Il faut dire que le casting est incroyablement raccord : il y a le petit, bilieux et colérique, aux yeux noirs perçants et meurtriers, qui intrigue de longue main pour prendre la place du paisible capitaine de pédalo, un aimable Flamby, un peu replet et toujours optimiste. Ce sont des caricatures, bien sûr, donc injustes. Mais quand même, avouez, ce grand vizir "très méchant" qui n’a pour but que de devenir "Calife à la place du Calife" face à un monarque "qui ne fait rien et qui le fait bien", comme l’écrivait René Goscinny, "coulant des jours heureux et somnolents dans la douce quiétude de sa souveraineté" ont des accents d’une étonnante vérité. C’est pourquoi le grand vizir, qui avait déjà voulu être chef de l’État lors de la dernière joute présidentielle, garde toute son actualité.
Et de la même façon que ces mêmes hommes politiques adorent envahir les librairies de leurs écrits, mémoires, programmes et autres verbatim, le Grand Vizir revient régulièrement avec le récit de ses exploits passés. C’est le quatrième volume de ses œuvres complètes, cette fois uniquement signées Jean Tabary, René Goscinny ayant disparu en novembre 1977 (Jean Tabary, quant à lui, nous a quittés voici exactement cinq ans, en août 2011).
Tabary est moins enclin au jeu de mots que Goscinny et davantage dans le profusion de détails, mais sur le "pitch" initial du créateur d’Astérix, il a su développer un petit théâtre bon enfant qui n’ennuie jamais et d’où sortent quelquefois de jolies trouvailles comme ces "babouches galopantes" ou ces aller-retour dans le temps qui mènent notre calife comploteur de l’âge de la pierre au XXe siècle.
Il faut ajouter que cette édition s’enrichit d’un fort dossier de 77 pages (!!!) truffé d’informations sur la carrière de Jean Tabary, puisées à des sources de première main (les archives Goscinny, sa famille...) et qui corrigent quelquefois les erreurs que l’on peut lire ça et là sur la toile.
Un incontournable de la rentrée !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion