Ce one shot s’inspire de la vie d’Otama Kiyohara, une artiste japonaise qui a vécu la majeur partie de sa vie en Sicile durant la Belle Époque. Première femme japonaise à avoir posée comme modèle pour un artiste occidental, elle s’est mariée à ce sculpteur sicilien appelé Vincenzo Ragusa. Les deux ont contribué à des échanges culturels entre l’Italie et le Japon et ont créé de nombreuses œuvres.
Qui est Otama ? Pour la journaliste qui vient l’interviewer, c’est une femme progressiste et moderne et pour d’autres une artiste talentueuse qui a une vie parfaite. Pourtant, là où sa vie est souvent présentée comme idyllique, la réalité est bien différente. Après avoir exposé les aspects joyeux du couple, Otama décrit une facette plus dure de ses expériences : le rejet de sa belle-mère, les messes basses à son sujet parmi certains italiens. Rappelons-le, elle a quitté son pays pour un monde complètement étranger à une époque moins ouverte. Cette double perspective rappelle qu’une vie parfaite n’est parfois qu’une apparence.
Malgré tout, les actions d’Otama en font une personne forte et courageuse : elle n’hésite pas à partir vers l’inconnu et à prendre des risques pour ceux qu’elle aime, même si elle ne correspond pas à l’image modernisée que les autres ont d’elle. Tout comme son mari Vincenzo, Otama est d’une bienveillance et d’une gentillesse rare et n’hésite pas à aider les plus démunis.
Parlons d’amour. Il représente avec l’art l’un des fils conducteurs de l’œuvre et donne une force incroyable au couple malgré les obstacles. L’art et l’amour s’entremêlent et les planches subliment le temps que les amoureux passent parfois ensemble. Pour ce qui est de l’art, celui-ci est mis à l’honneur : on embarque pour un voyage à travers la culture japonaise et italienne - par les décors, les costumes, l’architecture décors, des costumes etc.
Le dessin - très soigné - transpose à merveille les différents styles artistiques rencontrés dans l’ouvrage. Comme le dessinateur est un italien qui travaille plutôt sur des bandes dessinées, les planches ne correspondent ainsi pas aux graphismes habituels du manga - un vrai tour de force. Aussi, l’illustration sur la couverture ressemble à un tableau qui offre un avant-goût de la beauté qui se cache dans les pages de cet ouvrage.
Au-delà de l’histoire d’une artiste, La Vie d’Otama parle de l’Histoire avec un grand H. On y découvre notamment un incident survenu au Japon assez complexe et pas forcément connu : le Coup d’Etat de 1936. Celui-ci arrive au début de la Seconde Guerre Mondiale et a de graves conséquences : il constitue en effet l’un des engrenages qui ont conduit à la seconde guerre sino-japonaise.
Cela donne des pages en clair obscur : d’un côté, Otama et Atsushi passent des moments paisibles ; de l’autre, la situation politique ne fait qu’empirer.
La vie d’Otama est une belle lecture qui nous plonge dans la vie d’une artiste japonaise au parcours unique. Le scénario, riche sur le plan historique, artistique et humain, est prenant. Le vécu de cette japonaise guidée par l’amour et l’art est une découverte agréable. L’ensemble est assez cinématographique et il est facile de l’imaginer sur un écran. Une adaptation en film serait donc la bienvenue !
(par Malgorzata Natanek)
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