Comics

Héritage et réinvention : les 4 Fantastiques T. 1 - Par John Byrne - Ed. Panini collection Omnibus

Par Christian GRANGE le 13 novembre 2023                      Lien  
Pavé de presque 1 100 pages rassemblant des dizaines d’épisodes pour les fans des 4 Fantastiques et du talentueux John Byrne !

Petit retour en arrière pour apprécier la reprise de John Byrne.
Le succès de la Ligue de justice d’Amérique chez DC comics donne des idées à l’éditeur Atlas comics, ex-Timely et futur Marvel. Stanley Martin Lieber dit Stan Lee et Jacob Kurtzberg dit Jack Kirby créent alors l’équipe de super-héros dont le premier numéro sort en août 1961 (année où l’URSS envoie son premier homme dans l’espace). Hachette collections réédite d’ailleurs leurs premières aventures dans sa collection Marvel origines.

Red Richards, sa fiancée Jane Storm (Susan « Sue » Storm en VO), le frère de celle-ci, Johnny Storm et son ami Benjamin « Ben » Grimm s’envolent dans l’espace mais subissent des rayons cosmiques qui vont leur donner de super-pouvoirs : ils deviennent l’Homme élastique, la Torche, la Chose et la Femme invisible. Red (Reed dans la version originale) a ignoré les conseils de prudence de Ben. La faute et en corollaire, le sentiment de culpabilité du savant sont donc présents dès le début des aventures des quatre explorateurs.

Héritage et réinvention : les 4 Fantastiques T. 1 - Par John Byrne - Ed. Panini collection Omnibus
Couverture alternative de l’intégrale T. 1
L’intégrale est également disponible, en tirage limité, avec une couverture différente. L’aspect familial des FF est particulièrement affirmé avec ce dessin.

Dès les premières aventures du quatuor, des méchants emblématiques apparaissent : l’Homme-taupe (FF n°1), les Skrulls (FF n°2), Namor, souverain d’Atlantis, amoureux de Sue (FF n°4) et le docteur Fatalis (FF n°5). Alicia Master, l’amie aveugle de Ben est aussi présente (ainsi que son beau-père, le Maitre des maléfices) dans l’épisode Prisoners of the Puppet-Master traduit par Sus au Maitre des maléfices (FF 8, 1962). Les Fantastiques croiseront rapidement la route de Hulk (FF n°12 en mars 1963) et du Gardien (dans Et le gardien fut, FF 13).

Plus tardivement, la Zone négative et Annihilus (Que la vie soit, FF annuel 6, 1968) dont le nom indique bien le programme, sortent aussi de l’esprit et du crayon de Stan Lee et Jack Kirby. C’est aussi dans cet épisode que nait Franklin, le fils de Red et de Sue.

Kirby et Lee travaillent ensemble pendant 102 numéros, ce qui assure la cohérence de la série mais aussi, impose un cadre assez précis aux artistes qui la reprendront.
Cette équipe de super-héros qui forme une famille n’a pas d’identité secrète et son adresse (son quartier général, le Baxter building) est connue. Autre fait marquant : ils ont chacun une personnalité avec des caractéristiques particulières, des défauts et des failles.

John Byrne n’oublie pas les fondamentaux dans les épisodes dont il signe le scénario. D’ailleurs, l’épisode 232 qui voit le retour de Byrne sur la série après une parenthèse (du n°221 au 231), s’intitule Retour aux sources !

Sauvetage
La vie affective de Jonny est jalonnée de différentes rencontres.

En France, c’est dans la revue Nova que sont publiées avec régularité les aventures de l’équipe. L’album de la collection Omnibus paru en novembre 2021 (1 096 pages !) assure une nouvelle publication sur un papier de belle qualité. Attention : les dates indiquées sont erronées. Les épisodes de John Byrne ne datent pas de 1961 mais s’inscrivent dans une période courte - au vu du nombre d’épisodes produits et de leur qualité- allant de 1979 à 1983.

1 - Un scénariste inspiré

Leur pouvoir ne les sauvera pas (sur scénario du grand Chris Claremont) paraît en 1978. Spider-Man (l’Homme araignée) et la Torche affrontent le Super-Skrull, avec l’aide de Miss Marvel. C’est Byrne qui scénarise la fin de cette aventure (publiée dans Marvel two-in-one 50 sous le titre de Les choses du passé (en VO : The Thing battles the Thing). Il imagine La Chose s’affrontant lui-même, à l’occasion d’un voyage dans le temps.

Il y a dans ce tome 1 de l’intégrale des FF par John Byrne, quelques pépites.
Mission pour un homme mort, date de 1981 (FF 233) et constitue le deuxième scénario qu’il signe depuis son retour sur la série. Remarquable par sa critique de la peine de mort, son récit l’est également par son sens de la narration. Les deux premières planches sont exemplaires. Dans la suite de l’histoire, Johnny replonge dans ses souvenirs (une seule case pour évoquer sa situation de souffre-douleur de ses camarades d’université). Le méchant apparait quelques pages avant la fin. Notons aussi l’usage du noir et blanc pour signifier le flashback du cambriolage.

L’épisode suivant, The man with the power (FF 234, L’homme de pouvoir en VF) ose mettre en avant un inconnu bedonnant et grisonnant sur les huit premières pages (soit le tiers du récit !). Il sauve le monde sans en avoir conscience. L’épisode aborde les essais nucléaires menés sur des soldats à qui l’ordre avait été donné de s’asseoir en plein désert, s’exposant ainsi aux radiations de la bombe ; soldats qui seront ensuite déclarés sains.

Byrne abordera des thématiques sociétales comme l’enfance maltraitée (dans Holocaust in the desert (FF 239) traduit bizarrement, mais non sans une relative pertinence, par Les amis de Wendy) ; remettra en cause le manichéisme des histoires super-héroïque avec un Fatalis se souciant de son peuple (FF 246 et 247) et un Red Richard provoquant par sa soif d’exploration et de découverte, l’arrivée d’Annihilus à New York (à partir de FF 251 Dans la zone négative) ou encore, sauvant la vie de Galactus.

En termes scénaristiques, La ville (FF 252) vaut le détour avec ses sacrifices vivants pour apaiser un « dieu » qui est.. (préservons le suspens).

Le sens du suspens dans Héritage (FF annual 17 ; 1981) dont le personnage principal est à nouveau, une simple mortel, Sharon Selleck, colocataire de la petite amie de la Torche, s’appuie sur un danger permanent mais non-identifié. La fin, par la perspective qu’elle induit, s’avère brillante et effrayante.

FF 234 L’homme de pourvoir
Un des épisodes où John Byrne démontre toute l’étendue de son talent.

2 - Des couvertures-choc

À partir de FF 209 (1979), John Byrne en devient le dessinateur attitré. Il dessine des Fantastiques vieillis (dans Le Combat des titans) sous l’effet d’un rayon de Terrax. Sa couverture de FF 213, Le Combat final est saisissante : La Torche crie son impuissance au milieu des corps de ses co-équipiers. Les visages émaciés de Red, Sue et la Chose, lui aussi à terre, s’inscrivent dans la tradition des comics devant à chaque numéro attirer l’acheteur.

On retrouve ce choc visuel avec la revue FF 220 (Search for the stars, soit en VF Et partout autour du monde, les lumières se sont éteintes, titre meilleur que la VO) tout en rouge ; le numéro 233 (toujours en 1961) avec une Torche, en rage, brisant ses chaines (dominantes de jaune et de rouge) ou encore le numéro 234 présentant une mystérieuse silhouette blanche, bras écartés, sur fond rouge. D’autres couvertures optent pour l’humour : ainsi de FF 238 qui annonce que le Dr Fatalis n’est PAS de la partie.

Cependant, la règle générale de couverture illustrant les héros en mauvaise posture est très majoritaire : la Femme invisible avec un costume déchiré et tendant le bras (FF 245), le personnage de Fatalis avec une taille écrasant les héros (FF 247), Red repêchant le corps noyé de Sue (FF 248), les 4 Fantastiques terrassés (FF 249) par Gladiator qui tient le corps de Ben à bout de bras. Signalons encore la couverture FF 257 avec un visage en gros plan moitié Galactus moitié squelette et celle de la revue FF 260, qui semble annoncer la fin de Victor Von Fatalis avec un masque fumant dans des décombres et trois des quatre héros aux bouches ouvertes par la stupéfaction.

FF 233 Mission pour un homme mort
Visuel choc pour la couverture, ce qui est caractéristique des publications Marvel. L’histoire est beaucoup plus inhabituelle, abordant le thème d’un homme condamné à tort, à la peine capitale.

3 - Des fins d’épisodes spectaculaires

Les épisodes se terminent souvent sur un suspens annonçant la suite ou autre image choc : la silhouette de Galactus (FF 209) qui prononce des paroles menaçantes à la fin de l’épisode suivant (« Échouez et je promets que vous et votre monde … mourrez ! »), le corps de Reed, vieillard au visage marqué que soutient Johnny (FF 213), les agresseurs transformés en souris ou rats (FF 215), Reed s’interrogeant sur le responsable de l’ouverture du portail (gauche de l’image) et H.E.R.B.I.E côté droit de l’image (FF 216), le royaume de Latverie en ruine sur une pleine page (FF 246), le corps de Vision abandonné (FF 256), Namor affaibli s’encastrant dans la porte que vient d’ouvrir Sue et s’exclamant « - Susan Richards j’ai besoin de toi ! » (FF 260)…

Il en est parfois de même pour la première image des épisodes interpellant le lecteur potentiel et incitant à l’achat : Fatalis (FF 247) affirmant « - Ce pays m’appartient » ; Galactus en pleine page pensant « - Je meurs ! » (FF 257) ; Namor volant (FF 260) là encore sur une case occupant toute la page ; Ben et Alicia enlacés dans un taxi (FF 220) en contraste fort avec la couverture ; Vif Argent courant à toute allure la mâchoire serrée (FF240)…

4 - Des personnages gagnant en complexité

Comme il est de coutume dans l’univers Marvel, John Byrne n’oublie pas d’inviter divers super-héros, notamment Spider-Man, Miss Marvel, les Inhumains, les X-Men, la Panthère noire, Daredevil, les Avengers, le Silver Surfer.

Au-delà de cette attention marketing, qui est aussi le constat de la volonté d’une cohérence globale de l’univers Marvel, l’intérêt de cette intégrale est de faire évoluer les personnages vers moins de manichéisme. Même Fatalis et Galactus deviennent plus complexes. Cette psychologie concerne aussi des personnages « normaux » : par exemple, Randolphe, le scientifique victime qui acquiert une super-intellgence et devient un « méchant ». ou Frankie Raye qui acquiert les mêmes pouvoirs que la Torche puis choisit de devenir le nouveau héraut de Galactus.

Sue voit son rôle s’affirmer (FF 245 La fin de l’enfance), épouse ET super-héroïne, membre à part entière de l’équipe. Ben souhaiterait retrouver sa forme humaine mais craint qu’Alicia ne s’éloigne alors de lui. S’il éprouve toujours cette inquiétude d’être perçu comme un monstre, il est capable d’humour sur lui-même, signe d’une relative acceptation de soi. D’ailleurs, dans la série The Thing (scénario de Byrne, dessin de Ron Wilson - 1983), son ancien amour de jeunesse, défigurée, vient lui demander de l’aide et lui dit « - J’espérais que tu pourrais m’expliquer comment tu fais ». Reed s’interroge sur les pouvoirs de Franklin et sa responsabilité de père.

Cette collection Omnibus en général, et ce premier volume de l’intégrale des FF par Byrne en particulier, offre pour les amateurs de comics, des Quatre fantastiques ou de John Byrne, un rapport qualité prix indéniable, à glisser sous le sapin.

(par Christian GRANGE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9791039101059

✍ Stan Lee ✍ Chris Claremont ✏️ John Byrne à partir de 10 ans
 
Participez à la discussion
5 Messages :
  • Alors, juste pour info... les couvertures chocs et les cliffhangers en fin d’épisode, c’est quand même la marque de fabrique des comics depuis les 60’s :)
    Byrne les utilise parfaitement mais c’est inhérent au mode de publication d’origine (en kiosques, et mensuel : faut se démarquer tout de suite sur les étals, et faut faire revenir le mois suivant !).

    Répondre à ce message

    • Répondu par Christian Grange le 14 novembre 2023 à  09:59 :

      Bonjour Seb. Merci pour votre intérêt pour cet article. Je vous rejoins tout-à-fait sur l’aspect marketing ancien pour ne pas dire originel des couvertures choc et des cliffhangers (fins à suspens), ce que j’indique dans l’article par la formule suivante : "...s’inscrivent dans la tradition des comics devant à chaque numéro attirer l’acheteur."

      Répondre à ce message

  • "Attention : les dates indiquées sont erronées. Les épisodes de John Byrne ne datent pas de 1961 mais s’inscrivent dans une période courte - au vu du nombre d’épisodes produits et de leur qualité- allant de 1979 à 1983."

    Ce n’est pas une erreur. La présentation est correcte. La date entre parenthèses est toujours celle de la création de la série. Donc 1961 pour la série Fantastic Four. Cela afin de pouvoir faire la distinction avec les séries qui suivront avec le même titre à partir de la fin des années 90

    Répondre à ce message

    • Répondu par Christian GRANGE le 15 novembre 2023 à  06:26 :

      Merci Lord pour cette info ; je dois reconnaitre que je ne le savais pas.
      Et en complément, quel est votre avis sur la période Byrne des FF ?
      Belle journée à vous.

      Répondre à ce message

      • Répondu par Michel Dartay le 15 novembre 2023 à  17:56 :

        Bon article sur une période intéressante du World’s greatest comics (slogan pompeux de l’époque pour le premier groupe ou plutôt famille de super-héros Marvel, mais les FF se sont ensuite faits dépasser en popularité par d’autres équipes comme X-Men ou Avengers.
        Quelques points complémentaires : Panini a été bien inspiré de reprendre cet arc en Omnibus, même si le format et le poids des ouvrages de cette collection ne se prêtent pas à la lecture au lit ou dans le métro. Ces épisodes avaient été traduits par Lug dans la revue Nova, au format plus petit que celui de Strange. La reprise au vrai format Comics permettra de mieux apprécier les détails et qualités du trait de John Byrne.
        Car même s’il travaille beaucoup, produisant facilement à cette époque deux ou trois comics par mois, son trait élégant et facile est agréable à l’oeil.
        Il enchaîne ce run des FF quelques mois après l’abandon des X-Men au 143 (daté Mars 1981), série qu’il n’a pas créée, mais dont il a consolidé le succès, en faisant la plus gros succès commercial Marvel de l’époque, grâce aux talents conjugués de Chris Claremont, mais aussi de l’excellent encreur Terry Austin.
        Byrne était sans doute frustré de ne pas pouvoir écrire ses histoires, ici il devient auteur complet à partir du 232. Ce qui lui permêt quelques belles échappées, parfois audacieuses, que vous avez notées. Et qui contrastent habilement avec les comics de la décennie passée, en plus uniformisés par l’encrage de Joe Sinnott.
        Donc, un bon moment de lecture !

        Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Christian GRANGE  
A LIRE AUSSI  
Comics  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD