Romans Graphiques

Les Idolâtres : Joann Sfar termine enfin sa thèse

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 5 mars 2024                      Lien  
Dans « La Synagogue » (Ed. Dargaud), Joann Sfar racontait son adolescence, son rapport au judaïsme et surtout l’écrasante figure du père. Un modèle marquant pour un jeune homme qui se construisait et qui ne savait pas encore qu’il deviendrait l’un des grands auteurs de bande dessinée de son époque. Dans « Les Idolâtres », c’est la figure de la mère qui est cette fois convoquée, une mère qui disparaît jeune (26 ans) alors que l’auteur du « Chat du rabbin » a quatre ans. Une mère qu’il… idolâtre depuis, et qui est finalement au cœur de sa création, refuge face à un père à la fois détaché et terriblement présent. Celui-ci préfère que son fils termine sa thèse de philo à la Sorbonne, plutôt que de perdre son temps à faire des petits Mickeys. Le fils s’exécute, tout en s’inscrivant aux Beaux-Arts de Paris. Des circonstances assez cocasses font que jamais cette thèse n’a pu voir le jour… Cet album vient pallier cette promesse non tenue.

Il y a un parallèle à faire entre la couverture de cet album et celle du premier tome du Chat du rabbin  : elles sont l’une et l’autre tirées d’une photo, celle de la mère de Joann Sfar, Liliane Hoftel, dite Lilou (1948-1974), tenant l’artiste bébé, Les deux couvertures s’en inspirent. L’auteur porte cette photo sur lui, depuis toujours. Cet album répond cette question : pourquoi cette vénération pour la figure maternelle alors qu’il ne s’en souvient guère ? Peut-on parler d’idolâtrie ?

Les Idolâtres : Joann Sfar termine enfin sa thèse

L’idolâtrie, sujet de sa thèse avortée pour la Sorbonne, est au cœur de tout ce récit : Sfar a fait son métier de la représentation par l’image de l’humain (et de l’animal, de façon, comme de juste, passablement iconoclaste), ce qui est contraire aux préceptes talmudiques, un sujet discuté aussi bien avec le rabbin, qu’avec son père ou une psychanalyste.

Reiser, idole de Sfar

Mais ce qui fait l’originalité de ce volume, c’est la pluralité des voix. L’auteur se représente à tous les âges : enfant, jeune adulte, auteur accompli récoltant les César, ou encore conversant avec une psychanalyste. Ainsi s’égrènent souvenirs et anecdotes sur la création, sur ses débuts dans la profession, quand il harcelait les éditeurs de ses sollicitations.

Joann Sfar. Son exposition au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme est toujours visible, jusqu’au 12 mai 2024.
Photo : Kelian Nguyen

Il rend hommage à ses maîtres qu’il rencontre parfois : Sempé, Edmond Baudoin, l’auteur de BD pornographiques Lévis, René Pellos, Quentin Blake, Topor, Cabu, Reiser, Jack Kirby, Moebius…, ses compagnons de route comme l’elficologue Pierre Dubois, des éditeurs comme Jean-Paul Mougin ou Jean-Claude Camano, ses profs des Beaux-Arts ou de fac comme Jean-François Debord ou Clément Rosset.

Les Idolâtres est une passionnante et très belle réflexion sur la création menée par un grand auteur. Sans doute un de ses chefs d’œuvre.

Voir en ligne : L’expo Joann Sfar au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782205208597

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
A LIRE AUSSI  
Romans Graphiques  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD