Lois Lane, Ennemie du peuple - Par Greg Rucka & Mike Perkins - Urban Comics

L’enquêtrice Loïs Lane se consacre à une affaire sordide aux nombreuses ramifications, y compris gouvernementales. Le décès inopiné de Mariska Voronova, affaire classée en un simple suicide dépressif d’après les autorités, met la puce à l’oreille de la journaliste. Elle ne se fait d’ailleurs pas que des amis suite à ses provocations publiques en première ligne face à de grands pontes et intervenants lors de meeting publics. Grâce à ses contacts, Loïs apprend que la pauvre femme a succombé sous l’effet de la torture, apparemment un coup orchestré par le FSB, les services secrets du gouvernement russe.

Dans sa vie privée, elle a beau entretenir une vie passionnée et amoureuse avec Clark Kent, les réseaux sociaux, quant à eux, ne parlent que de son baiser avec Superman ; une photo utilisée par la presse pour la narguer et créer un climat d’insécurité autour de la journaliste.

Des commérages à son égard qui ne la déstabilisent que peu vu son enthousiasme à oser frapper à la porte de certains hauts fonctionnaires. C’est le cas de monsieur Agger, coupable d’avoir détourné 18 millions de dollars destinés à la santé des citoyens ; solde finalement retrouvé sur des comptes offshore au nom propre du prétendu représentant de l’État.

Aux commandes de cette trame alléchante, nous retrouvons Greg Rucka, déjà à l’œuvre en tant que scénariste notamment sur la saga Wonder Woman Rebirth ainsi que du récit psychédélique Veil aux éditions Delcourt. Il y brosse un portrait de Loïs Lane de manière charismatique, autoritaire, plutôt sûre d’elle, en quête uniquement de vérité.

Bien qu’elle ait des comptes à rendre à ses supérieurs, on ressent clairement le désir profond de la journaliste de tenter de résoudre l’énigme par ses propres moyens, et cela même si sa vie est mise en péril.

©Mike Perkins / Urban Comics

La réussite de ce Lois Lane repose sur une trame débordante d’énergie, qui tient le lecteur en haleine et cela notamment, par le biais d’émotions fortes de la part des protagonistes présents sur l’échiquier. Ironique également de constater les ressentis de la foule lorsqu’elle se moque maladroitement de sa liaison avec Superman, la pointant du doigt et l’accusant, peu perspicace, de tromper son mari Clark, alors qu’il s’agit de la même personne.

La Dame d’acier (comme on la nomme initialement) prend son envol durant les années 1950 afin de rejoindre l’élite des super-héros de DC Comics. Ses créateurs Jerry Siegel & Joe Shuster la placent d’entrée de jeu, de concert avec son collègue Clark Kent au sein d’enquêtes déroutantes et périlleuses.

L’héroïne jouera un rôle prédominant aux côtés de Clark Kent dans de nombreux épisodes. C’est ainsi que durant les années 1960, Mort Weisinger entreprit à son tour de placer la belle dans une autre approche : Lois souhaite prouver que Clark et Superman ne sont qu’une seule et même personne, tout comme elle souhaite se marier avec un sosie de l’Homme d’acier...

Les auteurs se succèdent, tous avec cette vision de rapprocher le plus possible les deux tourtereaux, jusqu’à envisager de les marier pour la série TV Lois & Clark - Les Nouvelles aventures de Superman, mais ce projet tombe à l’eau et dérive sur un autre épisode : La Mort de Superman.

Plus récemment, en 2012, lors de la Renaissance éditoriale de DC, le personnage de Superman se retrouve profondément modifié et ce nouvel homme d’acier sort avec son équipière de la Justice League, Wonder Woman. Enfin, en 2018, Brian Michael Bendis modifie la donne en reprenant le fils du couple, Jonathan Kent (né durant l’exil de ses parents, un épisode initialement concocté par Peter Tomasi & Dan Jurgens), fait prisonnier dans une dimension parallèle par Ultraman. Autant dire que Loïs Lane joue un rôle on ne peut plus important dans l’évolution dramaturgique de Superman.

Le trait de Mike Perkins quant à lui, parvient à donner une réelle contenance à cette œuvre. Il signe ici l’une de ses plus belles prestations, et cela page après page, sans jamais lâcher le niveau. Il fournit un travail colossal de pas loin de 300 pages ! Son coup de crayon est agréable à l’œil : autant les décors que les plans rapprochés répondent à l’appel. Une grande partie de l’album se déroulant en pleine pénombre, les effets d’ombre et de lumière témoignent de la qualité graphique du dessinateur dans un usage de lumières éblouissantes qu’accompagne le choix d’un design ultra-moderne, ce qui pourra séduire mais aussi en rebuter plus d’un.

Les couleurs sombres mais efficaces de cette mise en couleurs donnent un réel relief à l’ensemble, déployant une atmosphère noire et trépidante faite pour exalter le lecteur.

Un très bon comics donc, loin des sentiers battus. La noirceur du récit allié à un graphisme percutant assure un résultat de haute tenue.

©Mike Perkins / Urban Comics