Boomers - Par Bartolomé Seguí - La Boîte à bulles

L’auteur Bartolomé Seguí et le scénariste Felipe Hernández Cava ont reçu le Prix national de la bande dessinée en 2008 (remis chaque année par le ministère de la culture espagnole) ainsi que prix de la meilleure œuvre et du meilleur scénario au Salon de la bande dessinée de Barcelone en 2009, pour Les serpents aveugles. L’album fut publié en France, par Dargaud dans la mémorable collection Long courrier.

Inventaire provisoire

Un homme, une femme, 30 ans de vie commune et la crise de la 60aine.

Bartolomé Seguí, né en 1962 est, selon son site, l’auteur de 11 livres, de Las serpientes ciegas en 2009 à Malaherba en 2024 (pas encore traduit en France).

Il est toutefois possible de remonter un peu avant.

Selon le site des éditions Dargaud, son premier album, A salto de mata (Complot, 1989), est une compilation des aventures du charismatique Simón Feijoo, qui réunit des récits initialement parus dans la revue Madrid.

Selon Gallimard, un autre de ses éditeurs, il publie sa première histoire dans le magazine Metropol en 1983. Il collabore ensuite à divers magazines, dont El Víbora, Madriz, Medios Revueltos et BDbanda, participe à des ouvrages collectifs, illustre des livres pour la jeunesse et édite la revue pour enfants Esquitx.

Un apatride sentimental prend la route pour se (re) trouver

Case du haut : météo pluvieuse, ciel bas et gris et une petite voiture en plan large. Cases suivantes : zoom en deux temps.

Ces quelques éléments introductifs permettent de situer le dessinateur de Pepe Carvalho, Les Racines du chaos et Les Mains obscures de l’oubli et auteur unique de Boomers.

L’histoire
Dans cet album, le premier publié par La Boîte à bulles, il retrouve Lola et Ernesto, deux héros créés pour la revue El vibroa dans les années 1980.

Dans la préface de l’album, l’auteur imagine d’ailleurs ce que sont devenus les autres personnages créés dans des revues : « je sais qu’Alex est retourné dans le Sud après que des néonazis ont flingué son mari Klaus (…) que Luigi est mort d’un cancer (…) ». On voit là que l’auteur est imprégné des thématiques historiques et sociales mais aussi, son attachement aux personnages auxquels il a donné vie.

Comment réagir face à la mort ?

Parmi les thématiques effleurées, celui de la maladie qui emporte en quelques mois et celui de la pudeur, de la peur ou de la résignation qui fait que l’on garde le silence, que l’on ne confie pas à ses amis sa maladie.

Boomers commence par un soir d’orage, pleine page avec des dominantes de gris. Sous un arbre sans feuille, un personnage est assis, regardant autant la pluie que les cieux. Rapidement (5 pages plus loin), les couleurs reviennent et Ernesto se souvient de la soirée passée avec son épouse et des amis.

L’album raconte les cheminements d’Ernesto (et de son entourage) qui dressent un état des lieux de la situation des seniors, de leur place dans la société et de leurs interrogations sur le monde qu’ils vont laisser aux nouvelles générations.

La BD fait ainsi des allers-retours entre ce voyage solitaire entrepris par Ernesto et ses souvenirs de moments partagés avec ses amis et son épouse.

Des dialogues percutants et un portrait au scalpel d’une génération et d’une époque
Boomers bénéficie de dialogues percutants et c’est probablement là son principal atout :
« La vérité en ce moment, elle se négocie à la baisse  » (page 23) ;

« Vous au moins les hommes, vous pouvez passer de séduisants à intéressants (…) à cet âge, les femmes sont déjà invisibles depuis longtemps  » (page 39) ;

« C’est mauvais signe quand ton kiné commence à te toucher plus souvent que ton partenaire » (page 47) ;

« Hé, Siri, est-ce que Dieu existe » « Hé Siri, pourquoi c’est si difficile d’être heureux » (page 56) ;

« Les cimetières sont pleins de gens qui avaient d’autres projets  » (page 61)…

Moment entre amis

C’est un album émouvant. Citons par exemple la maladie qui emporte en trois mois l’un des personnages secondaires (pages 59 à 63) et impose le constat d’une vie dérisoire ; ou à l’inverse, la solidité du couple (depuis 30 ans).

Graphiquement, les planches sont le plus souvent découpées en six cases ou quatre cases carrées et deux allongées, séparées par un espace blanc un peu trop large. Les bulles et les textes présentent parfois une taille gênante et créent des tâches de blanc dans les images, travers également constaté dans d’autres BD.

Le lectorat franco-belge gagnant en âge, Boomers a toutes les chances d’entrer en résonance avec le vécu ou l’avenir proche desdits lecteurs. Pourtant, cet album sensible à l’air du temps pourrait aussi toucher les trentenaires ou quarantenaires.
Un album agréable à lire, lucide (le temps qui passe, les maux actuels de la désinformation, de l’hyperconnexion, des crises écologiques, économiques,…) et sympathique dans les grandes idées énoncées par l’un ou l’autre des protagonistes.