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Joann Sfar : « Le Petit Prince est un livre de sagesse »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 juin 2008                      Lien  
C’est un Joann Sfar enjoué que nous rencontrons alors qu’il est à trois pages de l’un des enjeux les plus importants de sa carrière : l’adaptation en bande dessinée du monument de la littérature qu’est « Le Petit Prince » de Saint–Exupéry. Rencontre.
Joann Sfar : « Le Petit Prince est un livre de sagesse »
« Le Petit Prince » de Joann Sfar d’après Antoine de Saint-Exupéry © Gallimard Jeunesse.

L’adaptation du Petit Prince de Saint-Exupéry est un sacré défi. Vous avez dû avoir très peur…

Oui, mais quand tu as peur, tu ne peux pas travailler. J’ai eu peur au début, tant que je n’avais pas accepté. Une fois que tu as accepté, tu te dis que tu vas vivre un an avec cela dans ta vie, tu essaies de ne pas te ridiculiser, et voilà tout . En plus, je trouve qu’il y a souvent une mauvaise lecture du Petit Prince. Il y a des gens qui disent que c’est mièvre ou enfantin alors que, quand on entre dans le texte, c’est vraiment mélancolique, vraiment triste… Je trouve cela poignant à lire. J’ai essayé de ne pas dissimuler les émotions que ça suscitait chez moi sans avoir l’air idiot. Alors, ce genre de choses, on le fait ou on ne le fait pas. Si tu acceptes, tu y vas !

Joann Sfar et Olivier Dagay, petit-neveu de Saint-Exupéry et responsable de la succession de l’écrivain.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Vous avez évoqué en conférence de presse une narration à la japonaise. Est-ce à dire que vous avez effacé l’ellipse ?

Presque. Parce que ce n’est pas mon texte. C’est raconté de manière très littéraire : un petit garçon ne parlerait jamais comme le Petit Prince. Comme j’ai pris le parti de ne pas changer le texte, cela impose une narration qui est beaucoup plus lente, plus déliée, plus contemplative, et où il y a plus de pathos que dans ce que je fais d’habitude. Là aussi, je ne pouvais pas le faire à moitié, m’en tirer par une pirouette au moment où tout le monde est en larmes. Alors j’y vais ! Il y a plein d’auteurs de mangas qui n’hésitent pas à y aller quand un personnage pleure. Je fais de même, mais avec des choix qui peuvent surprendre. Par exemple, vous ne verrez pas le Petit Prince piqué par le serpent mais le visage de Saint Exupéry pendant cette séquence.

Tout est centré sur Saint-Exupéry qui devient un personnage à part entière ?

Non. Tout est mis en dialogues. Je mets en scène les personnages qui parlent. Dans le livre, c’est évident qu’ils sont deux en train de parler sauf que Saint-Exupéry ne dessine que le Petit Prince puisqu’il est en vue subjective. Moi, je passe à un mode objectif : je les montre tous les deux. Je ne change pas le texte, je change juste l’angle de vue.

« Le Petit Prince » de Joann Sfar d’après Antoine de Saint-Exupéry © Gallimard Jeunesse.

Comme dans un making of ?

Non, non. Ca raconte les choses très simplement, on n’a pas besoin de réfléchir. Au lieu d’être dans les yeux de Saint-Ex, on regarde Saint-Ex et le Petit Prince en train de converser.

C’est une réflexion sur la création littéraire ?

Non, c’est très simple. J’aime bien la manière dont les Japonais abordent Le Petit Prince. C’est un livre qu’ils aiment beaucoup. Pour eux, c’est un livre de sagesse. C’est une situation contemplative. On pose les personnages et les choses et on voit ce qui se passe entre eux, c’est tout.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

« Le Petit Prince » de Joann Sfar d’après Antoine de Saint-Exupéry © Gallimard Jeunesse. En librairie à partir su mois de septembre et dans Télérama à partir du 25 juin 2008.

Lire l’interview d’Antoine Gallimard

✏️ Joann Sfar
 
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8 Messages :
  • je viens de voir et lire les premieres pages un seul mot genial. bravo car l’exercice était périlleux. on retrouve bien la magie du petit prince. fan des dessins de star depuis le chat du rabbin je trouve le petit prince très réussi. encore bravo il me tarde de voir la suite.

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    • Répondu par Raph le 28 juin 2008 à  00:19 :

      C’est le problème de la surmédiatisation. Sfar a beaucoup de talent et de poésie dans le trait. Mais quand Sfar fait du Sfar, et de façon si précoce, là on se dit qu’il y a un truc qui cloche. Ben oui, quoi, c’est vrai, c’est bâclé. Fait à la va vite. Quand un milieu tourne autour de lui même en vase clot, quand le copinage est roi, quand le show biz prend le pas sur la création, quand on fait un coup, comme on se ferait une banque, faut pas s’étonner de la médiocrité du résultat. C’est le Petit Prince qu’on assassine. Il ne méritait pas ça. Sfar non plus.

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  • Je viens de lire les premieres pages dans Télérama, et un seul mot me vient : lamentable.
    Hormis que l’adaptation du Petit prince en bd soit strictement inutile, Joann Sfar aurait pu faire un effort et bosser un peu pour une fois.
    Et bien non, il bacle à tour de bras, expédie les pages comme un sagouin.
    Monsieur fait ses pages sans crayonnés, il se prend pour un cador, mais ça demanderait un minimum de rigueur, là on en est au niveau du gribouilli vite envoyé, il ferait ça en dédicace, le lecteur lui foutrait l’album en travers de la tronche.
    Devant la campagne publicitaire prévu pour ce produit ("la bd la plus attendue de la rentrée"sic)
    il y a fort à parier que nombre de néophytes en matière de bd vont acheter ce produit, et malheureusement, ce n’est pas l’inanité de ce bouquin qui va réhausser l’image navrante qu’a la bd chez les dit néophytes.

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    • Répondu le 26 juin 2008 à  13:08 :

      "il ferait ça en dédicace, le lecteur lui foutrait l’album en travers de la tronche."

      Quel violence ! Et de quel droit ?
      Un auteur offre a un lecteur la dédicace qu’il veut, si il veut. Ce n’est pas un devoir !

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    • Répondu par Une rose sans épine le 5 août 2008 à  15:58 :

      Moi j’ai adoré ces premières pages que j’ai attendues chaque semaine dans Télérama et je les ai trouvées aussi émouvantes que votre commentaire est grossier, lamentable et inutile ! Je suis sûre que cette BD aura effectivement un énorme succès non seulement auprès des amateurs de BD mais aussi auprès de tous ceux qui ont aimé le Petit Prince de Saint-Exupéry. Et si Joann Sfar se fait beaucoup de fric sur cette BD ce sera largement mérité !

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  • Je viens de lire l’interview et les commentaires. Il me vient au delà de la passionaria créatrice de Joann Sfar, de lui dire BRAVO pour s’être attaqué à un mythe. Un mythe universel, qui parle à tout le monde, qui a ses mots, ses codes, son sens et même ses images. Sfar a osé revisiter ou donner sa version et les réactions sont à la hauteur de ce qui parait intouchable. La force d’un artiste c’est de digérer un éléphant et de se confronter aux conséquences. Moi, je vais direct acheter son Petit Prince, car c’est Sfar, et je lui donne du crédit aveuglément presque.

    Voir en ligne : Tout ce que j’aime

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  • A classer dans la famille : "utilisation d’une notoriété existante".

    "L’Art de l’interprêtation" ? Ce n’est pas le credo habituel de Johann Sfar. On dirait plutôt un travail alimentaire...

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  • Sabine, vous avez trouvé un gourou, on dirait...

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