Deux yeux immenses, gonflés par l’instinct de survie, traversent la forêt du Rwanda au Zaïre [1]. Avec sa famille, Alice fuit les violences entre Hutus et Tutsis. Ironie du sort, la jeune fille appartient à la première ethnie, responsable du génocide alors en cours. Sans pourtant qu’aucun de ses proches n’ait commis de violences, se montrant plutôt solidaire avec leurs frères "ennemis". La fuite devient un cauchemar quand Alice perd sa mère au milieu de la jungle, se retrouvant isolée avec une de ses petites sœurs. Pour survivre, il faudra retrouver au moins un autre membre de sa famille…
Présenté avec des têtes de chapitres en cartes et itinéraires, ce témoignage poignant et toujours très clair fait le pari de ne pas évoquer directement le drame tutsi qui touche tant la francophonie (France et Belgique) et dont la mémoire laisse une si grande trace partout dans le monde. En accompagnant le périple d’Alice (qui vit aujourd’hui en Belgique), l’auteur montre qu’à cette époque, en 1994, la folie meurtrière pouvait toucher de nombreuses communautés. La partie du récit se déroulant dans le pays voisin évoque également l’aide humanitaire et les attitudes parfois contradictoires des familles d’accueil successives.
Histoire d’un vrai miracle et blessure d’enfance universelle, ce Grand voyage avec ses paysages verdoyants, qui permettent de souffler entre les drames, rejoint la grande histoire à travers cette longue traversée. Et nous administre une salvatrice piqûre de rappel sur le sort des migrants, d’où qu’ils viennent.
(par David TAUGIS)
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Le Grand voyage d’Alice. Par Gaspard Talmasse (scénario et dessin). La Boîte à Bulles. Sortie le 17/11/2021. 19 x 27 cm. 144 pages couleur. 23 €.
[1] Aujourd’hui République démocratique du Congo.
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