Hawkmoon, T. 2 : La Bataille de Kamarg - Par Benoît Dellac et Jérôme Le Gris - Glénat

Nous avions déjà présenté en détail l’adaptation d’une des sagas Mickael Moorcock que Glénat entamait avec réussite l’année dernière. Rappelons-en le contexte : notre récit a pour cadre une Europe qui tente de se reconstruire après le Tragique Millénaire. Dans une féodalité retrouvée, une ancienne base scientifique et la mise aun point de trois flux magiques vont-ils terrasser l’ennemi ? À ce jeu-là, le roi-empereur est le plus fort. D’une férocité sans nom, les Granbretons ont déjà conquis presque toute l’Europe et viennent de vaincre par félonie la ville de Koln et son duc, Hawkmoon.

Pour s’assurer de l’obéissance de ce dernier qu’ils ont capturé vivant, les séides de l’Empire implantent dans le front d’Hawkmoon une gemme noire qui leur permet de voir tout ce que l’infortuné Duc perçoit, et de pouvoir lui causer d’énormes souffrances à distance. Puis, ils le lâchent juste devant Kamarg, une petite région qui résiste encore à l’Empire, avec pour mission de s’infiltrer et de kidnapper sa belle princesse.

Ce deuxième tome débute alors qu’Hawkmoon entre dans la cité. Bien sûr, il est seul et pourrait se rallier à ces opposants, mais il ne sait pas comment se débarrasser de cette gemme noire. Alors il commence à mentir, bien malgré lui... Nous ne vous en dévoilerons pas plus, mais sachez que cette nouveauté regorge de dilemmes, de passions et bien entendu de batailles acharnées, comme son titre l’indique !

Passionnant moment où la devise familiale pousse Hawkmoon à transiger avec ses propres valeurs

Des trois auteurs qui signaient l’adaptation du premier tome, il n’en reste plus que deux, nous explique le dessinateur Benoît Dellac : « Au début du projet, Didier Poli devait réaliser le character design (ainsi que des vaisseaux et autres), le storyboard de l’album et les crayonnés. Pour ma part, je devais me concentrer sur l’encrage. Malheureusement, pour cause d’emploi du temps chargé, Didier a dû nous quitter au début de l’aventure. Nous avons donc tout repris et mis à plat afin de repartir sur l’album. Et au final, il reste quelques designs de Didier, ce qui explique qu’il soit légitimement crédité [au premier tome]. » Et donc absent du second.

Même s’il contient un peu moins de pleines pages montant des affrontements titanesques dans de spectaculaires visions, ce tome 2 tient toutes ses promesses : le jeu de duplicité d’Hawkmoon face aux bons sentiments du Duc d’Airain et de ses proches, le choc entre l’Empire et la Kamarg ainsi que les maléfices de la pierre noire qui s’infiltre dans le cerveau de notre héros tourmenté. Avec le point d’orgue : une grande bataille (comme le titre l’indique) entre les deux forces en puissance, un affrontement qui prend dix pages à lui seul, et dont le cadre occupe la moitié de l’album. On s’en délecte !

Saluons le beau travail de Benoît Dellac, qui reste l’un des grands encreurs franco-belges actuels. Beaucoup de force dans ses plans et moults détails dans les cases, de quoi nous rendre très concret cette Europe revue et corrigée à la sauce Moorcock, et nous faire apprécier les turpitudes et déchirements des personnages. On aurait parfois apprécié quelques traits plus appuyés sur les visages en fin d’album, ou un meilleur contraste de couleurs sur les zooms pour mieux marquer les émotions. Pinaillage, tant l’ouvrage répond globalement à toutes nos attentes. Le Flux Noir fait de nous d’éternels insatisfaits.

Le scénariste-réalisateur Jérôme Le Gris confère également un sacré souffle à cette adaptation, jouant des dialogues pour faire passer la flamboyance des romans du prolifique écrivain britannique. On bénéficie ici encore de pas mal d’événements, de quoi boucler ce qu’on pourrait appeler un premier cycle de la Kamarg, et motiver les retardataires à rapidement se mettre à jour en dévorant ces deux premiers tomes, avant d’apprécier la suite des aventures du Duc Hawkmoon dans les Terres de l’Est, c’est à dire la reste de l’adaptation du premier roman de la saga.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.