« Cette série est née d’une façon spéciale : elle est assez curieusement issue du "Petit Nicolas" que je faisais avec Sempé, racontait René Goscinny à Numa Sadoul et Jacques Glénat pour les Cahiers de la bande dessinée. J’avais écrit une histoire où Nicolas était en vacances dans une colonie, avec un monsieur très gentil qui racontait des histoires aux enfants. Et il leur avait raconté l’histoire d’un méchant grand vizir qui voulait toujours devenir calife à la place du calife […] Et lorsque Record est paru, et qu’on nous a demandé une série, à Tabary et à moi, j’ai pensé faire une parodie des "Mille et une Nuits", en prenant toujours le thème du calife qui veut être à la place du calife et qui n’y arrive pas.. L’amusant, là aussi, est qu’il faut chaque fois trouver le truc pour qu’il n’y arrive pas et renouveler l’opération à chaque histoire. Et puis j’ai décidé que là, je m’abandonnerais à mon péché mignon : trouver les calembours les plus atroces, j’adore ça ! »
Ce « péché mignon » n’est pas si facile que cela à assumer, car tout le monde n’est pas un orfèvre de la langue comme René Goscinny, d’autant que le calembour n’est jamais aussi atroce que quand il est improbable. C’est sans doute là que ça pêche dans ce dernier album : un joueur de boules du nom de Marius voit arriver une ravissante du nom de Fâhanny, une escroc des finances jargonne à qui mieux mieux des termes financiers abscons pour finir s’avérer « manquer de franchise » et « ne pas épargner » le calife malchanceux… Comme dirait notre escroc, c’est un humour à faible rendement.
Certes, la critique est aisée et l’art est difficile, mais Goscinny avait bien expliqué sa méthode : il inventait d’abord le gag et/ou le jeu de mots, et construisait son histoire autour en essayant de caractériser le personnage qui portait le trait. La faiblesse est qu’ici, l’histoire est littéralement décorée de jeux de mots un peu laborieux. On cherche en vain le sourire.
On aura encore sans doute à la suite de cet article l’éternel commentaire du genre « c’était mieux avant » sur le mode « un auteur mort est mieux qu’un auteur vivant » filant sur la malfaisance du marketing de ces éditeurs avides de pognon. Nous nous contenterons modestement de dire : « peut mieux faire » et d’espérer que la reprise s’améliore avec le temps, car nous pensons que l’être humain est perfectible. Car il faut en être conscient : succéder à René Goscinny, surtout au 60e anniversaire, ce n’est pas un cadeau.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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Des Bougies pour Iznogoud – Par Olivier Andrieu, avec la collaboration d’Anne Goscinny et Elric – Imav Editions
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