Comment a-t-elle rencontré Siné, « l’enragé », l’un des dessinateurs-culte de Mai 1968, une tête-brûlée qui s’est payé le scalp (pas très fourni) de Philippe Val qui l’a viré de Charlie Hebdo avec le fracas qu’on connaît ? À Cannes, par l’intermédiaire de la femme du réalisateur Marco Ferreri, le réalisateur de La Grande Bouffe. Siné a flashé sur cette femme de tête, a cherché à la retrouver, et ils ne se sont plus jamais quittés vraiment (sauf une petite escapade au Brésil, elle nous raconte tout cela). C’est par Siné qu’elle devient la cheville ouvrière de l’émission de la TV française « Droit de réponse » de Michel Polac, jusqu’à son arrêt par la « maison de maçon ».
Puis c’est l’aventure de Siné Hebdo, rendue possible grâce au soutien d’un imprimeur qui lui avait dit : « Si ça marche, tu paies, si ça ne marche pas, tu ne paies pas… ». Il ne prit pas trop de risques puisque l’hebdo vendit à 40 000 ex par semaine avant de décliner gentiment en raison d’une distribution en France de plus en plus problématique. La feuille est passée mensuelle et l’équipe s’est réduite de 12 à 4 personnes aujourd’hui. Mais elle est toujours là, la grande Catherine, en dépit du décès de son fondateur en 2016.
Siné avait une manie : quand il refusait un dessin, il faisait porter le chapeau à son épouse : « Catherine n’aime pas ! », ce qui la faisait fulminer de rage. Un jour qu’il utilisa cette excuse pour refuser un crobard au dessinateur Jiho, celui-ci a avait rétorqué : « Elle n’a qu’à faire Siné Madame, ta femme ! » Elle le prit au mot (« Je ne comprends même pas comment on peut être une femme sans être féministe ! ») et lança le titre en 2019, avant dint’en errompre la publication pour raisons de santé.
Le voilà qui reparaît cette semaine, en numéro double d’été. Côté face, le Siné Mensuel habituel avec une couverture du grand Willem, côté pile, Siné Madame, avec une couverture de la fameuse dessinatrice Willis de Tunis. D’un côté, Willem, Geluck, Lindingre, Delfeil de Ton, Jackie Berroyer, Jiho ; de l’autre Willis de Tunis, Zoé Thouron, Isabelle Alonzo, Soph ‘, Michelle Perrot qui vient de sortir un livre épatant avec Eduardo Castillo : Le Temps des féminismes chez Grasset, évidemment Florence Cestac, et une hilarante enquête de quatre femmes de la rédaction de 20, 40, 60 et 80 ans (Catherine Sinet, herself !) qui se sont inscrites sur Tinder. La patronne du journal pouffe : « Dans le questionnaire préalable d’inscription, ils m’ont demandé si je voulais des enfants ! C’est bizarre, non ? »
Dans cet entretien, elle dit encore que l’« On peut rire de tout, mais autrement... », s’inquiète d’un contexte politique où la gauche est absente : « Ça se droitise de partout. Je ne comprends pas… » et s’émeut des violences policières : « Maintenant, les flics ne sont plus des flics, ce sont des militaires en armes ! »
Catherine Sinet a beau avoir 80 ans passés, elle a la taloche encore bien ferme !
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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