Il s’agit de la première adaptation en bande dessinée d’un Prix Goncourt. C’est surtout la recréation d’un récit par un romancier et un dessinateur, à partir du livre du premier. Plutôt qu’une transcription fidèle du texte d’origine, les auteurs ont opté pour une réécriture, pour un réel travail de création pour le média bande dessinée. Du texte de base ne restent d’ailleurs que les premiers mots de l’album.
Le dessinateur Denis Deprez nous avait déjà conquis précédemment avec ses adaptations de Othello et Frankenstein. Ici, il se montre encore plus impliqué dans le projet, ayant travaillé de concert avec Jean Rouaud. Il n’a pas hésité à se remettre en question graphiquement, délaissant l’acrylique pour passer à l’aquarelle afin de mieux restituer les ambiances humides ou crépusculaires du récit. Son travail s’inscrit dans une tentative de renouvellement du langage classique de la bande dessinée. Son dessin n’a rien d’académique : il préfère laisser place aux émotions, aux sensations, à la sensibilité. Plus de bulles dans les cases, mais des caractères typographiques se plaquant sur l’illustration afin de ne pas briser l’instant fragile décrit. Les personnages sont peints avec tendresse et humilité, ne sans jamais forcer sur le patho. Quelques pages sur la Première Guerre mondiale sont d’une violence insoutenable.
Un album exceptionnel tant pour sa démarche artistique que pour le résultat obtenu. Un incontournable de la bande dessinée moderne.
Denis Deprez est un talent à encourager. Et sa carrière est à suivre !
(par Erik Kempinaire)
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