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La mémoire vive du massacre de Nankin

Par Florian Rubis le 9 mars 2012                      Lien  
Par ses qualités narratives et esthétiques, cette bande dessinée franco-chinoise relative au massacre de Nankin (1937) s’impose comme le titre le plus convaincant publié à ce jour par les jeunes Éditions Fei.

Depuis 1931, la Chine lutte contre son invasion par l’Armée impériale japonaise. Le gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek et ses soldats s’opposent aussi, en parallèle, dans une guerre civile, aux forces communistes de Mao Tsé-toung, qui vont les vaincre finalement en 1949.

Mais, auparavant, en décembre 1937, lors de l’évacuation de la capitale d’alors, Nankin, un terrible massacre est perpétré. Il aurait fait 300 000 victimes.

Malgré de vaines contestations comptables, le caractère atroce de cet évènement ne demeure discuté que par tenants de l’extrémisme et du révisionnisme japonais.

La mémoire vive du massacre de Nankin
Comme des démons à la porte ?…
© Nicolas Meylaender, Zong Kai & Les Éditions Fei, 2011

Réexamen de l’Histoire, douloureux mais nécessaire pour tous

En Europe, Français en particulier, mieux vaut que nous adoptions une posture modeste à propos des leçons à donner aux autres en ce qui concerne la Deuxième Guerre mondiale. Surtout si l’on considère nos propres capacités de gestion des horreurs et compromissions issues de ce conflit.

Ceci stipulé, tous les amoureux à la fois de la Chine et du Japon, le rédacteur de ces lignes compris, n’ignorent pas quelle ambiguïté ce dernier peut continuer à entretenir, confronté à l’Histoire au XXe siècle.

Le manque de fermeté de certains Japonais face aux atrocités commises par l’Armée impériale nippone perdure d’ailleurs en tant qu’écueil difficile à contourner. Il grève encore les relations avec les pays de l’éphémère ex-empire colonial asiatique (la Sphère dite de Coprospérité de la Grande Asie Orientale). Le souvenir des camps d’expérimentation de la guerre bactériologique de la sinistre Unité 731 ou le problème des « femmes de réconfort » coréennes continuent en effet à peser lourdement sur le futur.

Un récit poignant, rehaussé par un dessin expressionniste
© Nicolas Meylaender, Zong Kai & Les Éditions Fei, 2011

L’ouvrage le plus probant des Éditions Fei

C’est un problème de cette nature qu’aborde ce nouvel ouvrage proposé par les éditions franco-chinoises Fei. Il repose sur l’histoire réelle de Xia Shuqin, survivante à Nankin, fillette à ce moment.

Soixante-quatorze ans après, un avocat chinois aide donc cette compatriote à défendre son honneur, par la voie judiciaire. Pour les besoins de sa défense, il retrace les faits, implacables dans leur reconstitution.

Un traitement poignant, mais dénué d’artifice, par le scénariste et traducteur Nicolas Meylaender, est porté par les choix esthétiques remarquables de Zong Kai. Son expressionnisme graphique rehaussé de rouge et de bleu lui confère une force supplémentaire. Au point que les jeunes Éditions Fei signent ici rien moins que leur publication majeure à ce jour !

Une double humiliation...
© Nicolas Meylaender, Zong Kai & Les Éditions Fei, 2011

S’informer, plutôt qu’ignorer

Leur démarche rejoint celle d’un film comme John Rabe, le juste de Nakin (2009) de Florian Gallenberger, sur un industriel allemand qui apparaît dans la bande dessinée. En 1937, en partance après 30 ans de séjour sur place, l’« Oskar Schindler de Chine » (Iris Chang) devint président de la zone de sécurité créée avec les diplomates étrangers à Nankin. Il essaya de protéger les civils chinois qui y étaient réfugiés.

Lecteurs ou spectateurs qui voudraient approfondir le sujet se rapporteront avec profit aux livres historiques ou de témoins, dont les journaux de John Rabe, cités à la fin de Nankin. Ils apporteront une précieuse information sur ce qui advint en Chine dans la première moitié du XXe siècle, afin de s’informer, plutôt que de continuer à l’ignorer.

D’aucuns, dont ceux qui s’intéressent beaucoup à ce pays aujourd’hui par seul pragmatisme économique, pourraient y trouver des leçons à méditer...

(par Florian Rubis)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

En médaillon : couverture de Nankin (extrait) © Nicolas Meylaender, Zong Kai & Les Éditions Fei, 2011.

Nankin – Par Nicolas Meylaender & Zong Kai – Les Éditions Fei – 144 pages, 19 euros

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5 Messages :
  • La mémoire vive du massacre de Nankin
    9 mars 2012 09:09, par Peter

    Au point que les jeunes Éditions Fei signent ici rien moins que leur publication majeure à ce jour !

    Nankin est effectivement un très beau livre, une réussite narrative (poignant) et esthétique (dessin et couleurs à la Frank Miller), je suis d’accord.
    Mais que dire de la série du Juge Bao (aussi aux éditions Fei) qui lie beauté graphique (dessins N&B fantastiques de Chongrui Nie) et scénarii réussis de Patrick Marty ? C’était déjà (et c’est toujours) une publication majeure !

    Et on peut même ajouter que Yaya étant aussi une réussite, dans un autre genre (pour enfant, dessins en rondeur..), les jeunes éditions Fei font pour l’instant un sans faute.

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  • La mémoire vive du massacre de Nankin
    9 mars 2012 09:36, par sly

    Un beau dessin qui a l’air de coller parfaitement au style documentaire, et qui donne envie de lire le livre...

    Et avec des images qui bougent, à voir avant ou après, comme bon vous semblera, il y a le film "city of life and death", qui m’a beaucoup marqué, et que je vous conseille.

    Sinon, je trouve souvent gonflé les correcteurs d’orthographe qui laissent des commentaires, mais en cherchant une image plus grande de la couverture j’ai vu que le nom du dessinateur était Zhong, avec un H.

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    • Répondu par Florian Rubis le 9 mars 2012 à  12:38 :

      Il est indiqué ZONG KAI sur l’exemplaire en ma possession. Comme vous, je trouve excellentes les séries citées. Mais "Nankin", considérant l’intensité de son sujet, m’interpelle particulièrement. J’espère qu’il en sera de même pour vous. Cordialement, Florian Rubis.

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    • Répondu par Frencho-ID le 9 mars 2012 à  12:42 :

      Et avec des images qui bougent, à voir avant ou après, comme bon vous semblera, il y a le film "city of life and death", qui m’a beaucoup marqué, et que je vous conseille.

      En effet. Peu de gore alors que l’histoire s’y prêtait ô combien, et une grande maîtrise plastique pour un récit poignant ("forcément poignant", aurait écrit l’autre).

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  • La mémoire vive du massacre de Nankin
    9 mars 2012 14:16, par saperlipopette

    Un beau dessin, "façon Frank Miller époque Sin City". Très chouette et bien à propos. bravo !

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