L’année fantôme - par Didier Tronchet - Éd. Dupuis

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Un roman graphique qui parle d’humour avec gravité et profondeur : Didier Tronchet interroge sa propre vocation d’humoriste à travers le portrait de Collot qui est amené à découvrir une année oubliée de son enfance qui l’a influencé à son insu.. Un touchant parcours de chute et reconstruction.

Tronchet met en image un projet ancien de roman, longuement maturé, lié à son histoire personnelle : l’année fantôme qu’il évoque a réellement existé et son scénario n’a pas été totalement écrit à l’avance. Comme dans ses précédents romans graphiques, il privilégie la spontanéité et se laisse porter par la logique des personnages et des situations, le texte venant souvent après…

L'année fantôme - par Didier Tronchet - Éd. Dupuis

Le personnage principal, Gilles Collot-Sopièdard, réputé pour ses phrases assassines, est l’humoriste le plus redouté de Paris. Cependant, lorsqu’il se retrouve seul dans le cabinet de sa psychologue, il commence à dévoiler les traumatismes de son enfance qui l’ont poussé à couper les ponts avec sa famille. Après avoir connu un revers professionnel, le quinquagénaire décide de partir dans le Nord pour renouer avec sa famille et pour découvrir une année clé de son passé : 1986, une année que sa mère a volontairement cachée des albums photo de la famille.

Le personnage du psy qui bouscule Collot en refusant de rentrer dans son jeu est bien vu. Le fils joue aussi un sain rôle de garde-fou, l’empêchant de se prendre trop au jeu...

Tronchet joue sur l’incertitude. Le lecteur ne sait pas trop si il doit rire ou pleurer. Il questionne l’origine de ce besoin d’attirer le regard sur soi et de détruire autrui par une blague bien placée.

La mise en espace est plutôt classique avec la plupart du temps un gaufrier à six cases mais avec des variations dans les couleurs de fond de planche en lien avec les flashbacks de l’histoire et les états-d’âme de son anti-héros. L’auteur structure son récit en sept chapitres, chiffre de la complétude (union du trois et du quatre) qui symbolise l’achèvement d’un cycle.

Son personnage, souvent mal rasé, est généralement à côté de la plaque comme certaines de ses blagues... mais jamais il ne nous irrite totalement : sa cruelle ironie cache une faille que le récit va peu à peu dévoiler et peut-être à la fin combler. Il y a bien sûr un peu de l’auteur dans ce personnage ambivalent : il a commencé lui aussi dans le journalisme et s’est inventé un pseudonyme.

Un plaidoyer sensible et émouvant sur la nécessité de recomposer des liens familiaux distendus et de vivre en paix avec son passé familial. Il nous prouve, comme l’a fait Jodorowsky, la force de la psychogénéalogie dans nos vies , une œuvre réparatrice : ici à la fin, le ridicule ne tue plus, il soigne...