L’Ami - par Lola Halifa-Legrand & Yann Le Bec - Dupuis

Publié dans la collection tranche de vie Les Ondes Marcinelle, le livre s’ouvre sur notre personnage principal Tomi, ado libidineux, qui mate un porno. Ay caramba, peut-on se dire. Mais parmi les scènes de branlettes (hot) ou d’éclatement de boutons (beaucoup moins hot), Tomi reste un garçon gêné et un peu dégueu qui mate trop et fait un peu obsédé sur les bords (turn-off complet). Donc jusque là, tout est plausible.

Avec un découpage bien maîtrisé et tout en noir et blanc, même cette première scène fait un peu roman noir. Bref, y a un truc qui cloche dans la campagne de Tomi et ses préoccupations hormonales.

L’histoire tourne en réalité, comme l’annonce le titre, de sa rencontre avec un Féliks, qui fume et qui sort des pépites comme : « - T’imagines si on avait la bite à la place du nez ? », mais qui lit aussi des livres de Zola, enfin, faut pas exagérer : « - Tu sais ce que j’aimerais ? C’est rencontrer Zola et lui montrer Pornhub ». Personnellement j’aurais opté pour Hugo, mais chacun son kink.

Ce nouveau pote solitaire et mystérieux qui conduit une moto (!) est un ado turbulent style Lebrac dans La Guerre des boutons, et qui va tenter de faire rentrer Tomi dans ses jeux à la morale disputable.

Les dessins de Yann Le Bec sont beaux dans leur simplicité et leur efficacité, et le rythme est soutenu. Un problème est qu’aucun des personnages ne convoite réellement notre sympathie, à part peut être la mère de Tomi, personnage injustement écarté de l’histoire mais présent tout du long, qui donne à voir au lecteur des bribes de sa vie (il y a aussi une scène de branlette). Aussi rentre-t-on dans le genre d’histoires où malheureusement les seuls personnages féminins sont la mère et la copine.

Le dessin donne matière à l’histoire, pas sûr que l’histoire donne réellement matière au dessin. C’est la première bande dessinée des auteurs Lola Halifa-Legrand, réalisatrice ici au scénario, et Yann Le Bec, l’illustrateur, qui avait notamment déjà fait une expo aux côtés de Baudoin dont il semble s’inspirer. Mais la BD reste truffée de fausses pistes et de dialogues bizarroïdes (c’est sans doute le but). Il s’agit surtout un roman d’apprentissage où l’adolescent grandit dans une atmosphère de giallo perturbant (on sent l’appréciation de Burns).

Perturbant aussi est le moment décisif où (spoiler) Tomi tue une vache comme il tuerait son innocence, pour ensuite renoncer au monde chaotique de Féliks. Bref, à suivre : voici 254 pages qui pavent le chemin pour, nous l’espérons, de futurs albums.