacrée à la sociologie des électeurs d’extrême droite. On se rend compte que tout une série d’électeurs sont des gens déçus dans la vie. Ils cherchent alors des boucs émissaires, ce qui n’a aucun sens ! Aujourd’hui, ont voit des gens qui ont perdu leur boulot et qui mettent cette responsabilité sur le dos des étrangers. »

« La mentalité de cette époque était que le propriétaire agricole était garanti de manger à sa faim durant toute sa vie. Cela peut paraître complètement désuet mais à l’époque, c’était une garantie de subsistance pour une famille. N’oublions pas que 50 ans plus tôt, c’était le 19ème siècle et il y a eu des grandes famines en ce temps là », rappelle le dessinateur Benoît Ers.

Vous l’aurez compris, cette série jeunesse fait preuve d’une richesse appréciable. Elle nous éclaire sur un passé récent. Un passé dont nous pourrions encore tirer des enseignements pour nos sociétés actuelles.

Les Enfants de la Résistance : François, Eusèbe et Lisa
Benoît Ers & Vincent Dugomier © Le Lombard

Voir en ligne : Découvrez l’expo "Les Enfants de la Résistance" sur le site de la Fête de la BD

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photos © Christian Missia Dio

Expo - Les enfants de la résistance
Le Musée BELvue
Du 7 août au 6 octobre
L’inauguration de l’expo aura lieu le jeudi 29 août à 11h (invitation obligatoire)
Place des Palais 7
1000 Bruxelles
TEL : 02 500 45 54
Mail : info@belvue.be

Heures d’ouverture
09:30 à 17:00 lundi pour les groupes avec réservation
09:30 à 17:00 du mardi au vendredi
10:00 à 18:00 samedi, dimanche, juillet et août

BELvue (et Coudenberg) fermés les 1/01 - 25 /12. Les 24/12 et 31/12 fermeture à 16h. Coudenberg fermé le lundi

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